Modification de la rémunération, nouvelles missions, évolution de la formation

Les clés pour sortir l’officine de la crise

Publié le 31/10/2011
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Les clignotants de l’économie de l’officine sont au rouge. Mais des solutions pour sortir la tête de l’eau se profilent à l’horizon. En effet, le projet de loi de financement de la Sécu actuellement en discussion devrait permettre de transformer l’essai de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Nouveau mode de rémunération et nouvelles missions indemnisées permettront de ne plus voir l’avenir en noir.
Honoraires de dispensation et services rémunérés devraient donner un nouvel élan à l’économie des...

Honoraires de dispensation et services rémunérés devraient donner un nouvel élan à l’économie des...
Crédit photo : S. toubon

UNE BOUFFÉE d’oxygène. La profession, sur le point d’étouffer, la réclame à cor et à cri. Depuis cinq ans, sous l’effet des plans médicaments successifs, les comptes des officines s’enfoncent chaque année un peu plus dans le rouge. Les chiffres présentés lors la récente Journée de l’économie, organisée par « le Quotidien », confirment cette tendance avec, pour la première fois, une activité en recul (voir notre dossier page 7). « Nos marges ont été tellement comprimées, que l’on ne peut plus investir », se désole Philippe Liebermann, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), dans le cadre du dernier Congrès national des pharmaciens à Bordeaux. Malheureusement, compte tenu de la situation des finances publiques, il y a fort à parier que les tours de vis se poursuivront dans les prochaines années. Même si, comme le souligne le nouveau président du Comité économique des produits de santé, Gilles Johanet, l’effort demandé au poste médicament dans le projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS) pour 2012, n’est probablement « pas renouvelable par son ampleur ».

Consensus politique.

Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire qu’il faut déconnecter la rémunération des pharmaciens du prix et du volume des médicaments. Cette nécessaire évolution fait consensus au sein de la profession, mais aussi du côté des politiques. « Je l’avais évoquée il y a quatre ans lors du Congrès de Saint-Malo », rappelle la députée socialiste de Haute-Garonne, Catherine Lemorton. L’introduction progressive d’une part d’honoraires représente pour cette pharmacienne adhérente à la FSPF, « une révolution dans notre pratique ». Certes, « beaucoup de nos confrères ne sont pas encore prêts, mais beaucoup le font déjà », ajoute-t-elle, affirmant que cette évolution « permettra de montrer que nous sommes des professionnels de santé à part entière ». À droite, on ne dit pas autre chose. « Avec le PLFSS, nous allons essayer de faire un pas, explique le député UMP de l’Essonne, Guy Malherbe. Mais tout se jouera dans la convention avec l’assurance-maladie. » Pour lui, grâce à cette nouvelle rémunération, mais aussi à la nouvelle convention, le pharmacien « va devenir de fait le professionnel de premier recours dans nos communes, nos villes et nos quartiers ». « C’est une vraie dimension nouvelle de la profession, qui va demander beaucoup de formation », indique pour sa part Monique Weber, responsable du département Relations avec les professions de santé à la caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM).

Vers des pharmacies spécialisées ?

Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a été déterminant dans cette réforme de l’exercice officinal, en définissant le principe d’un nouveau mode de rémunération dans le PLFSS 2012. Avant lui, Roselyne Bachelot avait déjà posé une première pierre en inscrivant clairement le champ de compétence du pharmacien d’officine dans sa loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Pour Jocelyne Wittevrongel, vice-présidente de la FSPF, il est important que ces nouvelles missions soient accessibles à toutes les officines. « Il ne faut pas arriver à des pharmacies spécialisées, déclare-t-elle. La porte doit être ouverte à tout le monde. Il faut un cadre national pour que chacun puisse participer. » À l’inverse, Jean-Charles Tellier, président de la section A de l’Ordre des pharmaciens, estime qu’il y aura forcément une spécialisation des officines. « Certains confrères vont se concentrer uniquement sur la vente et d’autres, j’espère la majorité, vont s’orienter vers les services », augure-t-il. Pour lui, le bon laps de temps pour la mise en place de ces services est de trois ans. « Nous avons une formation initiale qui nous permet d’entrer immédiatement dans un certain nombre de nouvelles missions. Pour d’autres, des formations complémentaires seront nécessaires. Mais avant de nous lancer dans les nouvelles missions, il faudra d’abord être sûrs qu’elles seront rémunérées correctement », déclare-t-il.

Quant aux petites structures, avec une équipe réduite, elles pourront elles aussi participer aux évolutions du métier, pense Hervé Breteau, membre du bureau national de l’Association de pharmacie rurale (APR). « Les nouvelles missions sont dévolues à un professionnel libéral puisqu’on touchera des honoraires, on peut très bien imaginer les faire sur rendez-vous, comme travaillent toutes les professions libérales, tel un avocat, un dentiste ou une auto-école », argumente-t-il.

Des missions étendues.

Comment ces nouvelles compétences accordées aux officinaux sont-elles perçues par les médecins ? Pas forcément d’un mauvais œil. Le secrétaire général de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Pierre Levy, reconnaît ainsi que le pharmacien est légitime dans le suivi des patients, pour leur apprendre, par exemple, à se servir d’un inhalateur. « Nous sommes d’accord avec le fait que le médecin ne sait pas ce qu’il se passe entre deux consultations », explique-t-il. Pour le responsable syndical, le suivi de la vaccination peut également être effectué à l’officine, car les patients entre 12 et 25 ans vont rarement chez le médecin. En revanche, Pierre Levy est beaucoup plus réticent quant à la réalisation par le pharmacien de l’injection vaccinale. Alain Morin, inspecteur à l’IGAS* y est, lui, favorable, comme le propose d’ailleurs le rapport auquel il a participé. Il cite l’exemple du Portugal, où les pharmaciens réalisent avec succès ces injections. « Cette mission peut tout à fait être effectuée par les pharmaciens, mais en France ils ne le souhaitent pas particulièrement, car ils ont besoin d’une formation et ne veulent pas s’opposer aux médecins », juge-t-il. Pour Jocelyne Wittevrongel, le problème de la vaccination réside surtout dans la complexité du parcours de soin pour y accéder. « Je fais partie de ceux qui n’ont pas du tout envie de vacciner dans leur officine », affirme-t-elle. « Il y a beaucoup d’autres choses à faire autour de la vaccination, avant de penser à réaliser les injections nous-mêmes », ajoute la vice-présidente de la FSPF.

* Inspection générale des affaires sociales.

D’après des conférences du 64e Congrès national des pharmaciens à Bordeaux.

MÉLANIE MAZIERE, CHRISTOPHE MICAS ET ANNE-GAËLLE MOULUN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2871