La saga de la contraception hormonale

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Publié le 17/03/2020
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1922 : il y aura bientôt presque un siècle que le physiologiste autrichien Ludwig Haberlandt (1885-1932) nota que l’injection d’extraits ovariens inhibait la fécondation, une observation qui lui suggéra l’existence d’hormones ovariennes actives sur la fécondité. Il testa sur le lapin un extrait ovarien dont il pensait faire un anticonceptionnel : l’Infecundin. Mais son projet lui valut la haine des milieux catholiques et le conduisit à mettre fin à ses jours. Son rôle dans l’histoire de la contraception resta dès lors longtemps ignoré… Pour autant, son intuition était exacte, comme le prouva dans les années 1930 la mise en évidence de l’action physiologique des deux hormones sexuelles féminines, l’estradiol et la progestérone, alors difficiles à produire en quantité industrielle.

L’histoire de la contraception orale moderne doit tout aux travaux d’un endocrinologue américain, Gregory G. Pincus (1903-1967). Sa rencontre en 1950 avec une militante du contrôle des naissances le convainquit de l’intérêt de créer un médicament contraceptif et il parvint à faire financer son projet par une richissime philanthrope. Inspiré par les observations d’Haberlandt, Pincus eut l’idée d’utiliser un progestatif de synthèse. Après de nombreux tests sur animaux conduits avec le biologiste Min-Chueh Chang (1908-1991), il décida d’expérimenter chez la femme le noréthynodrel, un progestatif synthétisé en 1953. Le hasard fut pour beaucoup, comme souvent, dans la suite de l’histoire… Alors qu’il testait en 1956 avec des gynécologues américains le contraceptif à Porto-Rico (le gouvernement américain ayant refusé l’expérimentation aux États-Unis), Pincus constata qu’une insuffisante purification du noréthynodrel ayant entraîné sa contamination par un estrogène, le mestranol, améliorait l’efficacité et la tolérance du médicament. Cette association estroprogestative, dite aussi « combinée », constitue depuis la base des principaux des contraceptifs actuels. La FDA agréa en 1957 ce médicament (Enovid) dans les troubles menstruels. Son utilisation comme contraceptif ne fut, elle, autorisée qu’en 1960 : la « pilule » était née. Rappelons que la contraception orale fut autorisée en France en 1967 grâce à l’action du député Lucien Neuwirth (1924-2013).


Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3587