Les essais cliniques représentent une étape cruciale dans la vie d'un médicament. Pressée par les industriels et les patients, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a imaginé un nouveau dispositif baptisé Fast-track « essais cliniques » pour réduire les délais d'instruction sans rogner sur la sécurité. « L'enjeu de cette procédure est de permettre à un patient d'accéder plus rapidement à l'essai clinique, en l'absence de solution thérapeutique. Dans cette situation, le risque pour le patient est en effet de ne pas avoir le temps d'avoir recours à l'essai clinique. C'est particulièrement vrai en oncopédiatrie, d'où une procédure Fast-track pour l'accès à l'innovation spécifique à ce domaine », explique Élodie Chapel, directrice des politiques d'autorisation et d'innovation.
Des résultats encourageants.
Toute la complexité de cette stratégie française a été d'identifier au préalable les paramètres compressibles au cours de l'instruction, sans compromettre la sécurité des essais cliniques. Pour y arriver, l'ANSM s'est dotée de deux outils : le document additionnel Fast-track qui complète la demande du promoteur, et la réunion de prédépôt organisée avant le dépôt effectif des demandes d'essais cliniques. « L'objectif est d'anticiper en affichant d'emblée nos exigences de qualité et de sécurité. À travers cette démarche, les dossiers sont plus qualitatifs et l'instruction se trouve logiquement raccourcie », rapporte Élodie Chapel. Et le dispositif semble séduire. Début septembre, l'ANSM recensait une quarantaine de dossiers médicaments déposés et traités selon cette procédure. Pour tous, l'engagement de réponse de l'Agence dans des délais accélérés a été respecté : 40 jours pour les médicaments représentant une innovation, 25 jours pour les molécules déjà connues et 60 jours pour les médicaments de thérapie innovante connue. « Ces résultats démontrent la performance de ce système. En outre, le fait que les promoteurs se saisissent de ce dispositif accéléré nous conforte dans notre proposition. » L'ANSM souhaite poursuivre ses efforts ; après la phase de consolidation, elle entame une phase d'amélioration. « Dans les prochains mois, nous devrons fournir les résultats d'évaluation de cette procédure sur les médicaments de thérapie innovante et les médicaments aux essais à design complexe, qui n'en bénéficient que depuis février 2019. »
À l'aube d'une nouvelle décennie et de l'avènement de l'intelligence artificielle (IA), on peut cependant s'interroger sur la place des essais cliniques traditionnels au cours du développement d'un médicament. Pour le docteur Robert Dahan, ancien président de l'industrie pharmaceutique et aujourd'hui consultant, la réflexion sur l'évaluation des médicaments est portée par une approche thérapeutique de plus en plus ciblée avec pour enjeu la prise en charge des pathologies rares, ou de maladies à un stade avancé : « dans ces situations, il extrêmement difficile de mener des essais selon le schéma traditionnel, pour des raisons d'échantillon, éthiques et économiques. Il faut donc inventer de nouveaux modèles. En oncologie par exemple, une piste serait de penser cible plutôt qu'organe : plutôt que de tester séparément un médicament pour le cancer du poumon, de l'intestin ou du sein, l'évaluation de l'efficacité pourrait porter sur une caractéristique tumorale cible, en réalisant un essai multibras. »
Au LEEM, on suit de près les perspectives offertes par l'IA. « L'exploitation de données massives impacte fortement à moyen terme le développement clinique d'un médicament. Les perspectives sont immenses, mais nous sommes encore confrontés à certaines limites. On ne sait pas modéliser le corps humain et l'ensemble des paramètres physiologiques qui le régissent ; les essais sur des cohortes de patients restent par conséquent incontournables », résume Thomas Borel, directeur scientifique du LEEM.
Depuis plusieurs années, un nouveau support de développement du médicament, le modèle in silico, émerge aux côtés des modèles in vitro et in vivo. « Le principe est d'établir, par simulation numérique, une corrélation entre les caractéristiques d'une population et celles d'un médicament candidat. Ces essais in silico peuvent être menés en amont des phases de recherche clinique chez l'homme, ou en parallèle. Aujourd'hui, ils ne sont pas pris en compte dans la validation des médicaments parce que la validation des résultats obtenus par ces essais imposerait au préalable une validation des algorithmes par les autorités de santé », poursuit Thomas Borel. Les modèles in silico permettent ainsi de modéliser toutes les règles systémiques et de faire des hypothèses. « Par exemple, l'hypothèse selon laquelle tel type de patient va mieux répondre à tel médicament du fait de certaines caractéristiques physiologiques. Autrement dit, l'expérimentation in silico ne fait que traduire une théorie, mais ne permet pas de s'affranchir de l'expérimentation », détaille Christophe Le Gal, directeur scientifique de la société Kereon intelligence (spécialiste de la data), et chercheur associé au laboratoire du traitement de l'information médicale LATIM. Néanmoins, « ces travaux in silico permettent d'ores et déjà de gagner en pertinence et en temps, en termes de sélection des profils patients dans le cadre des essais cliniques : autrement dit, ils permettent une identification plus précoce des populations d'intérêt pour tester un médicament candidat », note le directeur du scientifique du LEEM.
Gagner en pertinence grâce aux données de santé.
L'exploitation des données au service de l'innovation thérapeutique impacte aussi l'organisation des essais. « Grâce à un monitoring au niveau international, il est plus facile pour les laboratoires de sélectionner les centres investigateurs à qui ils vont confier le pilotage des essais », explique Thomas Borel. Enfin, le croisement des données de recherche clinique et des données de population en vie réelle ouvre des perspectives formidables en termes d'innovation thérapeutique, « à condition que cette démarche s'accompagne d'une évolution des règles de validation pour l'enregistrement des médicaments », réagit le directeur scientifique du LEEM. La concrétisation du « Health Data Hub », dont l'ambition est de favoriser l'exploitation des données de santé, sera un levier certain dans ce domaine.
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