Le digital, n’est-ce pas au fond juste une histoire de tissage ? Tisser une relation avec le patient ou le client, tisser des liens à travers les canaux existants, tisser des liens entre ces différents canaux justement, le web, les outils au comptoir, dans l’espace commercial, sur les smartphones… On retrouve toujours, avec les nombreux et différents outils digitaux désormais disponibles, ce sentiment de pouvoir mieux resserrer les relations. Loin de les dépersonnaliser ce à quoi l’univers virtuel des hautes technologiques fait penser, la digitalisation vise à personnaliser une relation entre un pharmacien et un patient, désormais plus au fait des informations de santé. « La digitalisation, c’est faire en sorte que la relation se poursuive en dehors de l’espace de la pharmacie, souligne Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest, les patients ne viennent pas toutes les semaines, ils doivent pouvoir avoir des informations entre chacune de leur venue, une façon pour les pharmaciens de leur dire, " ne m’oubliez pas ". » Tisser ces liens, les resserrer, c’est fidéliser quasi automatiquement les patients et les clients concernés. « Le taux de fidélisation est déjà important dans l’univers de la pharmacie, de 62 % en moyenne, elle bondit à 80 % avec des outils digitaux », révèle Lucien Bennatan, président de PHR. Comme si le digital était naturel au processus de fidélisation. On le voit bien avec la pratique de la réservation d’ordonnance qui tend à se généraliser, « fortement fidélisante », selon Virginie Boissier, directrice marketing et communication de Smart Rx. Il suffit du juste service pour que les liens se resserrent, et que la fidélisation se renforce.
Ce tissage n’est pas une vaine image, la relation qu’ont les pharmaciens avec leurs clients et patients est composée d’éléments épars, le service qu’ils apportent au comptoir, le conseil, la performance commerciale avec les bons prix et les bonnes promotions, la qualité et l’étendue de l’offre… De tous ces éléments se dégagent une relation sinon fragmentée, en tout cas incomplète, le patient va plus volontiers changer d’officine au gré de ses humeurs ou de ses intérêts. Le digital, avec tous les outils qui s’offrent aux pharmaciens, représente le matériau avec lequel ils vont tisser un relationnel plus approfondi avec eux. Mais il faut bien partir d’un point précis pour aller vers un objectif défini dès le départ. On serait bien embarrassé de conseiller un chemin, une voie, tant les profils d’officine sont divers : le digital est un véritable moyen pour les pharmaciens de faire preuve de créativité, de tisser les relations qu’ils estiment les plus adaptées à leur patientèle et leur clientèle.
Vers le patient consommateur
Le point de départ, c’est peut-être là justement, dans ces termes réducteurs, de « patients » et de « clients », utilisés pour bien montrer le distinguo entre l’activité de professionnel de santé distinctement de celle de commercial. Pourtant, celui qui vient dans l’officine ne se définit pas comme l’un ou l’autre, il l’est alternativement ou les deux à la fois. Carine Kessaci, directrice CRM Healthcare chez Arvato, lui préfère l’expression de « patient consommateur », tout en soulignant en substance qu’il y a bien deux aspects distincts, presque une schizophrénie, dans la façon d’aborder le sujet de la fidélisation. On peut se limiter à l’aspect patient et consacrer tous ses efforts à le fidéliser en délivrant un conseil idoine et chercher les outils digitaux qui vont l’y aider, à l’image par exemple de ce que propose Naocare, un service de Ma Formation Officinale, spécialiste bien connu de la formation auprès des officines, un service délivré à partir d’une tablette. « Cet outil digital prolonge la communication du pharmacien, essentiellement verbale, à l’égard du patient, avec l’appui de schémas, de vidéos, organisés autour de différents thèmes », déclare David Vintraud, Directeur général de Ma Formation Officinale. La quinzaine de thèmes proposée à ce jour, cardiologie, dermato, maladies infectieuses, respiration/allergies etc… englobe les pathologies les plus courantes et donne la possibilité au pharmacien de transmettre une information complémentaire, lisible pour le patient, accessible en deux clics. « Les vidéos notamment permettent de visualiser clairement l’usage de certains traitements dans le domaine de l’asthme par exemple, toujours un peu compliqués, ou d’expliquer le fonctionnement de dispositifs médicaux », précise David Vintraud. « Des vidéos que le pharmacien peut envoyer par mail à ses patients s’il le juge nécessaire. »
Le « full web » pour fluidifier la relation
Ce n’est cependant pas comme si les pharmaciens découvraient l’usage d’outils informatiques pour conseiller leurs patients, les LGO proposent depuis longtemps modules et applications pour mieux suivre leurs patients. La nouveauté vient de ce que le digital apporte comme confort et mobilité pour fluidifier en quelque sorte la relation avec le patient. Symptôme de cette tendance, Mon suivi patient, application de Smart Rx a été portée sur les plates-formes mobiles. Et les outils proposés sont de plus en plus « full web », accessibles de partout sur Internet. De la même façon, les pharmacies plus orientées sur l’aspect commercial de leur activité iront peut-être plus volontiers vers des bornes interactives dotées d’écrans tactiles susceptibles d’apporter les services attendus, au gré des intentions des différents prestataires. Cela peut aller du coin enfants, un service que Smart Rx propose depuis longtemps mais qu’il entend moderniser par le biais d’une tablette tactile justement, jusqu’aux linéaires digitaux installés dans l’espace commercial comme le propose Pharmagest depuis quelques mois avec Offitouch. Seul exemple à ce jour de linéaire digital accessible aux clients (les autres sont dans la zone OTC), Offitouch permet de naviguer sur l’écran en touchant le produit virtuel exposé, obtenir toutes les informations, voire l’acheter.
« À terme il est possible d’imaginer des applications mobiles proposant des avantages associés à la pharmacie et dans la pharmacie, à partir de bornes tactiles, des promotions comme un conseil personnalisé », évoque Jérôme Lapray. C’est ce que certains appellent la « cross-canalité » d’autres « l’omni-canalité », peu importent les termes, il s’agit d’utiliser tous les canaux ensemble et de tisser, encore, des liens entre les uns et les autres. Pour Lucien Benattan, cela commence dès la création d’un site Internet, sur lequel des services concrets sont proposés. D’où la généralisation de la réservation d’ordonnance et les progrès du click & collect, des services qui à partir d’Internet, quelle que soit la plate-forme, amènent le patient dans l’officine. Le groupement Pharma Référence qui a lancé avec succès un concept de pharmacie digitale il y a quelques mois, utilise cette notion de multi-canalité pour apporter une grande diversité de services à l’extérieur et à l’intérieur des officines, par le biais d’applications mobiles et de bornes tactiles. Celles-ci en délivrent de toutes sortes, dépassant la dichotomie patient/client puisqu’on peut y trouver aussi bien des fiches produits, des promotions, un moyen de s’identifier et de retrouver un programme de fidélité, mais aussi ses ordonnances, des conseils, ses rendez-vous pour un entretien pharmaceutique ou avec une diététicienne…
Les groupements ont un rôle important dans la diffusion de ces outils digitaux à travers leurs propres concepts d’enseignes et par conséquent dans cette approche multicanal qui s’amorce. C’est aussi l’affaire de certains éditeurs, pas beaucoup pour l’instant, qui en reconnaissent en tout cas l’inéluctabilité. Winpharma propose ainsi une application mobile qui va dans ce sens, WinPharmacie.com, celle-ci donne accès au patient à son dossier médical composé de ses ordonnances, de ses posologies, de sa liste de médecins, la réservation et le renouvellement d’ordonnances. Dans ces deux derniers cas un ticket de promis apparaît sous la forme d’un code barre sur le smartphone du client qui se lit directement à la douchette au moment de la délivrance. « Une façon de gagner du temps à tous les niveaux », commente Pierre Montigny, Directeur commercial de Winpharma. « Le pharmacien est entièrement maître de sa communication, il peut utiliser cette application pour transmettre des promotions ou des informations pratiques. » Un module complémentaire, Win SMS permet d’envoyer des SMS sur les smartphones des patients pour leur confirmer par exemple la réception d’un promis.
Push ou pas ?
Cette approche multicanal se heurte parfois à certains principes, ou en tout cas aux visions qu’on peut en avoir. Technologiquement, tout ou presque est possible, comme la reconnaissance des patients par le biais de leur smartphone sur lequel il est possible d’envoyer des informations personnalisées. « On procède à des actions de push au sein de l’officine comme à l’extérieur, on peut par exemple envoyer un message avec des remerciements », détaille Lucien Bennatan. Ce à quoi Winpharma ne veut pas se résoudre : « les jeunes sont habitués à ces technologies, certes, mais ils représentent une part minoritaire de la clientèle des pharmacies, les autres tranches de la population risquent de les trouver intrusives », précise Pierre Montigny. C’est une affaire de valeurs à laquelle les différents acteurs sont confrontés, lesquels du reste sont attentifs à bien rester dans les limites de ce que permet le métier de l’officine, qui dans le domaine de la fidélisation, ne peut pas faire n’importe quoi. L’usage des outils digitaux, notamment pour ce qui concerne les cartes et les programmes de fidélité doit être prudent. « Il faut que ce soit très bien et rigoureusement géré, rappelle Lucien Bennatan, pas question par exemple de les utiliser pour faire des mailings publicitaires. » Cela n’empêche pas l’usage de cartes de fidélité comme l’évoque Jérôme Lapray avec l’exemple de l’enseigne Wellpharma, d’Objectif Pharma, groupement de la coopérative Wellcoop, maison mère de Pharmagest, qui propose des avantages pour les achats du patient consommateur mais liés aussi à sa capacité à répondre à un programme de suivi patient. Une façon de le récompenser d’être acteur de sa propre santé.
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