Tumeur hormonosensible :
Le cancer de la prostate étant initialement hormonosensible, le traitement anti-hormonal vise à empêcher la stimulation du récepteur aux androgènes. La cible des traitements porte sur :
- La composante extra-cellulaire, avec suppression de la sécrétion de testostérone testiculaire par blocage de l’axe hypothalamo-hypophysaire (production de LH et de RH)
- La composante intra-cellulaire avec inhibition de la transformation de la testostérone en DHT (inhibition de la 5-alpha-réductase) et blocage des récepteurs aux androgènes.
- Agonistes de la LH-RH. L’administration d’un agoniste de l’hormone hypothalamique LH-RH (luteinizing hormon-releasing hormon ou GnRH gonadotrophin-releasing hormon) bloque la production hypophysaire de gonadotrophines : LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormone folliculostimulante). Elle constitue une option classique de privation androgénique : ces médicaments sont faciles à employer (injection sous-cutanée), actifs sur 1 à 6 mois (libération prolongée) et la réversibilité de leur action permet un usage adjuvant ou intermittent [goséréline (Zoladex), leuproréline (Eligard, Enantone, Leptoprol), triptoréline (Décapeptyl, Gonapeptyl)]. Ils sont moins cardiotoxiques que le diéthylstilbestrol (Distilbène), également indiqué dans le cancer de la prostate.
Les agonistes de la LH-RH hypothalamique induisent tout d’abord une élévation sérique de la LH (et dans une mesure moindre de la FSH) hypophysaires, et, partant, un pic sérique de testostérone (effet flare-up), avant que cette dernière ne s’effondre en raison d’une désensibilisation hypophysaire liée à l’imprégnation continue par l’agoniste : le retard à la castration chimique, d’environ 2 à 3 semaines, explique l’association initiale d’un anti-androgène, pendant un mois, au traitement.
- Antagonistes de la LH-RH. L’administration d’un antagoniste de la LH-RH supprime l’effet flare-up : il inactive immédiatement le récepteur de la LH-RH hypophysaire et empêche la sécrétion de gonadotrophines. La privation androgénique est obtenue en 3 jours sans administration initiale d’anti-androgène. L’unique spécialité est le dégarélix (Firmagon, administré par voie SC tous les mois).
- Anti-androgènes directs. À plus long terme, le traitement ciblant la LH-RH peut être complété par un anti-androgène bloquant directement le récepteur aux androgènes des cellules prostatiques, qu’il s’agisse d’une molécule non-stéroïdienne (bicalutamide = Casodex, Ormandyl et génériques ; flutamide ; nilutamide = Anandron) ou stéroïdienne (cyprotérone = Androcur, Erapyl et génériques). L’emploi des androgènes en monothérapie n’est guère pertinent en clinique.
Cette hormonothérapie induit des effets indésirables variables : bouffées de chaleur, diminution de la libido avec dysérection, prise de poids, dyslipidémie, diabète, gynécomastie, ostéoporose, réduction de la taille des organes génitaux, troubles de l’humeur avec dépression et irritabilité, troubles cardiovasculaires (infarctus, angor, etc.).
Tumeur évoluant vers la résistance :
La réponse à l’hormonothérapie est effective durant 1,5 à 2 ans voire 3 ans chez le patient porteur de métastases, et plus longuement en l’absence de métastases. Elle est suivie du développement d’une résistance (indépendance androgénique) résultant de mécanismes divers, certains impliquant le récepteur aux androgènes, d’autres non. S’y ajoutent les mécanismes à l’œuvre dans tout processus d’extension néoplasique : prolifération cellulaire, néoangiogenèse, métastases, échappement immunitaire. Un schéma séquentiel d’administration de l’hormonothérapie permettrait de retarder l’apparition de cette résistance à la privation androgénique : il améliorerait la qualité de vie des patients et réduirait la toxicité du traitement comme son coût.
Tumeur résistante :
Cette phase, inéluctable même si elle est parfois très retardée, constitue une rupture car le risque de décès lié au cancer l’emporte dès lors sur les autres causes de décès. Les alternatives thérapeutiques restent limitées. Son traitement peut s’accompagner d’une prise en charge des métastases osseuses par des anti-ostéolytiques ou par le radium-223 (non envisagée ici).
- Chimiothérapie. Plusieurs alternatives sont possibles, dont le recours à la mitoxantrone (Novantrone) ou à l’estramustine (Estracyt). Le traitement standard par docétaxel (Taxotère), connaît ses limites liées au développement d’une résistance ; le cabazitaxel (Jevtana, usage hospitalier) est un taxane conçu pour repousser cette résistance.
- Hormonothérapie. Une situation d’échec de l’hormonothérapie de première ligne ne fait pas renoncer à agir sur les androgènes ou sur la voie de signalisation androgénique. En effet, cette voie reste fonctionnelle et sensible aux androgènes dont la production n’est pas inhibée par un traitement anti-androgénique classique (agonistes de la LH-RH, etc.) : androgènes surrénaliens, androgènes produits par les cellules de la tumeur prostatique elle-même (stéroïdogenèse intra-cellulaire à partir des lipides membranaires), ligands physiologiques divers ayant une activité androgénique faible mais suffisante, etc. Plus encore : le récepteur aux androgènes des cellules cancéreuses peut muter et se transloquer dans le noyau pour y activer des gènes par sa seule action, sans présence… d’androgène !
Le développement d’une résistance à la castration chimique justifie donc l’intérêt porté aux médicaments bloquant la voie de signalisation du récepteur des androgènes dans la cellule cancéreuse ou bloquant la voie de synthèse intra-tumorale des androgènes.
L'abiratérone (Zytiga, prescription initiale hospitalière annuelle) inhibe puissamment, irréversiblement et sélectivement la synthèse des androgènes en bloquant le cytochrome CYP17A1 qui assure l'activité enzymatique 17-alpha-hydroxylase et 17,20-lyase au niveau des testicules mais aussi au niveau de la corticosurrénale et des cellules tumorales prostatiques (ce que ne font pas les analogues de la LH-RH : l’abiratérone a donc une action anti-androgénique plus globale). Ce traitement respecte relativement la synthèse des glucocorticoïdes (le déficit en cortisol est cependant compensé par l'administration de prednisone ou de prednisolone) ; il augmente la synthèse d'aldostérone d’où hyperminéralocorticisme (corrigé par administration d’éplérénone). L’abiratérone est indiquée, associée à une faible dose de prednisone ou de prednisolone, dans le traitement du cancer métastatique de la prostate hormono-sensible à haut risque nouvellement diagnostiqué, dans celui du cancer métastatique de la prostate résistant à la castration après échec d'un traitement par suppression androgénique et lorsque la chimiothérapie n'est pas encore cliniquement indiquée, et dans celui du cancer métastatique de la prostate résistant à la castration le patient dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie à base de docétaxel. Une castration chimique par analogue de la LH-RH est maintenue pendant la durée du traitement.
L'enzalutamide (Xtandi, prescription initiale hospitalière annuelle, par spécialiste) est un inhibiteur de la voie de signalisation des récepteurs aux androgènes. Il est indiqué dans le traitement du cancer métastatique résistant à la castration chez un patient asymptomatique ou peu symptomatique après échec d'un traitement par suppression androgénique, lorsque la chimiothérapie n'est pas encore cliniquement indiquée, ou résistant à la castration chez un patient dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie par docétaxel. Il expose à un risque de bouffées de chaleur, asthénie, fatigue, céphalées, neutropénies, chutes, fractures, hypertension et, probablement, de convulsions.
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