À la lecture du « Quotidien », nos confrères, y compris ceux de l’Ordre et des syndicats, vivent dans un autre monde. En effet, vu le déficit abyssal de la Sécurité sociale, tout homme politique, de droite comme de gauche, ne pense qu’à diminuer le poste médicaments remboursés et, donc, se fiche de la destinée du pharmacien.
Le maillage géographique des pharmacies est déjà scellé par la perte consentie par l’Ordre de 5 000 à 6 000 « petites » officines, l’ARS redistribuera les cartes (comme c’est bien combiné !). Les médicaments à marge la moins catastrophique sont déremboursés ou à vignettes oranges (ils ne sont plus achetés et la marge reste bloquée) et sont remplacés par des médicaments de sortie hospitalière à haut pouvoir de qualification, avec l’obligation d’avoir un frigo de dimension chambre froide. Ces médicaments font illusion sur le maintien du chiffre d’affaires du pharmacien qui n’a pas l’impression d’avoir perdu de ventes, mais travaille en dessous du seuil incompressible des frais généraux (même les supermarchés ne voudraient pas travailler sur des produits à 10 % de marge ou « dans la limite des stocks disponibles ! »). Les dépenses se sont déplacées de l’hôpital à l’officine de ville et, mécaniquement, les fonctionnaires de l’État accroissent leur pression sur nous.
Certains nous préconisent de se différencier, en termes concrets, faire de la formation continue, faire parti de groupements d’achats, pour donner des conseils gratuits (le mieux par téléphone avec une standardiste pharmacien comme au 15, mais on peut utiliser le DP) et le malade ira acheter sa diététique, son incontinence et un jour ses médicaments au bazar le moins cher, ou mieux, par internet à l’étranger.
Quant à parler des médicaments en EHPAD, ne pensez-vous pas que la comparaison avec l’HAD est flagrante, petites prestations et grands frais avec le déconditionnement ?
Alors que faire ? Dans un premier temps, il faut se former dans la limite des sommes payées enfin par la Sécurité sociale (formation continue conventionnelle ou FCC). Ensuite, faire payer toutes les prestations (la marge actuelle ne nous permet plus la gratuité de prestation), ceci comprend : le conseil sans vente de médicaments (« demandez conseil à votre pharmacien »), en y incluant transmission et commentaires des analyses biologiques, flacon gratuit d’analyse d’urine qui mobilise un diplômé, le DP (le malade y met ce qu’il veut, notre conseil se fait à l’aveugle), la prise de tension artérielle ou le dosage de la glycémie des diabétiques pour certaines pharmacies, l’appareil de défibrillation pour d’autres, la surveillance du carnet de vaccination pour les plus pointus, l’agrandissement des secteurs de gare (et non grève des gardes !), ne pas se battre sur le conditionnement trimestriel (le patient est servi à l’officine 10 minutes tous les 3 mois et non par mois, d’où gain de personnel et si le traitement a changé dans ce trimestre, nous ne nous en plaindrons pas), le tri des champignons (qui peut nous faire courir un risque pénal en cas d’erreur). Et, enfin, surveiller nos impayés, car faire de la délégation de paiement au sourire du patient ne fait pas gagner de la clientèle, mais crée des trous de trésorerie importants. Les purs esprits que nous sommes, vivons du commerce et pas encore d’honoraires (remboursés ou pas par la Sécu) : changeons cela, sous peine de rester dans le monde des bisounours.
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