La respiration est un processus vital. D’ailleurs, ne plus respirer tue plus rapidement que ne plus s’alimenter. Sans arrêt et de façon inconsciente, notre corps inspire et expire, mobilisant un ensemble d’éléments dont le diaphragme et les poumons, les muscles intercostaux, abdominaux et thoraciques, et les viscères.
La respiration permet d’apporter l’oxygène nécessaire au fonctionnement des tissus et des organes, et d’évacuer le dioxyde de carbone. Au-delà des considérations physiologiques, la respiration se révèle être une passerelle entre le corps et l’esprit.
Prendre le contrôle par la respiration
Au fur et à mesure que l’être prend conscience qu’il respire et qu’il peut maîtriser ce phénomène, il se donne la possibilité de prendre le contrôle de son système nerveux autonome. Influencer le fonctionnement de certains organes comme le cœur devient alors possible. Dans son livre sur la cohérence cardiaque (Cohérence cardiaque 365, éditions Th. Souccar), le Dr David O’Hare qualifie ainsi la respiration de « cheval de Troie » permettant de « pénétrer le système de pilotage automatique » de notre corps.
La relaxation, la sophrologie, le yoga, le Tai Chi, le Qi Gong et bien d’autres pratiques ont en commun ce travail respiratoire et s’appuient sur une respiration abdominale, profonde et régulière pour débloquer les tensions corporelles. A travers ces exercices guidés, le potentiel thérapeutique de la respiration est exploité pour soulager les symptômes physiques et psychiques survenant au cours des maladies chroniques.
« Alors que la maladie renvoie une image négative du corps, une respiration guidée et contrôlée permet de ressentir la vie, de délier le mental pour que la maladie soit moins envahissante », explique Anne Goyaux-Réault, animatrice d’un atelier de gymnastique douce adaptée au sein de la Ligue contre le cancer.
Percer les secrets de son inconscient
En médecine chinoise ou dans les rites chamaniques, la respiration tient une place primordiale respectivement pour soigner et pour communiquer avec les esprits. La psychothérapie moderne s’est enrichie de ces expériences ancestrales pour explorer de nouvelles voies comme le rebirth ou la respiration holotropique.
Cette dernière est une méthode développée à la fin des années soixante-dix par le Professeur Stanislas Grof, psychiatre spécialiste de la psychologie transpersonnelle. Pour atteindre un état élargi de la conscience, elle conjugue une respiration en hyperventilation, ample et rapide, et une ambiance musicale évocatrice.
Cette méthode vise à favoriser ce que les psychothérapeutes appellent le voyage intérieur. L’individu accède aux secrets de l’inconscient et prend conscience des conflits qui le rongent mais qu’il ne perçoit pas dans son état normal. La respiration holotropique permet ainsi à l’être humain de se rencontrer dans sa globalité, comme le désigne le terme holotropique. En grec, « holos » signifie « globalité » et « tropeins » signifie « aller vers ».
Une rencontre avec soi-même
La respiration holotropique se pratique en groupe, sans être cependant considérée comme une thérapie collective. La séance dure plusieurs heures, dans une salle où sont installées des couchettes. Le groupe, encadré par des psychothérapeutes formés, est réparti en 2 sous-groupes, les respirants et les accompagnants. Le respirant est allongé, yeux fermés ou bandés. L’accompagnant reste à côté du respirant tout au long de la séance.
Dans les premières minutes, le respirant respire en hyperventilation, ce qui induit une augmentation de la concentration sanguine en oxygène. Les modifications gazeuses influencent peu à peu tout le corps puis l’état de conscience. Le corps devient respiration, et le contact avec la réalité se perd, laissant la place à des images ou des émotions du passé.
Le corps réagit, parfois de façon violente en se débattant ou en hurlant. Pendant toute la séance, la musique évolue ; douce au début, elle devient plus rythmée, tribale, pendant la phase d’hyperventilation. Le reste de la séance fait intervenir des musiques religieuses et spirituelles.
Des applications thérapeutiques difficiles à démontrer
Au cours de l’exploration de sa conscience, le respirant continue à ressentir la présence des personnes qui l’entourent. Surtout, il se souvient de tout son voyage intérieur. Après l’exercice, les respirants sont invités à verbaliser ou exprimer en dessin cette expérience afin de réorganiser la psyché.
Cette pratique est généralement proposée pour améliorer l’estime de soi ou résoudre des blocages psychologiques. Il existe des contre-indications comme la grossesse ou les troubles cardiovasculaires. On prête à cette méthode de nombreuses applications thérapeutiques (phobies, dermatoses, migraine) mais peu d’études évaluant son intérêt ont été réalisées et leur interprétation doit rester prudente.
Une étude menée en 1996 (Holotropic breathwork : An experiential approach to psychotherapy) a permis de comparer la respiration holotropique associée à une psychothérapie versus la psychothérapie seule. Les résultats suggèrent des bénéfices sur l’estime de soi et sur l’atténuation de l’angoisse de la mort. En France, la respiration holotropique reste peu utilisée du fait du faible nombre de thérapeutes formés.
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