Voie digestive et formes buccales et orales
Voie royale, la voie digestive, est l’objet de nombreuses attentions, ainsi que le souligne Christine Charrueau (Université Paris-Descartes, faculté de pharmacie de Paris, Unité de Technologies Chimiques et Biologiques pour la Santé). Citons, par exemple, pour la voie d’administration buccale, les comprimés bioadhésifs qui se collent au niveau de la muqueuse buccale, ce qui maximise les effets locaux (miconazole-Loramyc, aciclovir-Sitavig), et pour la voie orale, les films orodispersibles pour un effet systémique (ondansétron-Setofilm, fentanyl-Breakyl, sildénafil-Xybilun), les comprimés de nanocristaux (sirolimus-Rapamune), qui augmentent la solubilité du principe actif et sa biodisponibilité. Une autre approche est représentée par les systèmes auto-émulsionnables, pouvant être incorporées sous forme solide ou semi-solide à des gélules classiques ou à des capsules molles, caractérisés par la présence d’excipients lipidiques associés à des agents tensioactifs (ex : ciclosporine-Néoral), afin, là encore, d’en augmenter la solubilité et la biodisponibilité (l’émulsion se forme au sein même du tube digestif sous l’influence du péristaltisme) ; une technique d’autant plus intéressante que de nombreux principes actifs récents sont très peu solubles dans l’eau.
Dans le domaine de la recherche, celle-ci évoque également des comprimés bioadhésifs capables de se fixer cette fois au niveau des muqueuses gastriques ou intestinales, dans l’objectif d’une action systémique prolongée et, dans le même objectif, des comprimés flottant sur le liquide gastrique.
Enfin, et sans épuiser le sujet, Christine Charrueau souligne l’intérêt soulevé par la possibilité de préparer des formulations galéniques orales par impression 3D. Précisant qu’une technologie de ce type existe déjà aux États-Unis (« Zip dose »), développée par la société Aprecia Pharmaceutical, appliquée sur un mode industriel à un anti-épileptique, le lévétiracétam, pour produire plusieurs dosages d’un comprimé pour suspension orale.
Et de préciser qu’elle-même et son équipe réfléchissent actuellement à l’utilisation de cette technique pour fabriquer des médicaments (par exemple au sein d’hôpitaux) à des dosages spécifiquement adaptés à certaines populations de patients, notamment en pédiatrie et en gériatrie, ainsi que pour préparer de nouvelles associations.
Voie oculaire
On sait que des collyres sans conservateur ont été développés depuis un certain nombre d’années.
On sait aussi que l’utilisation depuis la fin des années quatre-vingt, d’injections intravitréennes a permis de réaliser des progrès thérapeutiques notables dans le traitement des maladies du segment postérieur de l’œil d’origine infectieuse ou de maculopathies œdémateuses.
Plus récemment, citons la disponibilité d’implants intra-oculaires, comme ceux de dexaméthasone-Ozurdex (œdème maculaire diabétique ou associé à une occlusion veineuse rétinienne), ou plus récemment de ganciclovir-Vitrasert (rétinites à cytomégalovirus).
Des développements de nouveaux systèmes galéniques sont actuellement menés pour améliorer l’efficacité des traitements lors des injections intravitréennes, pour agir comme des réservoirs de molécules actives pour en réduire la toxicité locale et pour prolonger leur temps de résidence (réduction du nombre d’administrations) ; une des approches possibles consiste à utiliser des systèmes particulaires : nano-émulsions, nanoparticules, liposomes.
Citons encore un gel libérant des nanoparticules chargées en principe actif sous l’effet d’ultrasons pour le traitement de la DMLA.
Des piqûres sans douleurs
Une révolution se prépare peut-être, en substituant à l’injection sous-cutanée, voire intramusculaire, l’application de patchs portant des milliers de micro/nanoaiguilles imprégnées du principe actif pouvant être utilisés par les patients eux-mêmes et être complètement indolores.
Initialement en titane, ces micro-aiguilles peuvent maintenant être solubles. Les premiers résultats, réalisés notamment avec le vaccin contre la grippe, sont très prometteurs. De fait, les cellules de l’immunité sont très nombreuses au niveau de la peau.
Dans un autre ordre d’idée, la société Crossject a mis au point un système d’auto-injection (sous-cutanée ou intramusculaire) sans aiguille (Zeneo), en mettant à profit la génération ultrarapide d’un flux gazeux très intense. Pour lors, 8 traitements sont en développement, dont 7 concernent des traitements d’urgence : midazolam (épilepsie), adrénaline (allergie), naloxone (overdose), terbutaline (crise d’asthme sévère)…
Les promesses multiformes du nanomonde
C’est peu dire que les nanomédicaments focalisent l’attention et suscitent beaucoup d’espoirs. Le Pr Patrick Couvreur (Institut Galien, Université Paris-Sud), spécialiste français mondialement reconnu en ce domaine, nous en détaille les nombreux avantages potentiels.
Le premier avantage des nanoparticules est de protéger le principe actif de la métabolisation/dégradation, ce qui a ouvert des perspectives remarquables dans le développement de médicaments de type macromolécules, comme les peptides, les protéines et les acides nucléiques. Soulignant à ce sujet que l’encapsulation dans des nanoparticules lipidiques a permis la première mise sur le marché d’un acide nucléique médicament, le patisiran-Onpattro (administré en perfusion intraveineuse), un petit ARN interférent capable d’éteindre un gène (celui de la transthyrétine) dans une variété d’amylose.
Le deuxième intérêt est de faire pénétrer dans des cellules (par endocytose) des molécules qui normalement ne s’y accumulent pas.
Il s’agit de nouveau de biomolécules, par exemple de peptides/protéines ou d’acides nucléiques, mais aussi de petites molécules très hydrophiles, comme certains anticancéreux.
Et de citer par ailleurs le cas de Doxil, une doxorubicine encapsulée dans des liposomes recouverts de polyéthylène-glycol, qui bénéficie ainsi de concentrations plasmatiques beaucoup plus prolongées et d’une plus grande pénétration à l’intérieur des cellules tumorales.
Le troisième avantage est de faire de la vectorisation ; autrement dit amener le médicament au site d’action souhaité.
Plusieurs générations de vecteurs se sont succédées :
1. liposomes ou nanoparticules polymères (par voie IV, ces nanoparticules subissent un phénomène d’opsonisation, comme les bactéries ou les virus, ce qui conduit à leur capture très rapide par le foie ; ces nanovecteurs peuvent être mis à profit pour le traitement de pathologies hépatiques, comme l’hépatocarcinome),
2. nanoparticules recouvertes de polyéthylène-glycol pour leur éviter l’opsonisation (et donc la captation hépatique), afin de leur assurer un temps de présence plus important dans la circulation générale et faire en sorte qu’elles soient captées préférentiellement par les tissus siège d’une réaction inflammatoire (parmi lesquels les tumeurs),
3. et, enfin, le ciblage grâce à la chimie de bioconjuguaison (fixation de ligands moléculaires de reconnaissance au bout des chaînes de polyéthylène-glycol, ou couplage de principes actifs au squalène, un lipide naturel, précurseur du cholestérol et capable d’insertion dans les lipoprotéines). Lorsque le bioconjugué squaléné est mis en présence d’eau, les nanoparticules se forment spontanément, selon une approche développée par le Pr Couvreur – il ne s’agit plus alors de nanoencapsulation mais d’autoassemblages supramoléculaires.
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