La polyarthrite rhumatoïde (PR), maladie inflammatoire systémique chronique, se caractérise par des arthrites (inflammations articulaires) symétriques des articulations des membres et une arthrite du rachis cervical, des synovites agressives, avec dégradation des cartilages et déformations articulaires, des anomalies biologiques. Il s’agit d’une maladie rhumatologique auto-immune.
Une maladie fréquente.
La prévalence, en France, de la PR est comprise entre 0,15 % et 0,55 % de la population. Son incidence est d’environ 9/100 000. Touchant plus fréquemment la femme que l’homme (du moins avant 60 ans), elle s’avère plus commune entre 40 et 70 ans. Si sa distribution est ubiquitaire, sa prévalence connaît de grandes variations géographiques. Il n’y a pas de corrélation entre la prévalence de la PR et le niveau socio-économique. Maladie d’origine polyfactorielle, elle évolue sur un terrain génétiquement susceptible à la suite de l’intervention de facteurs extérieurs : facteurs hormonaux (prédominance féminine ; rémission pendant la grossesse, facteurs psychologiques (stress), autres facteurs suspectés sans preuve avérée (infections virales), etc.
Un processus physiopathologique complexe.
La pathogénie de la polyarthrite rhumatoïde découle d’une cascade de réactions auto-immunes impliquant essentiellement les lymphocytes Th1 et des cytokines, notamment le facteur nécrosant des tumeurs (TNF-alpha) et l’interleukine 1 (IL-1). Cet enchaînement est initié par une stimulation antigénique préalable endogène (collagène de type II, etc.) ou exogène (virus d’Epstein-Barr, etc.). L’antigène serait reconnu par les lymphocytes T CD4 qui, alors activés, induiraient l’embrasement inflammatoire articulaire.
L’atteinte essentielle et la plus précoce est celle de la membrane synoviale (synovite). En évoluant, cette synovite induit des lésions cartilagineuses et tendineuses, entraînant une altération rapide et irréversible de la fonction articulaire. L’inflammation synoviale est accompagnée d’une néovascularisation qui entraîne un recrutement accru de lymphocytes, de monocytes et de polynucléaires qui gagnent la synoviale en franchissant l’endothélium. Les plasmocytes y sécrètent des autoanticorps (facteurs rhumatoïdes). L’activation d’autres cellules de la synoviale (macrophages, fibroblastes, cellules dendritiques) par l’IL1 ou le TNFα exacerbe la production de ces facteurs. L’inflammation s’accompagne de la prolifération des synoviocytes producteurs d’enzymes agressant les tissus cartilagineux. Les mécanismes réparateurs osseux s’avèrent insuffisants et la destruction de l’articulation conduit au handicap fonctionnel.
Diagnostic.
Le diagnostic est évoqué face à une femme âgée de 30 à 50 ans, présentant un syndrome de polyarthrite touchant de façon symétrique (bilatérale) les articulations distales des membres (doigts, mains, poignets, pieds, plus rarement coudes, chevilles ou genoux). La maladie débute généralement de façon insidieuse : la patiente se plaint de douleurs inflammatoires nocturnes, paroxystiques en fin de nuit et entraînant le réveil, d’une raideur matinale prolongée pendant au moins une heure. Ce tableau est souvent complété par de l’anorexie, de l’asthénie, un amaigrissement et de la fièvre. Pour autant il ne faut pas négliger l’éventualité d’une polyarthrite chez un homme, chez un sujet jeune ou, au contraire, âgé, ni l’éventualité d’une installation sur un mode aigu. L’atteinte articulaire peut être proximale (épaules, hanches), oligo- comme monoarticulaire (genou), ou se résumer à de simples arthralgies.
Le diagnostic implique l’examen soigneux de toutes les articulations. Les lésions, bilatérales, gagnent progressivement les épaules, les hanches, le rachis cervical, les articulations temporo-mandibulaires et sterno-claviculaires. Les articulations atteintes présentent des signes de synovite : douleur à la palpation et/ou à la mobilisation, augmentation de la chaleur locale, limitation des mouvements, tuméfactions tissulaires et/ou liquidiennes. L’inflammation s’étend aux tendons et aux gaines synoviales. Le risque de rupture tendineuse n’est pas négligeable et l’apparition d’un syndrome du canal carpien est possible. Les bursites entraînent la formation de kystes synoviaux.
