« Le dépistage des cancers fait polémique dans la communauté médicale, il apparaît urgent de proposer quelques analyses et orientations permettant à chacun de réaliser un choix plus éclairé sur sa participation ».
Le Pr Hélène Sancho Garnier (ancienne directrice de l’unité « Épidémiologie des cancers » à l’Institut Gustave-Roussy) pose les enjeux du débat qui a eu lieu à l’Académie de Médecine sur le dépistage des cancers. En une demi-journée, les intervenants se sont exprimés sur les arguments en faveur et défaveur du dépistage organisé des cancers.
En préambule, le Pr Sancho Garnier a insisté sur le « non-sens » que représente l’assimilation du dépistage à une prescription individuelle. « Le dépistage est un programme de santé publique, proposé à une population définie et a priori indemne du cancer visé. Son objectif est de réduire la mortalité, voire la fréquence de certains cancers. Cet objectif est fondé sur l’éthique collective ».
À ce titre, tous les cancers ne sont pas logés à la même enseigne. Un dépistage n’a de sens que si les tests à disposition sont fiables ou peu invasifs, et que l’analyse économique est en faveur de la mise en place du dépistage. Un dépistage positif même réalisé avec un outil très sensible et spécifique n’est pas toujours garant d’un meilleur pronostic. Dans le méningiome de l’enfant, par exemple, une découverte précoce n’est pas nécessairement associée à un meilleur pronostic. « L’histoire naturelle de ce type de tumeur est très particulière, explique le Pr Alain Puisieux, directeur du centre de recherche en cancérologie de Lyon. Certaines tumeurs sont d’emblée métastatiques et agressives, alors que des tumeurs métastatiques régressent.
Polémique sociétale et scientifique
Les dépistages du cancer du col de l’utérus (généralisé à partir de 2018) et du cancer colorectal répondent aux critères énoncés dans les débats. Pour le cancer colorectal, la réduction de la mortalité due au dépistage se situe entre 15 à 18 %, grâce au lien direct entre la taille des tumeurs lors du diagnostic et le pronostic.
Le dépistage organisé du cancer du sein, en revanche, fait l’objet d’une controverse sociétale et scientifique. Reposant sur l’invitation systématique des femmes de 50 à 74 ans, il jouit d’une participation de 51,5 %, avec 7 cancers détectés tous les 1 000 dépistages. Pour autant, son impact reste difficile à évaluer. L’utilité même du dépistage organisé est contestée par une partie de la communauté scientifique, comme s’en est fait l’écho le rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne publié en décembre 2016. Les auteurs préconisaient la prise en considération de « la controverse dans l’information fournie aux femmes et dans l’information et la formation des professionnels ».
Pour Catherine Hill, responsable du service d’épidémiologie des cancers de l’institut Gustave Roussy, « le dépistage du cancer du sein est probablement justifié à partir de 50 ans mais le bénéfice ne doit pas être surestimé ni les inconvénients occultés. » Elle rappelle que les chercheurs se livrent à une guerre du chiffre sur le sujet. Selon les travaux du groupe Euroscreen, le taux de surdiagnostic est de 0,5 pour un décès évité. En octobre 2012, une étude demandée par le ministère de la Santé du Royaume-Uni montrait 3 cas de surdiagnostic pour un décès évité, tandis qu’une revue de la littérature menée par le centre Cochrane Nordic l’évaluait plutôt à 10 cas de surdiagnostic pour un décès évité.
Le PSA au pilori
Le débat a été moins vif en ce qui concerne le dépistage du cancer de la prostate qui fait l’unanimité contre lui. L’académicien Gérard Dubois, professeur de santé publique, a dressé un long réquisitoire contre le dosage PSA, considéré comme une porte d’entrée vers le diagnostic du cancer de la prostate. « Deux millions et demi de tests par an, 63 millions d’euros dépensés pour 50 % de sur diagnostic, il faut arrêter le massacre ! » plaide-t-il, en précisant qu’il n’existe « aucun moyen de distinguer les cancers qui vont évoluer de ceux qui vont rester sans manifestation clinique ».
S’il n’est pas favorable un dépistage organisé, le Dr Pierre Conort, du service d’urologie de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) reste plus tempéré à l’endroit du test PSA : « il doit être prescrit après une information médicale. Il sera probablement remplacé par d’autres dosages biologiques, mais pas avant plusieurs années », prédit-il. Pour la prostate comme pour d’autres localisations, l’analyse de l’ADN circulant devrait, dans les années à venir, rebattre les cartes et permettant le repérage des anomalies associées au développement agressif des cancers.
Inégalités d'accès
L'inégalité de l'accès au dépistage n'a pas été occultée des débats de l'Académie. « La pratique du dépistage est toujours plus faible, de 10 à 15 points environ, dans les groupes socialement défavorisés, quelle que soit la façon d'apprécier le statut social », affirme le Pr Guy Launoy, qui dirige l'unité de recherche interdisciplinaire pour la prévention et le traitement des cancers ANTICIPE de l'université de Caen-Normandie.
Pour réduire les inégalités induites par le dépistage, des tentatives comme l'essai randomisé PRADO montrent qu'un accompagnement par des travailleurs sociaux pouvait augmenter de 19 % la probabilité de participation au dépistage du cancer colorectal.
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