Le management est le parent pauvre de la transformation digitale des officines. Celles-ci sont plus curieuses des technologies numériques dans le cadre de leurs relations avec patients et clients, et dans une moindre mesure pour tout ce qui concerne le back-office.
« Les officines ont tendance à sous-estimer l’importance du facteur humain », constate Hubert Olivier, Président de l’OCP. « Comme la plupart des entreprises, d'ailleurs », poursuit-il. Et pourtant, la digitalisation passe aussi par le management, sans quoi, la transformation souhaitée ne pourra se faire dans des conditions optimales. Elle englobe tout aussi bien l’usage des technologies digitales par les titulaires et leurs équipes afin de fluidifier les process, que la montée en compétences des différents collaborateurs dans la maîtrise des dites technologies. Certes, les titulaires ont déjà des outils high-tech à leur disposition pour les aider dans le management de leurs équipes, les modules d’analyse contenus dans leur LGO. Il leur suffit d’établir des requêtes, par exemple le chiffre d’affaires réalisé en parapharmacie ou dans le domaine des génériques par collaborateur, pour identifier les points forts et les points faibles de chacun. « C’est de la business intelligence embarquée », commente Marie-Hélène Gauthey, directrice associée d’Atoo Pharm. « Le digital ne remplace pas ces outils qui permettent de chercher et d’interpréter des données, mais elles en facilitent la lecture et donc l’usage. » Surtout, il élargit sensiblement l’horizon des officines, qui peuvent désormais s’adresser à un vaste panel de prestataires pour les aider dans leur évolution digitale, tels les éditeurs de LGO bien sûr, mais aussi les groupements, dont certains sont très mobilisés sur le sujet, et des entreprises de profils divers.
Puissance du numérique
Le premier sujet du management intéressé par les technologies digitales et sans doute le plus abouti à ce jour est celui du recrutement. « La puissance du numérique permet de concentrer la vision que l’on peut avoir des candidats, de renforcer la mobilité en dépassant les barrières régionales », explique Muriel Darniche, fondatrice de Team Officine. « Les moteurs de recherche permettent de mener une recherche intelligente et de ne plus se contenter de listes de candidats. »
La jeune entreprise, née en 2013, a comme critères les diplômes et la disponibilité pour animer la recherche des candidats sur son site. Dès le début de l’été prochain, elle y ajoutera les compétences ainsi que des diplômes complémentaires (nutritionnistes etc…). Comme souvent, les technologies peuvent aller très loin, plus loin que les besoins réels. Marie-Hélène Gauthey évoque ainsi ce qui se pratique déjà dans les pays anglo-saxons, des sites de recrutement conçus un peu comme des sites de rencontres : « ces sites sont animés par des algorithmes qui font en sorte que les candidatures correspondent aux profils recherchés. » Attention néanmoins au côté quelque peu restrictif qu’implique cette intelligence numérique grandissante, « dans le contexte du marché français où il y a moins de candidats que de postes, on encourage donc les pharmaciens à découvrir l’ensemble des candidatures », nuance Muriel Darniche. Le digital pourra aussi aider à identifier de nouvelles compétences, celles par exemple des spécialistes de la nutrition, des compléments alimentaires ou des objets connectés, des acheteurs, des logisticiens, de façon à aider les préparateurs, pas assez nombreux sur le marché, à rester centrés sur le cœur de leur métier.
Outre la recherche facilitée de candidats (et d’emplois pour les candidats, cela marche dans les deux sens), ces sites de recrutement apportent également un espace de communication permettant aux uns et aux autres de dialoguer. Ils veillent à faire en sorte que les annonces publiées soient mises à jour régulièrement, la possibilité de faire un CV en ligne… Ces différents outils permettent aussi aux pharmaciens de regarder les compétences des candidats, et vérifier notamment leur aisance dans le domaine des nouvelles technologies. Ils peuvent par exemple analyser comment ils maîtrisent Facebook… Faut-il encore que les pharmaciens en connaissent eux-mêmes les subtilités. Car de l’aisance, il en faut, pour ensuite utiliser le digital dans le management des équipes au quotidien, à commencer par les séduire et les emmener vers de nouvelles façons de travailler, en un mot, les motiver. Cela commence déjà par un engagement clair et sans faille du titulaire. « Sans lui, l’équipe ne bougera pas », soutient Marie-Hélène Gauthey. C’est ensuite l’identification des compétences et la motivation de chacun de façon à établir un « référent » ou un moteur selon Bénédicte Bourgoin, responsable expérience clients de l’OCP. « Le digital change certaines façons de travailler, mais ne change pas tout, il faut relativiser certains changements et créer des leviers d’engagement », explique-t-elle.
