ATTENTION DANGER. Deux dispositions du projet de loi relatif à la consommation porté par Benoît Hamon inquiètent au plus haut point les ophtalmologistes. Au point que le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), la société française des ophtalmologistes adaptateurs des lentilles de contact (SFOALC) et l’académie française d’ophtalmologie (AFO) tirent la sonnette d’alarme.
Le texte de loi (qui n’a pas fini son parcours parlementaire) prévoit que les ordonnances de lunettes resteront valables et adaptables 5 ans (au lieu de 3), sauf opposition du prescripteur. « La lunette n’est pas un bien de consommation banal, c’est un produit médical », met en garde le Pr Béatrice Cochener, présidente de l’Académie française d’ophtalmologie (AFO). À partir de 40 ans, des pathologies sérieuses peuvent apparaître. « 36 % des patients qui viennent en rendez-vous pour renouveler leur ordonnance, se voient diagnostiquer un autre problème médical, ces consultations permettent un diagnostic efficace », ajoute la spécialiste.
En faisant reposer le suivi oculaire sur les opticiens, la loi ferait courir des risques pour la santé publique, explique le Pr Cochener. Le praticien cite l’exemple d’un patient de 50 ans, qui constatant que sa vue a brutalement baissé, se rend chez son opticien qui lui vend de nouvelles lunettes. Six mois plus tard, il consulte un ophtalmologiste en urgence, un œil quasi-aveugle. Souffrant d’un mélanome de la choroïde volumineux, son œil doit lui être retiré.
Facteurs de risques multipliés.
Dans le même registre, l’adaptation des lentilles de contact, jusqu’à présent réservée aux médecins, pourrait sortir du champ médical et être confiée aux opticiens. « Les lentilles sont des prothèses médicales pouvant entraîner des pathologies variées de la surface oculaire dont certaines très graves comme les abcès cornéens », explique le Dr Évelyne Le Blond, présidente de la Société française des ophtalmologistes adaptateurs des lentilles de contact (SFOALC). À l’avenir, des patients pourront, si la loi est adoptée, acheter des lentilles de contact sans même avoir l’ordonnance d’un ophtalmologiste. « L’adaptation des lentilles par l’ophtalmologiste divise par huit les risques de kératite bactérienne », ajoute le Dr Le Blond. Or, le port de certaines lentilles cosmétiques (de couleur, notamment) multiplie les facteurs de risques. « Si l’achat n’est pas encadré sur Internet, cela va être une catastrophe pour les jeunes », met en garde la présidente de la SFOALC. « La lentille n’est pas perçue comme un objet dangereux mais selon une récente étude, 500 abcès de la cornée ont été recensées dans 21 CHU les deux dernières années ».
La profession reste mobilisée. « Si cette loi passe, il y aura tellement d’accidents qu’on reviendra en arrière », met en garde le Dr Jean-Bernard Rottier, président du SNOF. Le syndicat a alerté les parlementaires et jusqu’au Premier ministre pour obtenir gain de cause.
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