L’absorption d’un médicament est déterminée, en priorité, par ses propriétés physico-chimiques, sa formulation galénique et sa voie d’administration.
Bien des choses peuvent se passer, en ce qui concerne la voie orale, susceptibles d’influencer la résorption d’un principe actif tout au long du tube digestif. Les quatre principaux facteurs impactant sont représentés par le pH – différent selon la zone digestive -, la nature des membranes épithéliales, les surfaces d’absorption, la présence de bile et de mucus et la perfusion sanguine.
La prise ou non de nourriture en même temps que le médicament peut aussi jouer un rôle loin d’être négligeable. C’est ainsi, notamment, que l’ingestion d’aliments riches en protéines augmente le débit sanguin au niveau de la rate et du foie et diminue par ce biais l’effet de premier passage hépatique.
• Cavité buccale et œsophage
La muqueuse buccale présente un épithélium mince, richement vascularisé, favorisant l’absorption. Cependant, le contact est généralement trop court pour que l’absorption soit vraiment significative.
Une exception est représentée par la voie sublinguale qui permet un effet rapide (via les veines linguales puis jugulaires), mais de courte durée (signalons, néanmoins, l’intérêt de ce point de vue des nouvelles formes galéniques, comme les comprimés adhésifs). En outre, cette voie permet de s’affranchir d’un éventuel effet de premier passage hépatique important.
• Estomac
L’estomac possède une surface épithéliale relativement importante (1 m²), mais l’épaisseur de la muqueuse et le faible temps de transit à ce niveau limitent l’absorption des médicaments. On peut y ajouter une faible vascularisation.
Puisque la majorité de l’absorption a lieu dans l’intestin grêle, la vidange gastrique est souvent l’étape limitante. Les aliments, et plus particulièrement les aliments gras, ralentissent la vidange gastrique (et donc la vitesse d’absorption des médicaments), ce qui explique pourquoi les médicaments modifiant la vidange gastrique (par exemple les parasympatholytiques ou atropiniques) modifient la vitesse d’absorption d’autres médicaments. Dans un autre ordre d’idée, l’alimentation peut augmenter l’absorption des médicaments peu solubles, ou, au contraire, réduire celle des médicaments qui sont dégradés dans l’estomac.
Enfin, bien entendu, le pH gastrique élevé (de 1,5 à 3,5) peut jouer un grand rôle dans l’absorption, tout dépendant de la nature du principe actif.
À savoir : une prise importante d’alcool, en induisant un spasme pylorique, ralentit la vidange gastrique et ainsi retarde l’absorption intestinale de certains médicaments.
• Intestin grêle
C’est le lieu privilégié de l’absorption des médicaments en raison de la grande surface de l’intestin grêle (présence de villosités).
Dans le duodénum, le pH intraluminal est de 4 – 5, puis devient progressivement plus alcalin le long du tube digestif, approchant 8 dans l’iléon inférieur. D’autre part, la flore intestinale (le microbiote) peut diminuer l’absorption ; plus rarement l’augmenter.
Enfin, le temps de transit intestinal peut influence l’absorption, ce qui est surtout vrai pour les médicaments absorbés par transport actif (ex : vitamines B), les médicaments à dissolution lente ou pour les médicaments polaires (ex : nombreux antibiotiques), autrement dit des produits faiblement liposolubles.
• Duodénum/jéjunum
La présence de bile favorise la dissolution des principes actifs.
• Intestin grêle/iléon
Il s’agit d’un lieu très favorable à l’absorption, en raison de sa grande surface : près de 200 m² ! Le pH entre 5 et 8 favorise l’absorption des formes non ionisées.
De nombreuses sécrétions favorisent l’absorption : pancréatiques (enzymes protéolytiques), biliaires (les sels biliaires sont indispensables à l’absorption des molécules liposolubles), intestinales (de nombreuses enzymes sont présentes dans la lumière et/ou la membrane : disaccharidases, dipeptidases, entérokinases cytochromes…). Celles-ci sont à l’origine de nombreuses biotransformations caractérisant un « effet de premier passage intestinal ».
• Colon
Sa faible surface d’échange (absence de villosités) le rend relativement peu propice à l’absorption ; sauf en ce qui concerne les composés à dissolution lente et les formes galéniques à délitement progressif.
• Rectum
L’administration des médicaments par voie rectale a des avantages et des inconvénients.
Au chapitre des avantages, on peut citer que la muqueuse rectale est très riche en vaisseaux sanguins et que le principe actif est directement absorbé et de ce fait rejoint rapidement la circulation sanguine (plus vite que la voie orale), en évitant donc le passage par l’estomac et l’intestin, le soustrayant aux effets de dégradation des sucs gastriques et des sécrétions intestinales.
Parmi les inconvénients figurent une administration souvent considérée comme désagréable et une impossibilité en cas de diarrhée, et surtout une absorption variable du principe actif. Quant à l’espoir d’éviter le passage par le foie (et donc de s’affranchir de l’effet de premier passage hépatique), il est possible, mais aléatoire.
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