Des centaines d’espèces, un million de bactéries par cm2 de peau, un milliard de milliards de micro-organismes recouvrant la surface cutanée… Des chiffres vertigineux caractérisant le microbiote cutané constitué de bactéries, champignons, levures, virus, acariens et archées. Selon les endroits du corps, la sélection et la prolifération bactérienne diffère. Ainsi, le microbiote cutané des zones sèches a une faible densité, tandis qu’au niveau des follicules pileux, des zones sébacées et humides, la population atteint près de 10 millions de bactéries au cm2. Si la composition du microbiote cutané renferme encore quelques mystères, les progrès technologiques ont permis de mettre en évidence les différents groupes bactériens colonisant la peau. Les quatre phylas principaux sont Actinobacteria, comprenant les genres anaérobies à Gram positif Propionibacterium et Corynebacterium, Firmicutes, avec le genre aérobie à Gram + majoritaire Staphylococcus, Proteobacteria et Bacteroidetes. Parmi toutes ces espèces bactériennes se distinguent les résidents transitoires des commensaux.
Une histoire de flores
La flore transitoire est composée de bactéries, virus et champignons saprophytes, se nourrissant de matières en décomposition à la surface de la peau. Elle varie selon l’environnement et les moments de la journée. Généralement inoffensives, les espèces microbiennes conservent cependant un pouvoir pathogène. Les espèces bactériennes les plus fréquemment retrouvées sont les bactéries Staphylococcus aureus, E. coli et Pseudomonas aeruginosa. À la différence du microbiote transitoire, la flore permanente se caractérise par sa composition fixe, principalement en Propionibacterium acnes, Staphylococcus epidermidis, S. aureus, Corynebacterium et Pseudomonas aeruginosa. Ces espèces bactériennes commensales colonisent les zones humides et sébacées du front, du dos et de l’abdomen ainsi que les zones pileuses : aisselles, narines, jambes et bras. Le champignon Malassezia, présent au niveau des zones sébacées, et les acariens Demodex folliculorum et Demodex brevis vivant à proximité des follicules pileux font également partie de la flore permanente.
La composition de la flore cutanée débute lors de l’accouchement, par l’implantation des Firmicutes, Propionibacterium, Corynebacterium, Proteobacteria et de l’espèce fongique Malassezia. Le microbiote cutané des nourrissons nés par voie naturelle est d’abord similaire à celui de la flore vaginale maternelle, alors que les espèces du microbiote cutané maternel sont retrouvées majoritairement chez les nourrissons nés par césarienne. Évoluant et se diversifiant avec l’âge et la production de sébum à la puberté, le microbiote cutané se stabilise enfin à l’âge adulte.
Faire la peau aux agressions extérieures
À l’instar du microbiote intestinal, le microbiote cutané assure la protection de l’hôte contre les agents potentiellement pathogènes. Par le même mécanisme de barrière, les micro-organismes résidents empêchent la prolifération des pathogènes par compétition pour les substrats nutritifs et saturation des sites. S. epidermidis, grâce à la fixation sur les récepteurs des kératinocytes, limite ainsi la colonisation nasale de la forme virulente de S. aureus, mais aussi la formation du biofilm protégeant les pathogènes. Autre moyen d’attaque : la production de peptides antimicrobiens et de bactériocines contre les bactéries et levures pathogènes. Illustrations par P. acnes, freinant la croissance de Streptococcus pyogenes par la libération d’acides gras et S. epidermidis, produisant des peptides antibiotiques contre la prolifération de S. aureus.
Une peau en bonne santé implique donc un microbiote cutané équilibré, respectant les interactions microbes-microbes et microbes-hôte. En cas de rupture de cette homéostasie, les bactéries transitoires deviennent pathogènes, à l’origine d’affections inflammatoires ou d’infections.
Un microbiote sous influences
Age, sexe, hormones, constituants génétiques, immunité… Tant de facteurs intrinsèques auxquels est soumis le microbiote cutané, également perturbé par l’environnement direct. Le climat (températures, humidité, UV), la profession, les vêtements, l’utilisation de cosmétiques, l’hygiène et les traitements médicamenteux, tous modifient la composition bactérienne de la peau.
L’irritation cutanée liée à un lavage excessif favorise la croissance de bactéries pathogènes. S. aureus se développe d’autant plus avec l’utilisation de savons ordinaires élevant le pH cutané, normalement acide. Quant aux savons et gels antibactériens, ils éliminent certaines espèces protectrices, dont S. epidermidis, au profit d’agents pathogènes normalement contrés par la flore résidente.
Pour garantir une peau en bonne santé, les produits respectant le microbiote cutané, au pH adéquat et avec peu de conservateurs sont à privilégier. De plus en plus nombreux, les cosmétiques comprenant des prébiotiques ou certaines souches de probiotiques permettent de réguler la flore cutanée et aider au traitement de pathologies comme l’atopie.
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