« LA POSSIBLE baisse d’efficacité de la pilule du lendemain chez les femmes en surpoids a fait débat », rappelle le Dr Frédéric Libert, pharmacologue au CHU de Clermont-Ferrand et membre de la Société française de pharmacologie et thérapeutique (SFPT) et de son groupe de travail « Suivi thérapeutique pharmacologique ». Le sujet semble aujourd’hui tranché par l’agence européenne du médicament : il n’y a pas de résistance significative des femmes en surpoids à la contraception d’urgence. Mais cela ne doit pas masquer les variations individuelles. « Ce n’est pas une raison pour augmenter les doses : pour un cas rare de résistance, peu prévisible, on courrait un risque de toxicité », avertit le Dr Libert.
Pas de règle générale.
La question se pose pour les autres médicaments. L’obésité induit des modifications de la cinétique médicamenteuse. Ces modifications sont complexes, variant en fonction de la structure du médicament, de sa liposolubilité, de son degré de fixation plasmatique et de la perfusion tissulaire.
« Concernant les molécules hydrophiles, un fort surpoids peut jouer, mais ne changera que rarement la donne », précise le Dr Libert. Pour ces molécules (tels que le salicylate, la digoxine), le volume de distribution et la clairance sont donc peu modifiés, dans la plupart des cas.
Les médicaments faiblement liposolubles ont une clairance généralement inchangée chez le patient obèse : l’ajustement se fait par rapport au poids réel pour la dose de charge, et par rapport au poids idéal pour la dose d’entretien.
En revanche, « les médicaments fortement lipophiles se diluent davantage chez les patients obèses, ce qui peut amener à devoir alors augmenter les doses, en les adaptant au poids réel », précise le Dr Libert. Cela reste à moduler plus précisément : la ciclosporine, très lipophile, n’a pas de modification de sa clairance ni de son volume de distribution chez le sujet obèse.
« On ne peut déduire aucune règle générale et chaque molécule devrait être étudiée au cas par cas chez le sujet obèse, réclame le Dr Libert. Or, dans les dossiers de demande d’AMM, les patients sont standardisés. On n’a aucun moyen, à partir de ces dossiers, de connaître les paramètres pharmacocinétiques d’une molécule chez les patients obèses. C’est quelque chose que l’on va chercher a posteriori, à partir des données de la pharmacovigilance, et où la recherche académique et les sociétés savantes ont toute leur place. »
Des études au cas par cas.
Une revue de la littérature de 2006 (1) fait ainsi le point sur les caractéristiques pharmacocinétiques de différentes classes thérapeutiques fréquemment employées chez les patients obèses. Il en ressort que pour les opiacées, classiquement lipophiles, on observe de grandes différences. Concernant le sulfentanyl, le fentanyl et l’alfentanil, il faut adapter la dose de charge selon le poids réel, mais diminuer la dose d’entretien. Les doses de rémifentanil sont à adapter selon le poids idéal.
Les benzodiazépines, très liposolubles, doivent voir leur dose adaptée au poids réel pour les injections uniques, mais au poids idéal en cas de perfusion continue.
Les données sont limitées concernant les relaxants musculaires, mais la posologie semble devoir être adaptée au poids idéal.
Concernant les antibiotiques, il faut adapter la posologie de la vancomycine au poids réel car le volume de distribution ainsi que la clairance augmentent chez le patient obèse. Pour les aminosides, la dose initiale se calcule en fonction du poids ajusté du patient, car on observe une pénétration partielle dans le tissu adipeux.
Enfin, la posologie des héparines de bas poids moléculaire doit être adaptée selon le poids réel du patient.
Une constante dans toutes ces variables : les formes transdermiques fonctionnent beaucoup moins bien chez le patient obèse. Ainsi les patchs de trinitrine montrent une nette diminution de l’absorption. Les formes orales et intraveineuses doivent systématiquement être privilégiées.
2) Christophe Bardin. Évaluation de différents descripteurs de poids chez le sujet obèse à l’aide d’un modèle de pharmacocinétique de population - application à la metformine, la morphine et l’imatinib. Human health and pathology. Université René Descartes - Paris V, 2012. F.
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