La motivation des équipes peut prendre des chemins hors des sentiers battus, comme par exemple la création de groupes privés sur les réseaux sociaux pour les équipes, un réseau pour une officine qui permet d’échanger différentes choses, des retours d’expérience… On peut inciter à une certaine forme de curiosité vers l’usage de ces réseaux sociaux qui peut amener les plus réticents sur la voie d’un usage plus marqué du digital dans son quotidien. Ou encore, proposer par le biais d’une plate-forme digitale des services que seuls des comités d’entreprises sont susceptibles de fournir et d’ordinaire interdits aux pharmacies du fait de leur petite taille. Pharmonweb vient ainsi de lancer une telle plateforme qui permet d’accéder à des places de cinéma, théâtre, spectacles, voyages, concerts etc... soit quelque 150 000 offres actuellement disponibles, à des prix CE et cela pour un abonnement annuel de 99 euros par officine. La motivation passe aussi par là.
Discipline et autonomie
Car c’est bien là le principal enjeu du management digital, utiliser ces technologies pour organiser le travail différemment de façon à être plus efficace. La plate-forme Link d’OCP qui rappelons-le est une solution digitale globale, place de marché jusqu’à l’animation des relations avec les patients dispose précisément d’un volet consacré au management. La fonctionnalité « mon équipe » permet d’organiser le travail quotidien de l’ensemble des collaborateurs en digitalisant un certain nombre de tâches, à commencer par le « cahier de liaison » : l’ensemble des membres d’une équipe est au courant de ce qui a été fait, de ce qu’il y a à faire, l’information ne se perd plus comme souvent dans une communication orale. « Le pharmacien crée une gestion de tâche en trois clics, cela peut être lié au rangement du frigo, au recyclage et bien d’autres activités », explique Bénédicte Bourgoin. « Chacun sait où il en est et quand une tâche n’a pas été menée jusqu’au bout pour une raison ou pour une autre, l’information est transmise à une autre personne qui va s’en charger. » Autre aspect de ce volet management, la gestion de planning, visualisable par tout le monde : les congés, les absences, l’agenda de l’officine, ses différents rendez-vous avec les laboratoires, les groupements, les patients…
Le digital impose ainsi un cadre, une discipline proche de ce que les pharmacies qui se sont engagées dans des process de qualité en vue d’une certification connaissent, avec tout ce que cela comporte de travail dans l’identification des problèmes et la préparation au changement. Or, ces nouvelles contraintes peuvent être mal vécues, d’autant que, paradoxalement, l’usage des technologies numériques amène une façon plus collaborative de travailler, plus transversale, et plus d’autonomie aussi. Il ne faudrait pas que se produisent des phénomènes qu’ont connu certaines entreprises qui se sont engagées dans de tels process tout en maintenant un cadre rigide de sanctions, l’autonomie devenant insécurité. Les pharmacies sont moins menacées, leurs équipes sont de taille réduite, tout le monde se connaît, mais c’est quand même un risque. « Le digital responsabilise beaucoup, il ne doit pas être un outil de sanction », commente Bénédicte Bourgoin. D’où la nécessité de réfléchir à la conduite du changement. L’OCP propose une formation dédiée, Link4you, pour aider les équipes à s’habituer à la plate-forme Link et aux nouveaux usages qu’elle implique. Une formation en six points, qui fait une sorte d’état des lieux, identifie les enjeux, travaille sur un plan d’action afin de susciter une véritable dynamique. La motivation concerne chacun des membres d’une équipe, personne ne doit être laissé en plan. La conduite du changement ne suffit sans doute pas – elle est limitée dans le temps -, aussi Marie-Hélène Gauthey milite-t-elle pour la formation en ligne, qui permet de maintenir à niveau ses compétences dans la durée. « Le présentiel ne suffit pas à former les pharmaciens dans le cadre d’une transformation globale de l’officine, le e-learning est bien adapté », souligne-t-elle. D’autant que ce type de prestation se démocratise largement, « dix mille officines y ont accès de façon régulière », ajoute-t-elle.
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