Plus que simple accompagnement à visée palliative, la substitution opiacée constitue un acte thérapeutique global dont le pivot est l’alliance réalisée avec le patient. Le médicament substituant opiacé (MSO) (buprénorphine haut dosage ou BHD = dose de buprénorphine› 0,2 mg ; méthadone) est donc, dans ce contexte, un simple outil du traitement de substitution.
Longtemps, la prescription de méthadone, très encadrée, a concerné des patients ayant régulièrement rechuté après sevrage, des toxicomanes usagers de drogue par voie intraveineuse de longue date, chez lesquels la BHD donnait lieu à échec ou qui tendaient à s’en injecter les comprimés broyés. La BHD a bénéficié, elle, d’une grande souplesse de prescription dès sa commercialisation, expliquant son succès et le fait qu’elle soit aisément prescrite, même à des toxicomanes consommant de l’héroïne depuis peu de temps.
Peu d’études permettent d’argumenter un choix entre méthadone et BHD qui demeure plus contraint par le cadre réglementaire et l’offre de soins locale que par une véritable stratégie médicale. Pour beaucoup d’addictologues, les objectifs d’un TSO par BHD sont comparables à ceux d’un traitement par méthadone (8 mg de BHD mg de méthadone). L’association des deux MSO est contre-indiquée.
La prescription d’autres psychotropes peut être nécessaire chez un patient bénéficiaire d’un TSO car il présente souvent un trouble du sommeil, un trouble de l’humeur et/ou un trouble anxieux. Celle-ci ne doit jamais être banalisée, surtout vis-à-vis des benzodiazépines : le patient doit être sensibilisé au risque d’interactions (dépression respiratoire) et le recours à une BZD unique, à faible posologie, est privilégié.
Buprénorphine.
Le profil pharmacologique de la buprénorphine, agoniste partiel des récepteurs opiacés µ et antagoniste des récepteurs κ, limite le risque de dépression respiratoire, même en cas de prise abusive de benzodiazépines.
La BHD s’administre par voie sublinguale, à la posologie initiale de 0,8 à 4 mg/j, en une prise quotidienne unique, à heure fixe (en principe le matin), au moins 24 heures après la dernière prise d’opiacés (Consensus 2004). Atteinte progressivement, la dose d’entretien est, selon l’AMM, comprise entre 8 et 16 mg/j (pour certains toxicomanes, la dose efficace se situe entre 16 et 24 mg/j, voire plus : l’Afssaps recommande que les posologies les plus fortes soient prescrites sous le contrôle d’un addictologue). Le comprimé est mis à fondre sous la langue huit à dix minutes, sans le sucer ni avaler la salive, malgré son amertume. Une posologie mal adaptée peut induire des signes de sous-dosage souvent discrets (manque de dynamisme, état anxiodépressif, irritabilité, troubles du sommeil, signes de manque). Il est possible de passer de la BHD à la méthadone si besoin, en ménageant un intervalle libre d’environ 16 heures (Consensus 2004).
La buprénorphine est pharmacologiquement moins toxique que la méthadone (moindre risque de dépression respiratoire, moindre sensation d’euphorie, lorsqu’elle est administrée isolément, par voie sublinguale, aux doses préconisées). Elle est contre-indiquée notamment en cas d’insuffisance hépatique et respiratoire sévère. Son administration peut induire céphalées, vertiges, asthénie, constipation, troubles du sommeil, nausées et vomissements, sueurs. L’association avec les benzodiazépines expose au risque de décès par dépression respiratoire, notamment en cas d’usage détourné de la BHD par voie intraveineuse.
L’association de la BHD à la naloxone, un antagoniste opiacé, s’utilise comme la BHD isolée (Suboxone 2/0,5 mg ou 8/2 mg). La naloxone prévient le détournement du médicament : elle n’est pas absorbée par voie orale, mais, en cas d’injection, elle provoque un syndrome de sevrage aigu (douleurs abdominales, douleurs musculaires, diarrhées, anxiété, sueurs).
Méthadone.
La méthadone, un agoniste opiacé pur, est indiquée depuis 1995 dans le cadre du TSO, elle se présente sous deux formes galéniques.
- Sirop. Le sirop de méthadone est aromatisé pour masquer son amertume, sucré pour prévenir l’extraction du principe actif et l’injection intraveineuse directe (prudence si diabète : un flacon contient l’équivalent de deux morceaux de sucre) ; il contient de l’alcool. Sa formulation inclut un traceur (D-xylose) permettant de contrôler la consommation du médicament (analyse d’urine). La prescription initiale est réservée aux médecins exerçant en centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou aux médecins hospitaliers à l’occasion d’une hospitalisation, d’une consultation ou en milieu pénitentiaire. Le renouvellement n’est pas restreint.
- Gélules. Les gélules, bioéquivalentes au sirop, sont réservées aux patients préalablement traités par la forme buvable (seule présentation indiquée lors de l’instauration du traitement) pendant au moins un an.
L’administration de méthadone entraîne les effets indésirables classiques des morphiniques : céphalées, vertiges, asthénie, hypersudation, constipation, troubles de la libido, insomnie, troubles de l’alimentation. Certains effets (rétention urinaire, œdèmes des membres inférieurs, douleurs articulaires, bradycardie et hypotension, nausées et vomissements) cèdent dans les premiers mois du traitement. Contrairement à l’héroïne, la méthadone induit peu d’effets psychiques euphorisants.
Le traitement est institué à une dose de 10 à 40 mg dans un délai de 24 heures environ après la dernière prise d’opiacés (Consensus 2004). La posologie est adaptée par paliers successifs de 1 à 3 jours jusqu’à une dose comprise entre 60 et 100 mg/jour, mais parfois supérieure.
Des analyses urinaires sont pratiquées une à deux fois par semaine pendant les trois premiers mois de la prescription, puis deux fois par mois. Une fois le patient équilibré, capable de gérer de façon autonome son traitement, et si les dosages urinaires des opiacés restent négatifs, il sera possible de l’orienter vers un médecin libéral qui poursuivra le traitement.
En fin de traitement, la dose est réduite par paliers hebdomadaires de 5 à 10 mg, avec souvent nécessité de la réaugmenter transitoirement si le patient est angoissé ou s’il rechute. La méthadone peut être remplacée par la BHD pendant quelques mois : sa posologie est alors réduite progressivement jusqu’à 30 mg, avec ensuite un intervalle libre d’au moins 24 heures entre la dernière prise de méthadone et la première administration de BHD (Consensus 2004).
Le risque d’allongement dose-dépendant de l’espace QT sous méthadone et de survenue de torsades de pointe semble rester théorique en cas de monothérapie. Par sécurité, la pratique d’un électrocardiogramme (ECG) est recommandée pour les patients présentant des facteurs de risque d’allongement du QT (posologie› 120 mg/j ou méthadonémie à 24 heures› 1000ng/mL, association à des médicaments allongeant l’espace QT, association à des médicaments inhibiteurs enzymatiques et notamment des inhibiteurs de la protéase du VIH, hypokaliémie, hypomagnésémie, etc.).
Le détournement de méthadone est possible malgré sa galénique particulière : quelque 17 % des usagers déclarent en faire une utilisation exclusivement détournée, en fréquente association à l’alcool. L’usage abusif de méthadone (dose orale ≥ 1 mg/kg chez un sujet naïf) expose à une intoxication aiguë sévère.
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