L'hypothyroïdie est un trouble endocrinien relativement fréquent. En France, la prévalence est estimée à 3 % dans la population générale. Elle augmente chez les femmes, plus fréquemment touchées par cette pathologie thyroïdienne.
Du diagnostic au traitement
« Le diagnostic d'hypothyroïdie repose en première intention sur le dosage de la TSH, dont le taux est augmenté. Le dosage des hormones thyroïdiennes (T4) n'est pas justifié, sauf dans des cas très particuliers d'hypothyroïdie », précise le Pr Patrice Rodien, chef du service d'endocrinologie du CHU d'Angers (centre de référence des maladies rares de la thyroïde et des récepteurs hormonaux) et président de la SFE (Société française d'endocrinologie). On distingue plusieurs formes d'hypothyroïdie. Les hypothyroïdies périphériques sont les plus représentées, avec en tête les hypothyroïdies auto-immunes qui concernent un patient sur deux. Une hypothyroïdie périphérique peut également être secondaire à un traitement d'hyperthyroïdie (par antithyroïdiens de synthèse ou une chirurgie), ou d'origine iatrogène. « Les médicaments tels que l'amiodarone, les interférons ou certaines immunothérapies anticancéreuses peuvent causer une hypothyroïdie. C'est le cas par exemple des anticorps monoclonaux anti-CTLA4 ou anti-PD1 utilisés en oncologie. Les patients recevant ces traitements doivent être particulièrement surveillés », commente le Pr Patrice Rodien. Les hypothyroïdies d'origine centrale sont plus rares et sont causées par une pathologie hypophysaire. D'un point de vue clinique, les signes sont divers. Fatigue, frilosité, troubles de l'humeur ou constipation sont les plus fréquents mais pris séparément, ces symptômes sont peu spécifiques d'une hypothyroïdie. « Une association de ces signes peut évoquer un trouble endocrinien mais cela ne suffit pas à poser le diagnostic. En revanche, pour les sujets sous immunothérapie ou traités par des inhibiteurs de tyrosine kinase, la fatigue peut être un signe d'hypothyroïdie. Ce signe est parfois négligé et mis sur le compte des traitements anticancéreux et de la maladie cancéreuse », explique le président de la SFE.
Normaliser la TSH et favoriser la satisfaction du patient
Le traitement repose sur la lévothyroxine, c'est-à-dire une hormonothérapie substitutive thyroïdienne. La posologie est définie en fonction du poids, du degré d'hypothyroïdie et du profil du patient. L'objectif visé est la normalisation de la TSH. Pour certains patients cependant, comme les sujets âgés ou coronariens, on ne recherche pas une normalisation stricte. « Il y a deux composantes importantes dans le traitement de l'hypothyroïdie : la normalisation de la TSH, et la satisfaction du patient c'est-à-dire la disparition des symptômes et une bonne qualité de vie. Le traitement est nécessairement individualisé. Dans 5 à 10 % des cas, le patient ressent une insatisfaction, malgré un taux de TSH corrigé par le traitement. Il faut alors modifier le taux cible de TSH, et explorer d'autres étiologies. La thyroïde n'est pas toujours en cause », indique le Pr Patrice Rodien.
Des étapes délicates
Le traitement par lévothyroxine est un traitement à vie. Certaines étapes de la vie peuvent nécessiter un ajustement posologique. C'est le cas de la grossesse, période marquée par une augmentation des besoins en hormones thyroïdiennes et par conséquent, une augmentation de la posologie en lévothyroxine. Idem chez les patientes sous contraceptif. Chez les sujets âgés au contraire, on observe une diminution des besoins et la posologie doit être revue à la baisse. « La ménopause constitue une autre étape notable pouvant nécessiter un réajustement des doses. Les besoins en hormones thyroïdiennes diminuent brutalement ; ce phénomène est souvent associé à des signes cliniques. En l'absence de traitement hormonal de la ménopause, la posologie en lévothyroxine doit être abaissée », commente le Professeur Rodien. À l'officine, ces situations doivent être identifiées afin d'orienter les patients vers leur prescripteur. « La dose de lévothyroxine étant rapportée au poids, tout changement de poids peut déstabiliser le traitement de l'hypothyroïdie. Si un patient perd du poids, il se retrouve en surdosage, et inversement. Cette composante doit toujours être prise en compte face à une plainte de patient traité par lévothyroxine ». Un dosage de TSH par an est recommandé mais cette fréquence peut être augmentée si nécessaire. « En cas de changement du dosage, il est important d'attendre entre 6 et 8 semaines avant de doser à nouveau la TSH. Avant ce délai, il n'est pas pertinent d'ajuster la posologie car le taux de TSH obtenu n'est pas stabilisé ».
L'expertise du pharmacien pour prévenir les interactions
Le comprimé de lévothyroxine doit être pris à jeun, en raison d'une modification de l'absorption en présence de nourriture. « La prise de nourriture induit en effet une variabilité pharmacocinétique d'où l'intérêt de prendre le comprimé à jeun. Cependant, la régularité des prises est également à considérer. Si le comprimé est pris chaque jour à la même heure, avec un petit-déjeuner stéréotypé (un café par exemple), et que le patient est stable, il n'est pas nécessaire de modifier les habitudes. Le discours du prescripteur et du dispensateur doit être adapté pour atteindre l'objectif thérapeutique et favoriser l'adhésion du patient à son traitement », nuance le Pr Patrice Rodien. Pour lui, le pharmacien et son équipe ont un rôle essentiel dans la détection d'éventuelles interactions médicamenteuses : « la plus fréquente est celle avec le fer, chez la femme enceinte par exemple. Nous prévenons les malades en consultation mais le message doit être répété lors de la dispensation : un délai de plusieurs heures est nécessaire entre le comprimé de lévothyroxine et celui de fer. Idem avec les anti-acides ou le calcium. Un autre point de vigilance concerne les inhibiteurs de la pompe à protons. Leur action sur l'acidité gastrique modifie la biodisponibilité de la lévothyroxine, dont l'absorption est facilitée en pH acide. D'une manière générale, il est toujours nécessaire de faire le point avec le patient traité pour une hypothyroïdie lorsqu'on introduit un nouveau médicament », conclut le président de la SFE.
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