En cinq ans, la vente en ligne de médicaments peine à se développer. Les contraintes financières et réglementaires ne suffisent pas à expliquer pourquoi seulement une trentaine de sites, sur les quelque 540 enregistrés à l’Ordre des pharmaciens, sont actifs.
Pour Cyril Tétart, président de l’Association française des pharmacies en ligne (AFPEL), qui représente 17 e-pharmacies, la stagnation de cette activité, tant en chiffre d’affaires qu’en nombre d’acteurs, résulte essentiellement de l’interdiction de communication imposée par la réglementation. « La publicité faite à la vente en ligne est principalement liée à la contrefaçon ! », constate, dépité, le président de l’AFPEL.
Dans ces conditions, les e-pharmaciens français subissent de plein fouet la concurrence de leurs homologues belges et néerlandais. En effet, les e-pharmaciens européens ne luttent pas tous à armes égales. Newpharma, leader du marché belge, peut ainsi effectuer des campagnes de mailing de grande envergure en France, pendant que les e-pharmaciens français, soumis à une interdiction de sollicitation de clientèle, doivent se contenter de relancer leurs clients. « Ces distorsions ont pour conséquence une emprise disproportionnée de Newpharma sur le marché français. On considère qu’il réalise un tiers de son chiffre d’affaires annuel dans l’Hexagone, soit 20 millions d’euros. Un paradoxe pour un site qui pratique des tarifs jusqu’à 40 % supérieurs à ceux des acteurs français », déplore Cyril Tétart. Il estime que si elles avaient la capacité de communiquer, les pharmacies en ligne françaises pourraient décupler leur part de marché du médicament non prescrit (1 % actuellement).
Mais bien d'autres freins entravent la vente de médicaments sur Internet. En première ligne, d’ordre réglementaire. Et ce ne sont pas les deux assouplissements apportés récemment par le Conseil d’État qui changeront la donne (voir ci-contre).
Un tunnel d’achat trop long
De fait, les discriminations subsistent. Et elles sont de taille, à en croire l’AFPEL. Ainsi, la vente en ligne est placée « sous haute surveillance par les ARS qui contrôlent depuis leur fauteuil les sites d’e-pharmacies, tandis qu’une pharmacie physique n’est contrôlée en moyenne que tous les 25 ans », ne manque pas de faire remarquer Cyril Tétart, titulaire de la pharmacie du Bizet, à Villeneuve-d’Ascq (Nord) et du site laSante.net. Résultat : quand un pharmacien en ligne ne peut vendre qu’une seule boîte de Nurofen à la fois, son confrère « physique » peut en délivrer deux, voire trois. Un exemple parmi d’autres, selon lui, des discriminations dont pâtissent les pharmacies en ligne.
De manière plus générale, le développement de la vente en ligne de médicaments souffre du dispositif très strict qui encadre l’achat en ligne. Le questionnaire de santé à valider à chaque achat est l’un de ces premiers barrages. En tout et pour tout, sécurité de l'internaute oblige, il ne faut pas moins de sept à huit clics pour commander un produit sur un site de pharmacie en ligne, alors que les spécialistes du Web-commerce estiment qu’un internaute moyen abandonne après trois clics. « Il suffirait de ramener ce tunnel d’achat à cinq clics pour réduire substantiellement le taux de pertes de visiteurs », estime Cyril Tétart, dont le site bénéficie actuellement d’un taux de transformation de 2,8 % (2,8 acheteurs pour 100 visiteurs). Un taux modeste au regard de l’énergie que doit déployer un e-pharmacien pour y parvenir.
Le poids d’un tel investissement technique, et par conséquent financier, explique sans aucun doute l'absence de décollage de la vente sur Internet. Aux 100 000 euros de mise de départ pour la construction du site, l’e-pharmacien devra ajouter en moyenne 10 000 euros de frais de fonctionnement par mois. Outre les salariés affectés à la préparation de commande, le pharmacien doit en effet s’entourer de spécialistes, développeurs, Web masters, community managers, voire logisticiens, et prévoir un espace dédié à cette activité. Un environnement qui nécessite une immobilisation financière importante, alors que le seuil de retour sur investissement se situe à 50 commandes/jour.
On comprend alors aisément que, dans ces conditions, les pharmaciens disposant d'une trésorerie suffisante et d’une certaine ancienneté dans la profession préfèrent s’orienter vers des activités correspondant davantage à leur cœur de métier, comme le maintien à domicile (MAD) ou la préparation des doses à administrer (PDA). Et Cyril Tétart de conclure sur un clin d’œil : « la vente en ligne de médicaments est un sport de riches… mais connectés ! »
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin