Projets pluriprofessionnels
Pour Isabelle Geiler, adjointe à Haubourdin (Nord), tout a commencé quand elle est devenue maman. Confrontée aux problématiques liées à l’allaitement, elle se rend compte de la difficulté à trouver les informations qu’elle recherche. Et par la même occasion de son incapacité à aider efficacement les jeunes mamans qui franchissent la porte de la pharmacie en recherche de renseignements pratiques.
« Et ce n’était pas normal, parce que les questions sur le sujet on les avait déjà à l’officine. » De retour à l’officine et passionnée par le sujet, elle aide les futures ou jeunes mamans qui se présentent des questions plein la tête, fiches conseils qu’elle a elle-même rédigées à l’appui. Le succès est immédiat. Avec l’accord de ses titulaires, toute l’équipe est formée à l’accompagnement dans l’allaitement maternel. Pour améliorer son niveau de connaissance, la pharmacienne adjointe passe le diplôme interuniversitaire de lactation humaine et allaitement maternel (DIULHAM) à Lille. « C’est un enseignement très poussé, de plus de 100 heures sur l’année, et très riche puisqu’il s’agit d’un diplôme pluridisciplinaire. Cela m’a permis d’échanger avec des sages-femmes, des gynécologues, des médecins généralistes, etc. Chacun apporte sa pierre à l’édifice car nous ne voyons pas les femmes au même moment de la grossesse ou de l’après-grossesse, nous ne sommes pas toujours confrontés aux mêmes questions. Cette expérience m’a donné l’envie de participer à des projets pluriprofessionnels. »
Elle rejoint le réseau OMBREL (Organisation mamans bébés de la région de Lille), première pharmacienne de cette communauté interprofessionnelle de 800 membres. « On a appris à se connaître, à mener des actions ensemble, à se remettre en question. Aujourd’hui il y a 200 pharmaciens dans ce réseau, dont beaucoup de Lillois. » Avec l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens des Hauts-de-France, des formations ont été proposées dans huit villes du Pas-de-Calais, auxquelles se sont rendus pas moins de 700 pharmaciens. Un succès qui aboutit, en 2015, à la création de pharmallait.fr par l’URPS et le réseau OMBREL, conçu comme un outil pour le pharmacien d’officine accompagnant des (futures) mamans allaitantes. Avant cela, Isabelle Geiler publie en janvier 2013 l’ouvrage « Le Conseil en allaitement à l’officine ». Elle remporte aussi le grand prix de l’engagement dans un réseau de soins des Grands prix de la pharmacie organisés par « Le Quotidien du Pharmacien » en 2011 et le prix CESPHARM 2014. Toujours passionnée par le sujet, Isabelle Geiler se sent parfaitement épanouie dans son rôle d’adjointe ayant impulsé une dynamique nouvelle dans son officine, soutenue par ses titulaires et suivie par toute l’équipe. « Nous avons développé toute une économie autour du sujet, nous avons référencé de nouveaux produits, changé les tire-lait proposés. Et le bouche-à-oreille fonctionne bien. »
Retour d'expérience
Laurent Montreuil est adjoint à Bron (Rhône), enseignant vacataire à la faculté de Lyon et spécialiste des questions d’aromathérapie, phytothérapie et nutrition. Son profil est d’autant plus particulier qu’il est salarié à temps plein dans l’officine de ses parents et titulaire d’un master en éducation thérapeutique et éducations en santé de l’université Paris 13. Tout comme son père s’est spécialisé dans les médecines complémentaires, l’adjoint a passé un DU de phytothérapie pendant sa 6e année de pharmacie à Lyon. « Quand j’ai voulu approfondir mes connaissances en aromathérapie il n’existait pas de formation universitaire dédiée. Je me suis formé pendant huit jours auprès de Dominique Baudoux, pharmacien et dirigeant de Pranarôm, quatre jours avec un ingénieur biochimiste et six jours auprès de deux pharmaciens formateurs. Le but était de ne pas m’enfermer dans une seule vision de l’aromathérapie. » Il n’hésite pas également à suivre les formations proposées par les laboratoires spécialisés et en profite pour affiner ses réponses au comptoir pour apporter des conseils complets. « L’aromathérapie a des solutions à proposer pour la cystite du samedi après-midi ! »
À la faculté de Lyon, son expérience au comptoir et celle de son père intéressent l’enseignante de phytothérapie qui leur propose d’intervenir lors de ses formations pour apporter un retour d’expérience. C’est ainsi que Laurent Montreuil entre en douceur dans l’univers de l’enseignement. Aujourd’hui, il enseigne aux étudiants de 4e année et partage la partie aromathérapie du DU phytoaromathérapie avec un autre pharmacien et un médecin. Avec son père, il participe également à une formation à l’aromathérapie comprise dans le programme général d’enseignement du Collège pratique d’ethnobotanique. « Au comptoir, nous allons au plus simple pour éviter tout mauvais usage avec les huiles essentielles. J’ai enrichi ma palette avec un DU en diététique et nutrition et un master en éducation thérapeutique. J’aborde les patients avec l’intention de les aider à être plus autonomes. » Une philosophie appréciée puisque des patients choisissent cette officine de Bron pour bénéficier de cette expertise particulière. Il s’agit de patients demandeurs de soins dits naturels mais dans un environnement sécurisé et rationnel garanti par un professionnel de santé reconnu. Mais certaines demandes sont difficiles à satisfaire. « J’ai des demandes qui dépassent parfois mes compétences, par exemple lorsqu’il s’agit d’accompagner un patient traité en oncologie. » Le réseau créé naturellement par les rencontres faites lors du DU phytoaromathérapie prend alors toute son utilité puisqu’il draine des professionnels de santé différents : médecins généralistes, médecins et pharmaciens biologistes, sages-femmes, dentistes, vétérinaires…
