JUSQU’À présent, en France, le cannabis à usage médical ne pouvait être prescrit que par le biais d’ATU, demandées exclusivement par des médecins hospitaliers pour des douleurs sévères résistantes à tout. Depuis 2001, un peu plus d’une centaine d’ATU ont ainsi été accordées pour le dronabinol (Marinol en gélules), à base de tétrahydrocannabinol (THC). La mise à disposition prochaine dans les officines françaises de Sativex, une solution pour pulvérisations buccales (5 à 12 par jour) associant deux molécules, le tétrahydrocannabinol ou THC (27 mg/mL) et le cannabidiol (25 mg/mL), sera donc une « première ». Produit par les laboratoires britanniques GW Pharmaceuticals, il sera commercialisé par le laboratoire Almirall France et pourrait concerner 2 000 à 5 000 malades. « Avant l’été, espère son PDG, Christophe Vandeputte qui souligne que ce lancement, est l’aboutissement de quatre années de discussions ». Selon les sources, il devrait s’adresser à entre 2 000 et 5 000 personnes.
Un médicament très attendu.
Le dossier était difficile puisque le cannabis était écarté de la pharmacopée française depuis 1953. Il a donc fallu que la ministre de la Santé, convaincue de l’intérêt de ce type de médicaments pour certains malades, commence par lever l’interdiction par décret. Chose faite, en juin 2013. Le laboratoire a pu alors déposer une demande d’AMM, laquelle a été accordée à Sativex en janvier 2014 dans une indication particulière et limitée : le traitement symptomatique de la spasticité due à la sclérose en plaques, résistante aux autres traitements, chez l’adulte.
L’Académie de Médecine s’était certes prononcée contre, craignant une multiplication des prescriptions hors AMM (sevrage des toxicomanes, nausées des malades en chimiothérapie, manque d’appétit des patients atteints par le VIH). Elle avait aussi insisté sur les risques de dépendance psychique et physique et sur les interactions gênantes avec l’alcool et certains médicaments comme les benzodiazépines. Mais Sativex était déjà commercialisé dans une vingtaine de pays, dont le Canada (depuis 2005) et 17 pays d’Europe tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie, via une procédure européenne dite procédure décentralisée et de reconnaissance mutuelle. « L’attente était grande, comme le montraient les échanges via les réseaux sociaux, les patients atteints de sclérose en plaques souffrant de contractures très invalidantes ne comprenaient pas que le produit ne soit pas encore disponible dans l’Hexagone. Une exception », explique Christophe Vandeputte. « Par ailleurs, les expériences étrangères montraient qu’il était prescrit dans les règles de l’art et que le mésusage était minime ». Le risque de détournement à usage récréatif apparaît notamment limité, le cannabis arrivant plus vite dans le sang quand il est fumé que par spray. Les effets psychoactifs du THC, la principale molécule qui la compose, sont modérés par le cannabidiol, qui lui est associé. L’action du THC est alors moins rapide.
Cela dit, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) va mettre en place un suivi en matière de pharmacovigilance et d’addictovigilance. Les chiffres de vente seront surveillés de près. « La commercialisation de Sativex aura pris du temps, mais elle nous a permis d’avoir des échanges en toute transparence avec la DGS, la HAS et l’ANSM pour qu’il soit prescrit dans les bonnes règles et bénéficie d’un plan de gestion des risques », se félicite le patron d’Almirall France.
400 à 440 euros par mois ?
Pour l’heure, le prix n’est pas encore fixé mais, selon M. Vandeputte, le coût du traitement mensuel (pris en charge par l’Assurance-maladie) ne devrait pas dépasser la moyenne européenne, entre 400 et 440 euros. En revanche, il est établi que la prescription initiale est réservée aux neurologues et aux médecins rééducateurs hospitaliers pour une durée de 6 mois, l’ordonnance ne pouvant, bien entendu, ne peut courir que sur 28 jours. Pour les renouvellements, entre deux consultations de suivi à l’hôpital, le patient peut passer par le médecin généraliste. C’est appréciable pour des patients qui ont du mal à se déplacer. Pour les mêmes raisons, ceux-ci pourront se procurer le médicament en officine et non pas en pharmacie hospitalière. Mais les pharmaciens de ville devront pouvoir conserver les flacons à la fois au frais et en coffre. Des kits d’orientation et d’information spécifiques sont prévus à l’intention des médecins et des pharmaciens de ville ainsi qu’un numéro d’appel vert destiné aux professionnels de santé.
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