La polyarthrite induit aussi des manifestations extra-articulaires parfois susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital : altération de l’état général, fièvre, nodules rhumatoïdes sous-cutanés, amyotrophie musculaire avec myalgies, syndrome canalaire, névrites, lésions oculaires (épisclérites), sécheresse lacrymale, pleurésie rhumatoïde, fibrose pulmonaire, péricardite, syndrome de Raynaud.
Ce n’est qu’au terme de deux à trois ans d’évolution que la radiologie devient évocatrice (déminéralisations et érosions osseuses, pincements interlignes articulaires, géodes sous-chondrales). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de visualiser précocement les lésions osseuses ou d’authentifier la réaction inflammatoire synoviale.
Les signes biologiques restent peu spécifiques de la PR : diminution de la viscosité du liquide synovial, hyperleucocytose (› 2 000/mL), augmentation du % de polynucléaires (› 75%). Les perturbations immunologiques constituent des signes cardinaux d’évolution de la maladie (présence de facteurs rhumatoïdes : des autoanticorps dirigés contre les Ig G, peu spécifique) et d’anticorps antiprotéines citrullinées (CCP = citrullin containing proteins) ou anti-filaggrines.
Une évolution inéluctable.
Même si environ 15 % des patients bénéficient d’une rémission durable, la maladie gagne inéluctablement du terrain dans la majorité des cas : le nombre d’articulations concernées augmente et les lésions déjà constituées s’aggravent. Des raideurs articulaires et d’importantes déformations surviennent à moyen terme : elles sont la source de douleurs violentes provoquées par les sollicitations mécaniques de l’articulation et à l’origine d’une invalidité définitive. À dix ans d’évolution, les patients présentent ainsi un handicap fonctionnel important nécessitant dans 50 à 70 % des cas l’arrêt de l’activité professionnelle. À 20 ans, environ 80 % des patients sont plus ou moins dépendants.
Les formes sévères de la maladie sont grevées d’une surmortalité importante. Les causes de décès sont multiples et non spécifiques (hypertension, diabète, allergies, bronchopathies chroniques) ou, au contraire, assez spécifiques (infections, notamment pulmonaires, hémopathies malignes, insuffisance rénale, luxation atloïdo-axoïdienne).
Traitement médicamenteux.
Il repose sur plusieurs strates de traitement, adaptées au terrain et à l’évolution de la maladie, et comprenant (spécialités citées dans les recommandations actuelles) :
- Des antalgiques purs, des AINS et des glucocorticoïdes, ces derniers permettant de contrôler les formes sévères jusqu’à ce que le traitement de fond agisse : ces derniers ne devraient pas être administrés en monothérapie dans la PR (sauf par voie locale chez des patients en rémission souffrant d’une synovite résistante par exemple).
- Les traitements de fond conventionnels (« DMARD » = Disease Modifying Anti-Rheumatic Drugs) améliorent la symptomatologie, modifient temporairement l’évolution de la maladie mais leur activité à long terme reste discutée : hydroxychloroquine (Plaquenil), sel d’or (Allochrysine), sulfasalazine (Salazopyrine).
- Les immunosuppresseurs sont multiples : ciclosporine (Néoral), léflunomide (Arava), anakinra (Kineret, un antagoniste de l’IL-1), azathioprine, méthotrexate (qui constitue le traitement de fond de première intention de la PR, avec un index thérapeutique supérieur à celui de tout autre traitement de fond classique).
- Les biothérapies (« BRMA » = Biological Response Modifying Agents), reposant sur un rationnel immunologique et pharmacologique précis, améliorent la fonction articulaire, induisent une régression de la synovite, ralentissent la dégradation des articulations et préviennent temporairement les nouvelles agressions osseuses ; sont inclus dans ce groupe :
› Des anti-TNF-alfa : anticorps monoclonaux (infliximab = Rémicade, adalimumab = Humira) ou récepteur soluble du TNF-alfa réalisant un antagonisme compétitif de la cytokine (étanercept = Enbrel).
› Un anticorps anti-IL-6 indiqué en seconde intention après un anti-TNF et en association au méthotrexate (tocilizumab = Roactemra).
› D’autres biothérapies telles l’abatacept (Orencia) ou le rituximab (Mabthéra)
Les anti-TNF, l’abatacept, le rituximab et le tocilizumab exposent à un risque d’infections susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital (cf. recommandations sur leur prévention sur le site de l’Afssaps), mais les craintes initiales quant à leur potentiel oncogène semblent réduites. Abatacept et rituximab exposent à un risque de leucoencéphalite multifocale progressive justifiant une surveillance particulière. Le tocilizumab expose, lui, à un risque digestif, métabolique et allergique particulier.
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