SELON l’hypothèse monoaminergique, c’est une déficience des neurotransmetteurs monoaminergiques (sérotonine, noradrénaline et/ou dopamine) qui est en cause dans la dépression. Ainsi, tous les antidépresseurs interagissent directement ou indirectement avec un récepteur ou une enzyme d’au moins un neurotransmetteur monoaminergique, aboutissant à l’augmentation de son taux et aux effets qui en découlent.
Les ISRS.
Les Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine, ou ISRS, inhibent sélectivement et puissamment la pompe de recapture de la sérotonine au nouveau présynaptique, permettant d’augmenter la libération de sérotonine et d’obtenir un effet thérapeutique par action auprès des récepteurs 5HT1A. Comme ils agissent sur toutes les voies sérotoninergiques dans le corps et le cerveau, des effets indésirables sont observés : agitation, anxiété, troubles sexuels, nausées et vomissements…
Parmi les six ISRS existant sur le marché français (citalopram, escitalopram, sertraline, fluvoxamine, fluoxétine, paroxétine), la sélectivité est toutefois relative et d’autres effets pharmacologiques secondaires (antagonisme muscarinique, inhibition de la recapture de la noradrénaline…) ou pharmacodynamiques (inhibition 2D6 ou 3A4…) peuvent les différencier. On retiendra par exemple que la fluoxétine et la paroxétine sont inhibiteurs du cytochrome 2D6 et la fluvoxamine est un inhibiteur du cytochrome 1A2 : attention donc aux interactions médicamenteuses. Avec les ISRS, attention aussi aux associations augmentant le risque de syndrome sérotoninergique (certaines d’entre elles sont contre-indiquées).
Le citalopram et l’escitalopram sont plus associés à un risque d’allongement du QT que les autres, ce qui a amené l’ANSM à revoir les posologies maximales à la baisse et les contre-indications et interactions contre-indiquées (avec les autres médicaments allongeant le QT).
Les IRSNa.
Les Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline, ou IRSNa (duloxétine, milnacipran, venlafaxine), sont, comme les ISRS, indiqués en 1re intention de l’épisode dépressif caractérisé d’intensité modérée ou sévère. En combinant une forte inhibition de la recapture de la sérotonine et une inhibition de la recapture de la noradrénaline variable selon les antidépresseurs, on obtient une synergie pharmacologique (certains parlent parfois de polymédication intramoléculaire). Les principaux effets indésirables liés à cette classe sont des nausées (par stimulation des récepteurs 5HT3 centraux) et des céphalées, et selon la molécule des sudations (liées à l’effet sur la noradrénaline), une sécheresse buccale, des poussées hypertensives… La duloxétine est de plus un inhibiteur du CYP 2D6.
Mirtazapine et miansérine.
La mirtazapine (Norset) et la miansérine sont des antagonistes α2. Par cette action, elles bloquent le système d’autorécepteurs α2 qui sont un « frein » à la libération de noradrénaline et par cascade de la sérotonine. Le blocage d’autres récepteurs sérotoninergiques (5HT2A, 5HT2C et 5HT3) permet d’éviter des effets indésirables de type troubles sexuels et nausées. En revanche, leur effet antagoniste des récepteurs H1 peut provoquer une somnolence diurne et une prise de poids.
Antidépresseurs tricycliques.
Les antidépresseurs tricycliques agissent à plusieurs niveaux :
- Ils inhibent les pompes de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, permettant d’augmenter les taux de ces neurotransmetteurs ;
- Ils agissent sur les récepteurs muscariniques M1, à l’origine d’effets anticholinergiques de type constipation, vision floue, sécheresse buccale, somnolence ;
- Ils agissent sur les récepteurs histaminiques H1, induisant des effets indésirables de type somnolence, prise de poids ;
- Ils sont antagonistes α adrénergiques, engendrant des étourdissements, une somnolence et une diminution de la pression artérielle ;
- Ils bloquent les canaux sodiques cérébraux et cardiaques (risque d’arythmie).
Du fait de ces effets parallèles, ils ne sont indiqués qu’en 2e ou 3e intention d’un épisode dépressif caractérisé modéré ou sévère, après échec d’un ISRS, IRSNA, ou antidépresseur de la classe des autres antidépresseurs (miansérine, mirtazapine, agomélatine).
Agomélatine.
L’agomélatine (Valdoxan), en stimulant les récepteurs MT1 et MT2 de la mélatonine et en bloquant simultanément les récepteurs 5HT2C dans le noyau suprachiasmatique, est utilisée pour resynchroniser les rythmes circadiens et corriger le retard de phase dans le cycle veille/sommeil qui est altéré par la dépression. En bloquant en plus les récepteurs 5HT2C dans le cortex préfrontal, elle désinhibe la libération de noradrénaline et de dopamine.
En raison des risques d’hépatotoxicité de l’agomélatine, des contre-indications ont été rajoutées en 2012 et une surveillance accrue du bilan hépatique préconisée.
Pourquoi les antidépresseurs n’agissent-ils qu’au bout de quelques semaines ?
Si la quantité de neurotransmetteur augmente vite après le début d’un traitement par un antidépresseur, l’effet clinique est retardé de quelques semaines. Ceci est dû au fait que la disponibilité accrue des neurotransmetteurs aboutit à une désensibilisation progressive des récepteurs postsynaptiques du neurotransmetteur et c’est celle-ci qui serait corrélée aux effets cliniques de l’antidépresseur ainsi qu’à la meilleure tolérance aux effets secondaires.
Pourquoi poursuivre le traitement quand ça va mieux ?
L’efficacité du traitement dépend de deux phases : une phase aiguë de rémission des symptômes (6 à 12 semaines) et une phase de consolidation (4 à 12 mois), ce qui nécessite de poursuivre le traitement au moins 6 mois, souvent un an, pour minimiser le risque de rechute, et de respecter une diminution progressive (en moyenne de 1 à 6 mois).
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Françoise Amouroux
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