Il est important de traiter rapidement afin de limiter le risque de chronicisation. Les douleurs neuropathiques ne répondent pas ou très peu aux antalgiques de palier 1 ainsi qu’aux antiinflammatoires. Les antalgiques de paliers 2, comme la codéine, n’ont pas d’effet démontré. En revanche, le tramadol possède une certaine efficacité ; il peut être notamment utile dans les douleurs mixtes (composantes nociceptives et neuropathiques). Les morphiniques forts (palier 3) peuvent être efficaces, mais leurs effets indésirables étant nombreux (dose élevée nécessaire), leur prescription est très rarement envisagée en première ou deuxième intention ; il s’agit plutôt de traitements de dernier recours, sauf pour les douleurs neuropathiques associées au cancer, en privilégiant alors les morphiniques retard (le fentanyl transmuqueux est indiqué dans les accès de douleur paroxystique du cancer). Quant aux cannabinoïdes, leur niveau de preuve actuelle reste insuffisant.
Antidépresseurs.
Le traitement repose essentiellement sur des antidépresseurs (leur effet sur ce type de douleurs est distinct de leur activité antidépressive) et des antiépileptiques. Il semble que certains produits soient plus actifs dans des sous-groupes de patients définis par leur symptomatologie commune.
Les antidépresseurs agissent essentiellement en renforçant les contrôles inhibiteurs descendants noradrénergiques sur les influx douloureux, alors que les antiépileptiques agissent vraisemblablement en réduisant les phénomènes de sensibilisation centrale.
Mais tous ces produits ne sont pas efficaces.
Parmi les antidépresseurs, les tricycliques (amitryptiline-Laroxyl, clomipramine-Anafranil, imipramine-Tofranil) sont les plus efficaces. Les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (fluoxétine-Prozac, paroxétine-Deroxat) sont moins efficaces, voire inefficaces ; en revanche, les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (venlafaxine-Effexor, duloxétine-Cymbalta) ont fait la preuve de leur efficacité.
Antiépileptiques.
Parmi les antiépileptiques, la carbamazépine-Tégrétol, la gabapentine-Neurontin et la prégabaline-Lyrica ont démontré leur efficacité. Le clonazépam-Rivotril est parfois également prescrit bien qu’il n’ait pas d’AMM dans cette indication et que manquent les preuves de son efficacité.
Point important : le délai d’action est variable, de quelques jours à quelques semaines (souvent une ou deux) ; de ce fait, il ne faut pas encourager les patients à interrompre leur traitement trop tôt et bien leur expliquer qu’il s’agit d’un traitement continu et non pas à la demande et que l’efficacité sera probablement partielle mais significative. En outre, les traitements peuvent ne pas avoir la même efficacité sur tous les symptômes douloureux. C’est ainsi, notamment, que la douleur provoquée (allodynie) peut être moins sensible à certains traitements. Enfin, il ne s’agit pas d’un traitement à vie.
Attention au risque de survenue d’un syndrome sérotoninergique (diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma) en cas d’associations tramadol/antidépresseur sérotoninergique ou antidépresseurs entre eux.
Topiques.
Il existe également des préparations locales/topiques (emplâtres), comme Versatis et Qutenza pour soulager les douleurs intenses, notamment post-zostériennes. Ces produits (utiles notamment pour les patients dont les traitements systémiques sont déconseillés ou contre-indiqués) peuvent être utilisés isolément ou en association avec des médicaments par voie générale. Alors que Versatis (lidocaïne) peut être utilisé en ambulatoire et a une AMM limitée aux algies post-zostériennes, Qutenza (capsaïcine haute concentration induisant une « désensibilisation » de certains nocicepteurs cutanés) ne peut être administré que dans le cadre d’une hospitalisation (essentiellement de jour) par une structure de prise en charge de la douleur chronique, mais bénéficie d’une AMM plus large incluant toutes les douleurs neuropathiques d’origine périphériques à l’exclusion de celles d’origine diabétique. De plus, Qutenza ne nécessite qu’une seule application de 30 à 60 minutes tous les 3 mois.
Une prescription très codifiée.
Dans tous les cas, il convient d’informer les patients sur la nature des médicaments afin d’augmenter l’observance. La prise en charge doit être initiée par une monothérapie, soit par un antidépresseur, soit par un antiépileptique.
La posologie doit être lentement augmentée (titration), en observant des paliers de 5 à 7 jours, jusqu’à obtention d’un effet thérapeutique satisfaisant (l’objectif est de réduire la douleur de 50 %). Il faut savoir que la pathologie causale n’a pas d’influence sur le choix du traitement. Le patient doit être évalué 2 à 4 semaines après le début du traitement. En cas d’échec, il est conseillé de changer de classe thérapeutique. Il est également possible d’associer un antidépresseur et un antiépileptique. Si malgré tout les douleurs persistent, il convient alors de consulter un spécialiste de la douleur.
En cas d’efficacité, il est conseillé de prolonger le traitement plusieurs mois (de l’ordre d’au moins 6 mois) et de réévaluer régulièrement sa tolérance et son efficacité. À l’issue de 6 à 8 mois de traitement efficace à dose stable, on peut essayer de réduire progressivement la posologie.
Enfin, il peut être nécessaire d’associer un traitement spécifique de l’anxiété (les antiépileptiques et les antidépresseurs inhibiteurs mixtes peuvent aussi améliorer l’anxiété généralisée ainsi que le sommeil), d’une dépression et/ou de troubles du sommeil si le soulagement des douleurs est insuffisant ou si ces troubles sont intenses. Il en est de même des autres types de douleurs éventuellement présents.
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