« L’aromathérapie est une médecine complémentaire qui n’entre pas en concurrence avec la médecine, elle répond à des besoins différents et j’y trouve un intérêt dans ma pratique quotidienne de pharmacien d’officine. Il ne faut pas occulter qu’un Français sur deux utilise des soins naturels, il faut pouvoir lui fournir une information fiable », souligne Laurent Montreuil. Ses rencontres pluriprofessionnelles lui donnent désormais l’envie de poursuivre dans cette voie. La commune de Bron constitue un terreau favorable, les réunions s’y succèdent pour améliorer la coordination des professionnels de santé afin de répondre aux besoins du territoire. Ce qui pourrait aboutir à terme à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). « Un avenir de santé se dessine avec des professionnels qui ont tous envie de travailler dans le même sens. »
Procédures à suivre
Françoise Amouroux est adjointe à Sainte-Hélène (Médoc) et spécialiste de l’assurance-qualité à l’officine. Un domaine qu’elle a abordé par hasard, en remplaçant son titulaire à une réunion. « C’était il y a plus de 20 ans, d’anciens pharmaciens de l’industrie, connaissant donc l’assurance-qualité grâce à leurs précédents postes, s’interrogeaient sur ce qui pouvait être transposable à l’officine. Je découvrais complètement ce sujet et ça m’a plu », se souvient Françoise Amouroux. À l’époque, les officines sont de petites structures à petites équipes où l’information circule oralement. Mais au fil des ans, les structures et les équipes grossissent, le temps partiel se développe, tout comme la réglementation, la substitution… Les procédures écrites vont devenir incontournables. « L’intérêt pour la démarche qualité apparaît dans diverses structures, grâce par exemple au président de l’Ordre des pharmaciens de l’époque Jean Parrot, à Thierry Barthelmé à l’UTIP, à l’Association de pharmacie rurale (APR). » C’est avec l’aval de toute la profession que paraît le guide de l’autoévaluation, axé sur la dispensation, auquel Françoise Amouroux a participé en tant que membre du groupe de travail de la première heure, devenu la Commission qualité Aquitaine pour la pharmacie d’officine (CQAPO). De ce premier éveil de la profession naîtront les formations de l’UTIP PRAQ I (pharmacien responsable de l’assurance qualité) fin 2004 et PRAC II (pharmacien responsable de l’amélioration continue) en 2010, qui sont désormais intégrées à la formation initiale. « L’accompagnement de la démarche est primordial, c’est pourquoi la CQAPO développe des outils pour aider l’équipe à se poser les bonnes questions et à harmoniser ses pratiques. » Dans son officine, Françoise Amouroux a ainsi mis en place les procédures à suivre pour la chaîne du froid, les stupéfiants, la location de matériel. « On a pris l’habitude d’écrire, cela évite l’oubli ou les doublons. Les procédures sont aussi utiles pour les actes qu’on ne fait pas souvent. La semaine dernière, j’ai dû faire une facturation particulière parce que le client était une victime de guerre. Heureusement, j’avais la procédure sous la main ! »
Chercher l'information
Professeur associé à la faculté de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), Vivien Veyrat est adjoint à Mantes-la-Jolie (Yvelines) et pharmacien pompier volontaire. À ce titre, il est aussi le président de l’Alliance des pharmaciens des services d’incendie et de secours (ALPHASIS). De quoi occuper un homme en quête perpétuelle d’activité. « Je participe à la fois à la formation initiale des étudiants et à la formation continue de confrères sur des sujets comme le bilan partagé de médication, la contraception, les interactions médicamenteuses ou les urgences à l’officine. Rien de tel que d’être formateur pour se tenir parfaitement au courant d’un sujet. Cela m’oblige à renouveler mes connaissances et à chercher l’information. » Vivien Veyrat propose ses services en fonction des thématiques, selon ses intérêts et ses connaissances. « Par exemple, je ne vais pas me proposer pour une formation sur les antirétroviraux. J’étais à la pointe sur ce sujet il y a 10 ou 15 ans, ce n’est plus le cas aujourd’hui. » En revanche, il maîtrise parfaitement le bilan partagé de médication pour l’avoir mis en place en pharmacie, tout comme le sujet de la contraception qui l’incite souvent à intervenir lorsqu’une patiente se présente au comptoir à la suite d’un oubli de pilule.
Quant à son engagement comme pharmacien pompier volontaire, elle vient de ses années d’études. « J’ai choisi pharmacie pour la chimie. Chez les pompiers, le pharmacien est un conseiller en matière de risques chimiques. J’ai postulé après ma thèse. » Peu à peu spécialisé sur le risque chimique et biologique, Vivien Veyrat a élargi son champ d’action et intervient sur le terrain. « Ma dernière intervention ? Une déchetterie a sollicité les pompiers après avoir découvert un nuage chimique en vidant une benne. Après évacuation du personnel et mise en place d’un périmètre de sécurité, nous avons identifié le produit, qui se présentait dans des ampoules de verre dont certaines se sont cassées et ont produit ce nuage chimique. » Il s’agissait de tétrachlorure de titane, un produit utilisé par le passé comme fumigène ou agent dispersant des foules. « Les ampoules intactes ont été acheminées au laboratoire central de la police de Paris pour destruction, nous avons neutralisé le reste. »
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3 questions à…
Françoise Amouroux
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