Les études évaluant les bénéfices de la prévention sur la santé sont nombreuses, qu’il s’agisse de l’alimentation, de l'activité physique ou de l’hygiène corporelle à laquelle on associe les gestes barrière limitant la transmission des agents pathogènes.
Ces trois domaines forment une triade de leviers d'action dont l'objectif est de préserver la santé ou, dans le cas d'une maladie chronique, d'enrayer sa progression et son empreinte sur la qualité de vie. On parle alors de prévention primaire et secondaire. La prévention tertiaire vise à réduire le risque de récidive d’une maladie. Une chose est sûre : la prévention est l'affaire de tous, et la démarche préventive est pertinente à tous les âges. Non seulement elle permet une protection individuelle, mais l'acquisition dès le plus jeune âge d'un comportement respectueux de la santé soutient sa généralisation, son ancrage dans la vie quotidienne. « En un siècle, l'espérance de vie est passée de 45 à 80 ans. Cinq années sont attribuées aux progrès de la médecine curative et 30 aux progrès de l’hygiène et aux politiques de santé publique : assainissement et urbanisation, éducation sanitaire, nutrition, vaccination », expliquait le directeur des CDC (Center for Disease Control and Prevention) Jeffrey Koplan au début des années 2000. C'est dire l'immense intérêt de la prévention. « L’hygiène a en effet permis de faire reculer voire disparaître de nos sociétés des maladies comme le choléra. L’hygiène buccodentaire illustre parfaitement ce phénomène vertueux que permet la prévention : le brossage régulier évite les caries, maintient la dentition et réduit le risque de dénutrition », explique Raoul Baron, médecin hygiéniste au CHU de Brest.
Une menace croissante qui fragilise la prévention
Malgré la multitude d'études et méta-analyses en faveur de la prévention ou a contrario, épinglant les comportements délétères sur la santé, la démarche préventive est mise à mal par un environnement de plus en plus menaçant. « La durée de vie s’est allongée au cours des dernières décennies, mais paradoxalement, l’indice sanitaire ne bouge plus depuis une dizaine d’années », souligne Yannick Guillodo, médecin du sport au CHU de Brest et cofondateur de l’université citoyenne prévention santé. « Dans notre quotidien, tout nous est adverse. En un temps record, le numérique s’est installé avec pour corollaire une dangereuse addiction à la chaise. Autrement dit, tout est fait aujourd'hui pour rester assis. »
En 2019, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a publié une vaste étude dans The Lancet Child and Adolescent Health, menée dans le monde entier sur 1,6 million d’adolescents de 11 à 17 ans. L’analyse montre ainsi que huit enfants sur dix ne suivent pas les recommandations actuelles, à savoir au moins une heure d’activité physique par jour. Cette hostilité est également flagrante dans le domaine alimentaire avec l’avènement des plats industriels gras, salés, sucrés mais très attractifs gustativement et économiquement.
La sédentarité et l'appauvrissement du régime alimentaire : des dangers sournois
L’explosion du diabète et du surpoids, le surcroît de mortalité par maladies cardiovasculaires et par cancers sont étroitement associés à un régime alimentaire déséquilibré et appauvri. Pourtant, les preuves s’accumulent pour démontrer l’impact d'une alimentation saine sur le développement de ces maladies évitables. S’il n’existe pas d’aliments anticancer, l’Inca (Institut national du cancer) souligne par exemple, données à l’appui, qu’un régime riche en fibres permet de limiter le risque de cancer colorectal, ou encore que les fruits et légumes préviennent les cancers aérodigestifs.
En 2014, une équipe toulousaine a publié une revue bibliographique des études et méta-analyses relatant les bénéfices de l'activité physique régulière chez les plus de 50 ans sur l'aspect cardiovasculaire, mobilité, cognitif et immunitaire. Ce travail publié au BEH (bulletin épidémiologique hebdomadaire du 6 octobre 2015) est éloquent. Non seulement les bénéfices sont démontrés (les risques aussi, si la pratique physique n’est pas adaptée), mais l'activité physique permet aussi d’inverser individuellement une tendance à la fragilité et à la perte d’autonomie. Autrement dit, il n’est jamais trop tard pour se mettre à bouger. « Les bénéfices cardiovasculaires, sur les os et les articulations sont probants, sans oublier les bienfaits d’ordre cognitif et la socialisation », confirme Karine Laurent, pharmacienne experte en neurosciences et sport santé. Pour Yannick Guillodo, « il faut informer sur la puissance de ce médicament qu’est l’activité physique ». Et à l'inverse, sur les dangers de la sédentarité.
« Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, on peut être sportif et sédentaire », indique Karine Laurent. Yannick Guillodo a constaté ce paradoxe en tant que médecin du sport : « il y a deux ans, j’ai encadré des sportifs de haut niveau de Mauritanie. J’ai été terrifié de constater leur comportement sédentaire et inactif au quotidien. Bien sûr, ces athlètes pratiquent du sport de manière intensive. Mais après les séances, ces sportifs restent des heures assis ou allongés devant des écrans. »
L’inactivité physique et la sédentarité sont définies respectivement par moins de 30 minutes de marche par jour et plus de 7 à 8 heures passées en position assise. Et ce n'est pas le sport du week-end qui va compenser le comportement sédentaire de la semaine ! « Ce n’est pas parce qu’on ne se lave pas les dents pendant trois jours qu’il faut le faire trois fois plus le week-end. Cette même règle s'applique à l’activité physique. À chacun de trouver des routines simples et faciles pour intégrer cette activité physique bienfaisante dans son quotidien », note Yannick Guillodo. « Il faut bouger efficacement Une règle peut aider : l’acronyme RAPP pour activité physique Régulière, Adaptée, Progressive et qui apporte du Plaisir », résume Karine Laurent qui a développé des programmes personnalisés d’activité physique pour des malades chroniques.
L’officine, bras armé de la prévention ?
« Faire de la prévention, c’est répéter un même message. C’était l’objectif du slogan 5 fruits et légumes par jour », explique Yannick Guillodo. « Et ce message doit être simple pour être efficace et compris », ajoute Karine Laurent. Pour elle, le pharmacien peut être plus qu’un vecteur de message de prévention ; il doit en devenir un prescripteur. Un avis partagé par le Yannick Guillodo : « nul doute que le pharmacien d’officine tient un rôle clé en prévention secondaire et tertiaire. Il est le professionnel de santé qui rencontre le plus souvent le malade, à chaque renouvellement d’ordonnance. Il n'y a pas de contre-indication médicale à la marche ! » Cette rencontre mensuelle est l'occasion de rappeler qu'un traitement ne se limite pas au médicament : il compte aussi l’hygiène alimentaire et physique, quelle que soit la maladie.
« La prévention est une médecine de long terme. Moins spectaculaire qu’une intervention chirurgicale ou que la médecine curative, elle est tout aussi efficace et légitime. » Pour cela, la démarche préventive doit s'intégrer pleinement à l'exercice du professionnel de santé, « même si personne ne viendra vous remercier de lui avoir évité de perdre la vie grâce à des conseils de prévention », reconnaît Yannick Guillodo.
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