Coopération interprofessionnelle

La meilleure façon de soigner

Publié le 01/10/2012
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Alors que la loi HPST introduisait la notion de coopération interprofessionnelle dès 2009, celle-ci peine encore à se concrétiser. Médecins, pharmaciens et infirmières ont fait le point sur l’avancée des projets dans ce domaine, à l’occasion des 5e Rencontres de l’USPO.
Travailler ensemble pour le bien du patient

Travailler ensemble pour le bien du patient
Crédit photo : S. TOUBON

LA COOPÉRATION entre professionnels de santé était l’une des innovations majeures apportées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009. Trois ans plus tard, force est de constater qu’elle n’est encore qu’à son balbutiement. Certes, plus de 450 maisons de santé, sièges de cette coopération, auxquelles on peut ajouter les 200 pôles de santé, sont sorties de terre. Mais, au-delà de ces structures, les expériences où médecins, infirmières, kinésithérapeutes, pharmaciens ou autres professionnels de santé travaillent ensembles, sont rares. « Nous voulons maintenant entrer dans le concret, insiste Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Notre objectif est avant tout que le pharmacien ne soit pas oublié. En effet, quand on regarde le parcours de soins défini par la Haute Autorité de santé (HAS), on remarque qu’il se limite au couple médecin-infirmier. »

Promouvoir une médecine de parcours.

Mais tout n’est pas simple en pratique, estime Jean-Michel Chabot, professeur de santé publique et conseiller médical auprès du directeur de la HAS, qui pointe les difficultés rencontrées pour mettre en place des protocoles de coopération sur le terrain. Pour lui, deux problèmes subsistent : comment former et comment payer les professionnels de santé qui s’investissent dans la coopération. « Tant que ces questions ne seront pas réglées, ça n’avancera pas », regrette Jean-Michel Chabot, qui salue cependant le lancement de onze projets validés par la HAS et qui fonctionnent déjà. « Notre mission, désormais, c’est de réunir des équipes sur le terrain et de les aider à bâtir des squelettes de parcours de soins, explique-t-il. Nous devons aussi être un centre de ressources afin que les professionnels puissent trouver un protocole pour mettre en place leur coopération. »

Les freins à la coopération.

Pierre de Haas, médecin généraliste et président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), évoque, lui aussi, le problème de la rémunération des professionnels engagés dans un projet de coopération. « Pour l’instant, nous sommes rémunérés uniquement quand le patient est face à nous. La coordination, mais aussi les temps d’animation des projets et des équipes ne sont pas payés », déplore-t-il. Toutefois, des pistes sont à l’étude. « Actuellement, nous testons l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération (ENMR) dans 150 sites, indique Pierre de Haas. Il s’agit de verser une certaine somme à l’équipe, environ 50 000 à 60 000 euros pour une maison de santé. C’est un bon début et cela permet de payer 4 ou 5 médecins et kinés, un pharmacien et une infirmière, par exemple. » Au-delà de la rémunération, il note deux autres freins au développement des maisons de santé : les systèmes d’information, pas suffisamment mutualisés, et l’absence de protocole.

Quoi qu’il en soit, le président de la FFMPS se montre confiant quant à l’évolution de ces structures de coopération. « Actuellement, on nous rétorque souvent qu’elles ne concernent que 2 % des professionnels de santé en France. Je pense que d’ici à deux ans, nous atteindrons probablement 10 %, et dans 5 ans nous serons à 25 % si cela continue sur cette lancée. » Et, selon lui, l’assurance-maladie aurait tout à y gagner : « La littérature internationale montre que 20 à 25 jours d’hospitalisations par an peuvent être évités pour l’ensemble des patients concernés. »

Nécessité de travailler ensemble.

François Wilthien, vice-président du syndicat de médecins généralistes MG France, met la lenteur du démarrage de la coopération sur le compte de « problèmes de communication qui sont souvent générationnels ». Il en est persuadé, « la coopération devient indispensable », en particulier « avec la "gériatrisation" de notre activité, qui nous oblige à refaire des visites à domicile, alors que nous n’avons plus le temps de les assumer… »

Prêtes aussi à jouer le jeu, les infirmières libérales, qui sont de plus en plus souvent en première ligne dans le traitement de patients lourds, se plaignent d’être souvent oubliées. « Nous avons des compétences très larges de premier recours et pourtant nous ne figurons même pas dans la loi qui en parle ! » dénonce Annick Touba, présidente du Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (SNIIL). Pourtant, dans les faits, souligne-t-elle, « les infirmières libérales font déjà de la coopération, puisqu’elles travaillent en étroite collaboration avec les pharmaciens et les médecins ».

Un système de soin à repenser.

Gilles Bonnefond en est convaincu, la coopération entre professionnels de santé est une voie d’avenir pour notre système de soins. Et le changement de rémunération des officinaux représente une « évolution stratégique ».

« Nous allons pouvoir travailler ensemble, se réjouit-il. Aujourd’hui, la coopération devient indispensable, car les patients doivent bénéficier d’un message cohérent, porté à l’identique par tous les professionnels de santé, afin qu’ils adhèrent au traitement », conclut-il. C’est tout l’enjeu de la coopération interprofessionnelle.

ANNE-GAËLLE MOULUN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2948