COMMENT une pharmacienne plongée dans l’adversité réussit-elle à faire émerger d’un cauchemar la pharmacie de ses rêves ? C’est l’étonnante histoire qui est arrivée à Brigitte Rivet, titulaire de la pharmacie de la place des Aires à Sommières, dans le Gard. Une histoire qui commence par une démarche à laquelle de nombreux titulaires réfléchissent actuellement : « cela faisait 25 ans que j’étais installée dans une petite officine qui marchait bien, mais avec ses 40 m2 de surface de vente, il m’était impossible de travailler sur les nouvelles missions de l’officine, j’ai donc récupéré les locaux de deux commerces voisins ce qui m’a permis d’obtenir 180 m2 en bas et 80 m2 à l’étage. » S’est alors posée la question de savoir avec qui travailler pour créer cette nouvelle pharmacie. « J’ai déjà eu des expériences d’agencement avec de grands agenceurs, et pour ce projet-ci, je souhaitais une proposition originale, qui ne ressemblait en rien au style reconnaissable de chacun d’entre eux. » Brigitte Rivet savait très bien ce qu’elle voulait : conserver le côté chaleureux et convivial de sa petite officine (avec la difficulté de le répliquer dans un espace plus de quatre fois supérieur), travailler sur un accueil zen et disposer d’une offre élargie notamment en phytothérapie sans pour autant assommer les clients par une pléthore de produits. Mais comment mettre en forme ces ambitions ? Brigitte Rivet consulte quelques agenceurs, et l’un d’entre eux, une société locale, lui soumet l’idée qui va tout faire basculer : installer un arbre dans la pharmacie, un olivier, de façon à ce qu’il en devienne le cœur.
Le cœur de l’olivier.
C’est cette merveilleuse idée qui va l’entraîner dans une aventure proche du cauchemar. Car, à part cette idée, l’agenceur en question n’apporte aucune réponse, et ne pose que des problèmes. Et cela dès le début. « Il m’avait fait sa proposition durant l’été dernier, et était parti en vacances sans fournir de devis, raconte-t-elle, mais à son retour, il a été incapable d’en établir un détaillé ». Dès lors, rien ne fonctionne. Pas même les propositions pour concrétiser la belle idée de l’arbre. D’emblée, Brigitte Rivet cherche à combler les failles de son agenceur. Et devant son incapacité à créer l’arbre qu’il a lui-même proposé, elle va chercher ailleurs, et fait des rencontres qu’elle qualifie d’extraordinaires. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance d’Anne de Crécy, une artiste qui vit et travaille à Salinelles, un village situé non loin de Sommières. Spécialisée, entre autres, dans la sculpture sur bois, l’artiste conçoit cet arbre tel que l’a imaginé la pharmacienne. La chose est bien engagée, mais pour le reste, rien ne va plus : les incidents se multiplient, la dimension des meubles n’est pas la bonne, le carrelage non plus, l’électricien travaille sans plan, la porte automatique ne correspond pas à ce qui a été demandé, etc… Brigitte Rivet n’a d’autre choix que de continuer comme elle a commencé, c’est-à-dire pallier, autant que faire se peut, les manques de son prestataire.
Mais elle prend néanmoins conseil auprès d’un avocat. Celui-ci estime qu’il faut tout vérifier, en aucun cas cependant arrêter le chantier, les acomptes versés étant trop importants. De plus, la pharmacienne avait accepté à la demande de l’agenceur de faire appel à la sous-traitance, une erreur selon elle, car si l’idée était de faire appel à des artisans de sa connaissance, le contrat de sous-traitance permettait à l’agenceur d’avoir la maîtrise des paiements auxdits artisans, et donc de les bloquer, ce qu’il ne s’est pas privé de faire pendant les moments les plus difficiles. Pire, il s’est avéré que l’escalier hélicoïdal que Brigitte Rivet avait prévu pour relier le rez-de-chaussée au premier étage ne correspondait pas aux normes (la taille des marches n’était pas conforme au droit du travail). Elle contacte d’emblée l’assureur qui l’informe que l’agenceur n’a pas pris d’assurance de dommage ouvrage, ce en quoi il s’était pourtant engagé. Bref, les catastrophes s’accumulent, la pharmacienne fait venir des spécialistes, huissier, expert judiciaire etc… Et sur le terrain, l’absence de l’agenceur se fait sentir. Compte tenu de ces nombreuses difficultés, le chantier est arrêté en novembre et ne reprend que début janvier.
Les eaux du monde.
Certains auraient pu renoncer face à une telle adversité. Brigitte Rivet parle, elle, de chance, car prenant en main directement le chantier, elle cherche et trouve d’autres partenaires, qui, à l’instar d’Anne de Crécy, font preuve de créativité, d’originalité. Et cela pour presque tous les aspects de l’agencement. L’olivier que l’artiste a conçu a été fabriqué par son partenaire Gérard Rongier, lequel a donné l’idée de placer un banc en dessous pour créer un sens de circulation, un banc où l’on peut prendre la tension du client par exemple. Le carrelage ensuite : « je vais au marché, et je rencontre un décorateur d’intérieur, Richard Goullet, qui me propose un carrelage de rêve, qui se fond parfaitement avec la couleur de l’arbre », raconte la pharmacienne. Pour l’éclairage, elle s’adresse à la société ID Lux, située à Souvinargues, près de Sommières. Emmanuel Bénech, décorateur électricien lui soumet des propositions qui mettent en scène son officine, notamment une façon d’éclairer l’olivier de l’intérieur pour que l’on en voie bien le feuillage, ainsi que son ombre sur le plafond. Il éclaire également le bar à eau, conçu par Gérard Rongier, un bar qui expose les eaux du monde, et dont les couleurs bleues sont mises en lumière par des LED bleues. Toute la pharmacie bénéficie d’un éclairage adapté selon ses différentes zones, il n’est pas jusqu’à l’entrée où un message s’affiche sur le sol par le biais d’un projecteur d’images.
Résolument moderne.
Dans le domaine de la signalétique, Brigitte Rivet fait appel à son cousin François Gros, photographe et directeur artistique dans une agence de communication, qui lui apporte ce qu’il faut de design et de stylisation pour placer sa pharmacie dans une image résolument moderne. Pour la fabrication de l’enseigne et du totem, la titulaire s’adresse à une société niçoise, Espace Enseigne, qui réalise une enseigne en lettres rétro éclairées, avec une rangée de petites LED tout le long de la façade avec un effet efficace de balayage. « Tous ces professionnels ont su rendre ma pharmacie unique », se réjouit la pharmacienne.
Mais à quel prix ? Un stress considérable, une équipe officinale dans le doute, les clients qui posent des questions, et un budget de 30 % supérieur à ce qui était prévu initialement. Brigitte Rivet a de quoi méditer sur son expérience unique, exceptionnelle à bien des égards, qu’elle ne conseille toutefois pas à d’autres titulaires. Qui sait si le hasard des rencontres, les choix effectués, et son goût pour l’agencement ont rendu son aventure tout à fait singulière, et donc impossible à reproduire ? « Mieux vaut, tout de même, s’adresser aux grands agenceurs » conclut-elle avec philosophie.
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