Une anémie se définit chez l’adulte par un taux d’hémoglobine inférieur à 12g/dL chez la femme et à 13g/dL chez l’homme. Sa symptomatologie clinique, en rapport avec la baisse de l’oxygénation tissulaire et les compensations cardiovasculaires associées, se traduit notamment par une pâleur cutanéo-muqueuse (proportionnelle à l’effondrement du taux d’hémoglobine), une asthénie (liée à l’hypoxie tissulaire), une faiblesse musculaire, une tachycardie et des palpitations accompagnées de vertiges (signant un mécanisme compensateur de l’organisme en quête d’oxygène), une dyspnée d’effort, une polypnée, de la fièvre, des bourdonnements d’oreille, des troubles de l’humeur (irritabilité), de l’anorexie avec nausées. Le diagnostic est porté sur la baisse du dosage sérique de l’hémoglobine et non sur la baisse du nombre des hématies ; hématocrite et nombre d’hématies sont moins significatifs, car ils peuvent être influencés par le volume des hématies.
Pour s’en tenir ici au patient atteint d’un cancer, l’anémie peut avoir pour origine la maladie elle-même mais aussi les traitements cytotoxiques.
Anémie liée à la maladie cancéreuse. Une anémie est retrouvée dans quelque 30 % des cas de cancers, avant tout traitement anticancéreux. Elle semble liée à la libération de protéines de liaison du fer (lactoferrine) par les polynucléaires neutrophiles en réponse aux cytokines de l’inflammation. Ces protéines sidérophiles véhiculent préférentiellement le fer dans les macrophages et empêchent ainsi la synthèse de l’hémoglobine.
Chez le sujet sain, le rein et le foie produisent, en réponse à l’hypoxie induite par l’anémie, de l’érythropoïétine (EPO, une hormone glycoprotéique stimulant la production des hématies). Au cours de l’anémie liée au cancer, ce système de production est rendu partiellement inopérant, d’où un taux particulièrement bas d’EPO endogène. Cette anémie participe par ses conséquences au diagnostic du cancer, perturbe la qualité de vie du patient, constitue un facteur pronostique, influence les stratégies thérapeutiques et peut diminuer les effets des traitements comme leur tolérance.
Anémie du patient sous chimiothérapie. L’anémie iatrogène induite par les médicaments anticancéreux s’observe entre 8 jours et 21 jours après le début de la chimiothérapie. La régénération s’observe en 36 jours en général, mais elle peut nécessiter plusieurs mois, d’autant que l’anémie a tendance à devenir plus sévère au fur et à mesure que se succèdent les cycles de chimiothérapie.
L’incidence et la sévérité de l’anémie induite par la chimiothérapie dépendent de la nature des traitements administrés, de la dose et de la fréquence des administrations, des traitements associés et d’une éventuelle radiothérapie concomitante. Les anémies de grades 3 ou 4 sont plus fréquentes en cas d’association d’agents anticancéreux, notamment lorsque les protocoles comportent des sels de platine, de l’étoposide et de l’ifosfamide. Les dérivés du platine présentent une toxicité hématopoïétique prononcée (des transfusions sanguines sont nécessaires pour 38 % des patients non traités par chimiothérapie, pour 49 % des patients traités par une chimiothérapie n’incluant pas de sel de platine, et pour 69 % des patients traités par des sels de platine) ayant pour origine plusieurs mécanismes physiopathologiques conjugués. Une myélotoxicité directe ne constitue pas une hypothèse plausible puisque les leucopénies et les thrombopénies s’observent rarement mais une toxicité directe du platine sur la lignée érythrocytaire a été prouvée ainsi qu’une diminution de la production d’érythropoïétine (dépendante de la toxicité élective du platine sur les cellules de l’endothélium péritubulaire connues pour produire l’érythropoïétine).
Anémie du patient sous radiothérapie. L’oxygénation tissulaire est essentielle dans la réponse des tumeurs cancéreuses à la radiothérapie. Des études évaluant le contrôle local de la maladie tumorale ont démontré un bénéfice (notamment pour les tumeurs de la sphère ORL, pulmonaire, vésicale, utérine) en cas d’utilisation d’un oxygénateur des cellules tumorales. Le principal des facteurs d’oxygénation tissulaire demeure la concentration en hémoglobine : une correction de l’anémie permet donc, chez les patients irradiés, non seulement de réduire l’asthénie mais encore de « radiosensibiliser » certains types de tumeurs.
Article suivant
Quelques définitions
Toxicité pour la lignée érythrocytaire : anémie
Quelques définitions
Toxicité médullaire des chimiothérapies
Toxicité pour la lignée plaquettaire : thrombopénie
Toxicité pour la lignée leucocytaire : neutropénie
Les mots du client
Prise en charge de la neutropénie
Prise en charge de l’anémie
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques