La dispensation des médicaments à l’unité n’est pas une simple promesse de campagne. Reçus par la ministre de la Santé quelques jours après sa nomination, les syndicats d’officinaux ont eu la confirmation que le projet était toujours d’actualité. Mais Agnès Buzyn leur a indiqué qu’elle cherchait avant tout des solutions aux problèmes de gaspillage de médicaments et d’impact sur l’environnement des traitements non utilisés. Toutefois, rien n’est encore scellé. La ministre « attend des propositions, des alternatives à la dispensation à l’unité », indique ainsi la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Si l’on propose des solutions plus intelligentes, plus efficaces et plus utiles que de prendre une paire de ciseaux, l’affaire sera entendue », pense pour sa part Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Mais quelles alternatives envisager ? « Nous allons réfléchir aux points mis en avant par la ministre », explique le président de la FSPF, Philippe Gaertner. Pour lui, le volet écologique semble plus facile à traiter que celui du gaspillage. « Nous disposons déjà d’un système de récupération des spécialités pharmaceutiques, rappelle-t-il. Peut-être faut-il réorienter la communication pour bien rappeler la nécessité de ne pas laisser traîner les médicaments dans la nature, ou dans les poubelles. » Pour améliorer l’observance, et donc limiter le gaspillage, « nous pourrions mettre sur la table la question de la préparation des doses à administrer (PDA) », avance Philippe Gaertner. Selon lui, la PDA, qui s’apparente pour partie à une dispensation à l’unité, pourrait être envisagée pour un certain nombre de personnes. Mais « cela nécessite une réflexion approfondie, notamment sur les aspects de la tarification et de la traçabilité », souligne le président de la FSPF.
Une nouvelle organisation
Pour l’heure, il attend des consignes claires sur les objectifs poursuivis et sur les volontés politiques. Dès lors, « nous pourrons dire ce que la pharmacie d’officine est en capacité de faire », explique Philippe Gaertner, car dispenser à l’unité représente une nouvelle organisation pour les pharmaciens. En outre, le président de la FSPF n’est pas sûr que les patients qui plébiscitent la vente à l’unité comprennent qu’ils seront obligés de déposer leur ordonnance et de revenir chercher leur traitement plus tard. « Cela ne se fera pas au comptoir, insiste-t-il. Il faut donc échanger avec ceux qui souhaitent cette évolution et regarder ce qui est potentiellement réalisable ou non. »
De son côté, Gilles Bonnefond n’en démord pas, la dispensation à l’unité est « une fausse bonne idée ». À la place, le président de l’USPO propose de travailler avec les médecins afin de mieux adapter la durée des prescriptions au traitement de certaines affections, en particulier pour les antibiotiques. « Il faut étudier dans quelles conditions le pharmacien peut préciser la durée du traitement pour éviter de délivrer trop ou pas assez de médicaments », explique-t-il.
Optimiser la dispensation
Comme Philippe Gaertner, Gilles Bonnefond estime que l’amélioration de l’observance est une piste à creuser. Pour cela, le président de l'USPO mise sur la future convention avec l’assurance-maladie actuellement en discussion. À ses yeux, celle-ci doit inclure toute une série de dispositifs allant dans ce sens, tel le bilan de médication. « L’objectif est de lutter directement contre l’inobservance et le fait que les patients stockent chez eux des médicaments non utilisés », précise-t-il.
De même, il souhaite réfléchir, avec l’assurance-maladie, aux moyens d’optimiser la dispensation de médicaments afin que le patient se voie remettre la juste quantité adaptée à ses besoins. Notamment, pour les malades chroniques dont les ordonnances contiennent fréquemment des spécialités contre la constipation ou la douleur. « Pour ces traitements, qui ne correspondent pas à la pathologie chronique, comment peut-on adapter le renouvellement du traitement ? » s'interroge Gilles Bonnefond. Enfin, le président de l’USPO, table lui aussi sur la PDA pour améliorer l’observance. « Quand un patient n’arrive pas à prendre correctement son traitement, il serait utile que le pharmacien puisse préparer des semainiers », indique-t-il. « Ce sont des pistes qui doivent être débattues avec la ministre pour ne pas aller vers la paire de ciseaux et les médicaments en vrac », insiste Gilles Bonnefond.
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