C’est avec une certaine émotion que Monique Durand, présidente de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens, a annoncé le 21 février le lancement du fonds d’aide à l’installation dénommé « InterPharmaciens ».
Une émotion justifiée par le caractère inédit de la démarche. C’est la première fois en effet qu’une profession agit en direction des générations futures en créant un fonds financier qui va permettre d’abonder l'apport personnel des candidats à l’installation (voir encadré).
En aidant les jeunes à réaliser leur projet, la CAVP assure également la pérennité du maillage officinal. Une démarche diamétralement opposée à celle de certains financeurs dont les exigences en matière de rentabilité sont suspectées de déstabiliser le réseau. Mais surtout, ce soutien des candidats à l’installation permettra « de garantir la continuité de la couverture retraite des titulaires », souligne Monique Durand, se félicitant de ce cercle vertueux.
Il sera d’autant plus vertueux que l’intervention de la CAVP se limitera à abonder ce fonds à hauteur de 20 millions d’euros sur cinq ans (1). « En aucun cas, la CAVP ne financera en direct l’emprunt du futur installé. Pas davantage, elle ne sera responsable des rejets », prévient Monique Durand. La gestion du fonds ainsi que la sélection des dossiers des candidats à l’installation seront confiées à Esfin Gestion. « Le fonds "InterPharmaciens" entre tout à fait dans notre périmètre d’action puisque notre mission de base est de soutenir les projets d’intérêt général sur le long terme, 15 ou 20 ans », décrit Pascal Trideau, président du directoire d’Esfin-gestion.
Cette société, filiale du groupe Crédit coopératif spécialisée dans le financement en fonds propres des entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS), avait déjà ébauché ce fonds avec la CERP Rhin-Rhône Méditerranée, soutenu par les CERP Rouen et Bretagne-Atlantique. Mais les grossistes-répartiteurs se retirent désormais du concept afin d’exclure tout conflit d’intérêts.
Le principe de neutralité dans le financement des dossiers sera ici garanti par l’arbitrage d’un comité stratégique. Quatre dossiers ont d’ores et déjà été déposés, attestant de la vitesse à laquelle le dispositif s’enclenche. David Alapini, président du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens du Nord-Pas-de-Calais, salue d’ailleurs la réactivité de la CAVP à créer le fonds. La caisse de retraite a en effet rapidement concrétisé cette option retenue en 2018 par le rapport du groupe de travail qu’il avait présidé (voir l'interview).
Anticiper sur la réforme des retraites
Cette idée de financement par une transmission « générationnelle et éthique » a en effet séduit la CAVP. Pourquoi la Caisse, orientée de longue date vers l’économie réelle en tant qu’investisseur, ne contribuerait-elle pas à aider les jeunes diplômés, officinaux ou biologistes ? « Cependant, à la différence de nos autres investissements, nous avons décidé de ne pas réaliser de bénéfices sur ces opérations, le taux d'interêt appliqué aux obligations sera de 2 %, aucun frais ne sera facturé et nous ne demanderons aucune garantie », précise Monique Durand.
La CAVP tient ainsi à marquer sa solidarité avec les générations montantes. En cas de défaut de l'un ou l'autre dossier, elle prend en effet certains risques car intervenant dans la dette junior, elle ne peut prétendre qu'à un nantissement de second rang (après la banque). Toutefois, il faut bien admettre que ces risques encourus restent bien minimes au regard des quelque 8,5 milliards d’euros d’actifs engagés par la CAVP (2).
Autant de raisons qui poussent la CAVP à s’engager dès aujourd’hui à quelques semaines d’une réforme systémique des retraites (« le Quotidien » du 31 janvier 2019). Et avant que les réserves engrangées par le régime complémentaire par répartition, à hauteur de 1,3 milliard d’euros (notre édition du 12 avril 2018), ne soient potentiellement asséchées au profit du futur régime universel.
(1) À l’issue de ce terme, le fonds pourra être à nouveau abondé ou un autre fonds pourra être créé.
(2) Deuxième fonds de pension français pour l’engagement de ses actifs après le régime additionnel de la Fonction publique, créé en 2005.
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