« Je suis fatigué », « donnez-moi quelque chose pour me stimuler »… À l'officine, les portes d'entrée pour déclarer un état de fatigue sont nombreuses. Si les fatigues passagère ou saisonnière peuvent relever d'une prise en charge officinale, la chronicité ou l'identification de signes de gravité suggèrent une prise en charge médicale plus approfondie et complète.
Pas une, mais des fatigues
Pour Jean-Michel Mrozovski, président du CVAO (Comité de valorisation de l'acte officinal), la première étape consiste à comprendre et discerner la plainte de fatigue exprimée par le patient. « Pour le patient, l'expression " être fatigué " revêt un ensemble de situation : un épuisement c'est-à-dire la sensation de ne plus avoir d'énergie pour réaliser des tâches habituelles, une lassitude psychologique, ou une fatigue physique caractérisée par des douleurs dans les membres. C'est toute l'ambiguïté de la fatigue et de sa représentation réelle. » Avant toute action, il faut être en mesure de distinguer un mal-être, une fatigue consécutive à une mauvaise habitude de vie ou un effort inhabituel, ou une asthénie inexpliquée suggérant une pathologie sous jacente non diagnostiquée. « Un ensemble de questions permet de clarifier cette plainte : comment s'exprime cette fatigue ? Est-ce que ça s'aggrave ? Est-ce qu'il y a des moments où la fatigue s'atténue ou disparaît ? Cet interrogatoire structuré permet de décrire la plainte. Le conseil officinal doit suivre le cheminement suivant : traduire ce qu'exprime le patient, déterminer le potentiel de gravité, et décider de prendre en charge ou de réorienter », insiste le président du CVAO.
Asthénie, fatigue chronique ou syndrome de fatigue chronique ?
L'asthénie est définie comme un affaiblissement sévère de certaines fonctions. Une myasthénie par exemple correspond à une insuffisance musculaire. Contrairement à la fatigue, l'asthénie survient avant tout effort, alors que la fatigue est associée à une sollicitation prolongée d'une fonction, cognitive ou physique. Il existe également un syndrome de fatigue chronique, reconnu par l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) comme une pathologie à part entière (cf. Encadré). La fatigue peut être qualifiée de passagère ou de chronique. La fatigue passagère, transitoire, s'améliore avec du repos et des conseils d'hygiène de vie. La chronicité est un signal d'alerte. Dans le cadre d'autres affections comme la constipation ou la lombalgie, la notion de chronicité est évoquée lorsque les symptômes ou la plainte persistent depuis au moins 3 mois. « Il faut également prendre en compte la notion de récurrence : autrement dit, la fatigue ressentie par le patient est-elle constante, ou survient-elle sous forme d'épisodes réguliers ? », ajoute Jean-Michel Mrozovski. Persistante ou récurrente, une prise en charge incomplète de ces formes de fatigue expose le patient à une perte de chance.
La fatigue chronique, un symptôme révélateur
En cas de plainte de fatigue, l'interrogatoire doit permettre de repérer des signes associés, comme la perte de poids ou des troubles du sommeil. La capacité à se mobiliser est également un élément déterminant pour évaluer la situation. La fatigue appartient au tableau clinique de nombreuses et diverses affections. En oncologie, l'asthénie est observée, associée à d'autres signes ; c'est aussi un effet indésirable fréquent des traitements.
À l'occasion des entretiens d'accompagnement des patients sous anticancéreux oraux, le pharmacien peut évoquer les soins de support pour soulager cette fatigue, notamment l'activité physique adaptée. En psychiatrie, la fatigue est un symptôme évocateur de la dépression nerveuse ; dans ce cas, elle se traduit comme une perte d'envie ou un découragement. Les mouvements ou les tâches quotidiennes sont réalisés au ralenti, sans entrain. Dans le cadre du burn-out, la fatigue s'apparente à un épuisement émotionnel, non soulagé par le repos. Enfin, les infections s'accompagnent dune fatigue d'intensité et de durée plus ou moins importante. C'est le cas de la mononucléose infectieuse, causée par le virus Epstein-Barr.
Éviter un passage à la chronicité
Si la fatigue chronique relève d'une prise en charge médicale, les conseils à l'officine peuvent éviter le passage à la chronicité en cas de plainte de fatigue passagère. Le pharmacien et son équipe dispose d'un ensemble de produits, médicaments ou compléments alimentaires pris en cure de quinze jours à un mois. La plupart correspondent à des complexes vitaminiques, associant des vitamines C, B6 ou B12, des oligoéléments (zinc, sélénium, fer…) et des acides aminés. L'oligothérapie peut être proposée comme modificateur de terrain. Le trio cuivre, cobalt, manganèse est particulièrement indiqué dans l'asthénie fonctionnelle (fatigue passagère). En phytothérapie, certaines plantes (aubépine, eschscholtzia) associées à du magnésium aident à atténuer la fatigue intellectuelle. Dans tous les cas, la solution ne se résume pas à un produit ; il vient en complément d'une alimentation variée, permettant un apport nutritif correct. Une activité physique adaptée doit également être pratiquée pour prévenir ou combattre la fatigue.
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