« ENFIN ! » diront certains, « catastrophique ! » diront les autres. La réforme de la rémunération cristallise les tensions et divise la profession. Quoi qu’il en soit, après plus de deux ans de négociations, l’avenant introduisant une part d’honoraires dans la rémunération des pharmaciens est signé. Pas par tous les syndicats. Seule la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), organisation majoritaire de la profession avec plus de 59 % des suffrages aux dernières élections aux URPS*, a décidé de parapher le texte. « C’est un grand jour car, après six années de travail, nous aboutissons à un tournant majeur pour la profession », déclare son président, Philippe Gaertner. Il ajoute : « Nous changeons de braquet, la composante "professionnel de santé" du pharmacien est accentuée. » Une orientation qui, selon le président de la FSPF, est attendue par de nombreux confrères. Et Philippe Gaertner de s’inscrire en faux contre ceux qui affirment que la majorité de la profession serait opposée à cette réforme. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) rapporte que plusieurs enquêtes réalisées par ses soins, mais aussi par les pharmaciens de l’Yonne et des journaux professionnels, ont en effet montré que « plus de 90 % de la profession rejette cette réforme de la rémunération et la mise en place d’un euro d’honoraires par boîte ». Pourtant, le président de la FSPF l’assure, lors du tour de France qu’il a effectué, il a certes relevé des inquiétudes de la part des confrères, mais il n’a pas repéré d’opposition majeure à cette réforme. « J’ai rencontré des personnes qui ont compris que ne rien changer nous conduirait dans le mur », indique Philippe Gaertner. « Cette évolution permet une stabilité de la rémunération de l’officine pour les deux ans à venir, dans une période où les baisses de prix sont considérables », explique-t-il.
Une première étape.
« Les honoraires à la boîte ne sont pas une solution adaptée à l’évolution de la profession et de son exercice, estime à l’inverse le président de l’USPO, Gilles Bonnefond, qui a donc refusé de signer l’avenant. Au lieu de déconnecter la rémunération du prix et des volumes, ces honoraires rattachent encore plus la rémunération officinale au nombre de boîtes vendues. » « Ce n’est qu’une première étape », rétorque Philippe Gaertner, la suivante étant la mise en place d’un honoraire par ordonnance. D’ailleurs, fait-il remarquer, l’avenant stipule clairement que « les parties signataires souhaitent mettre en place à moyen terme un honoraire de dispensation par ordonnance, afin de déconnecter davantage la rémunération officinale des volumes des médicaments délivrés ». En fait, argumente le président de la FSPF, le conditionnement du médicament est le paramètre permettant d’être le plus proche de la réalité économique de l’officine et donc de mieux évaluer les effets de la réforme. « Nous avons tout mis en œuvre pour que ce changement soit juste et équitable » entre les pharmaciens, assure-t-il.
Les dangers du plan d’économies.
Mais Gilles Bonnefond n’en démord pas, cette solution est encore moins adaptée dans le cadre du plan d’économies annoncé par le gouvernement. « La FSPF, en signant cet avenant sur la rémunération, accepte finalement ce plan d’économies de 3,5 milliards d’euros sur les médicaments, contre lequel elle a pourtant protesté avec les deux autres syndicats et les collectifs de groupements, insiste le président de l’USPO. C’est dramatique car ce plan va faire mal à la profession et la réforme ne la protégera pas, bien au contraire. » De son côté, la FSPF se veut rassurante : « Les mesures d’économies supplémentaires annoncées par le Premier ministre feront l’objet d’une étude d’impact pour l’économie de l’officine afin que des mesures compensatrices puissent être proposées, le cas échéant, dans le cadre d’un observatoire conventionnel de suivi des honoraires de dispensation. »
N’empêche, selon Gilles Bonnefond, les pharmaciens sont furieux de la signature de cet avenant les conduisant à subir une réforme qu’ils rejettent et qui ne répond pas à leurs attentes. « Nous allons voir comment mobiliser la profession pour continuer à nous opposer à cette réforme », prévient Gilles Bonnefond. Également prête à monter au créneau, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) s’est, elle aussi, abstenue de signer l’avenant, quittant même la séance de négociations avant la fin. « Malgré tous les signaux envoyés par les pharmaciens, alertant sur les dangers d’un honoraire à la boîte pour l’économie officinale, les risques de fermetures de pharmacies et de licenciements, la FSPF a décidé de signer seule l’avenant sur l’honoraire avec l’assurance-maladie », déplore le syndicat présidé par Michel Caillaud. Dans ces conditions, l’UNPF dit entrer « en opposition avec la politique menée par les autorités de tutelle et l’assurance-maladie et soutiendra la profession dans ses actions de mobilisation ».
Pour l’heure, l’avenant a été transmis au ministère de la Santé qui doit maintenant signer un arrêté d’approbation.
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