QUAND LA DOULEUR survient, il faut avant tout en identifier la cause, puis rechercher le moyen de la soulager rapidement, avec un traitement adapté à visée étiologique et symptomatique. La prescription de l’antalgique tient compte du type de douleurs et des effets indésirables et/ou des contre-indications du traitement, dont la posologie, la fréquence des prises et la durée sont expliquées de façon précise et claire. « En automédication, la difficulté est de bien reconnaître la cause et de savoir si le médicament choisi est bien approprié et utilisé de façon optimale, remarque Jean Bruxelle, président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD). Parfois, par crainte de l’antalgique, le patient préfère laisser évoluer une pathologie non identifiée, il sous-dose ou surdose le traitement, ou en fait un mésusage. Il faut donc poser des préalables pour que le patient puisse recourir à l’automédication en toute sécurité. »
Dialogue personnalisé.
Aujourd’hui, on cherche à faciliter l’accès aux antalgiques et la réglementation évolue pour en permettre un usage direct par l’individu. « En effet, le médicament d’automédication est autorisé et contrôlé pour être utilisé sans consultation ni prescription médicale. Son dosage, son conditionnement et sa notice sont adaptés pour une indication donnée, avec mention de toutes les précautions d’usage et mises en garde nécessaires. D’ailleurs, certains médicaments sont exclus pour des raisons de sécurité », souligne Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé).
L’automédication résulte non seulement de la prise d’un médicament hors du contexte médical, mais d’un comportement à encadrer. « Le libre accès a ouvert en grand la porte à l’automédication, il permet au patient d’aller choisir un produit mais ce choix doit s’accompagner des conseils du professionnel de santé qui engage sa responsabilité », rappelle Alain Delgutte, du conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Un dialogue personnalisé doit s’instaurer entre le patient et le pharmacien, la mise en place d’affiches informatives à proximité d’espaces dédiés, et le suivi du traitement complètent l’accompagnement. Le dossier pharmaceutique (DP) et l’éducation thérapeutique sont également des outils qui valorisent le rôle du pharmacien, élargissent son champ d’action et font du patient le moteur de son traitement.
Pour une automédication responsable.
Actuellement, il faut jouer la transparence. En effet, le malade est plus actif par rapport à sa maladie et à son traitement en raison de la chronicisation des maladies, de la désacralisation du médecin, de l’accès aux connaissances via internet ou les médias, et c’est dans ce contexte que se développe l’automédication. Le patient souhaite participer aux décisions thérapeutiques qui le concernent et disposer d’une certaine autonomie. Lui faciliter le libre accès à certains médicaments implique de lui faire confiance et de reconnaître son expertise. « Être acteur de sa santé ne signifie pas décider seul, c’est un long apprentissage qui suppose d’entrer dans le circuit de l’éducation à la santé, notamment sur la question des interactions médicamenteuses, prévient Sylvain Fernandez-Curiel, du collectif interassociatif sur la santé. Certes, le malade peut tirer des avantages de l’automédication ou du libre accès mais les associations s’interrogent sur les véritables motivations de l’AFSSAPS, de l’industrie pharmaceutique et des pharmaciens. »
Comme l’explique Alain Baumelou, président du groupe de travail Prescription médicale facultative à l’AFSSAPS, l’automédication a des enjeux multiples mais l’enjeu prioritaire reste le patient d’un point de vue de santé publique. Des délistages sont à l’étude au niveau international et ces demandes ne sont pas limitées à des traitements de courte durée, mais concernent des prises en charge globales. Pour le politique, le problème est d’évaluer le rapport bénéfice/risque des déremboursements, au risque d’alimenter un creuset de médicaments anciens. Quant à l’industriel, il doit intégrer qu’il est en prise directe avec le patient, y compris pour la remontée des effets indésirables. L’enjeu pour le pharmacien est de donner la priorité à la formation clinique, et celui du médecin est de prendre connaissance de ces médicaments d’automédication, d’établir de nouvelles relations avec le patient, et de disposer de nouveaux algorithmes décisionnels de prise en charge.
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Françoise Amouroux
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