Promiscuité, sorties limitées, manque de liberté… le premier confinement a exacerbé les violences conjugales.
De fait, le portail de signalement des violences sexuelles ou sexistes* avait enregistré une hausse de 40 % des appels des victimes par rapport à la normale. Pire, pendant le deuxième confinement, les signalements ont augmenté de 60 %. En parallèle, un dispositif d'alerte en officine a été mis en place dès mars 2020. Plusieurs outils d’information et de communication - dont une « fiche réflexe », une liste de contacts utiles, des affiches – ont été mis à disposition des officinaux sur le site du Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (CESPHARM). « Nous avons notamment conçu un document A4, recto/verso, téléchargeable sur le site du CESPHARM, expliquant les modalités de saisine des forces de l'ordre par les pharmaciens, face à des signalements de violences intrafamiliales », indique Alain Delgutte, membre du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) et référent Europe pour le CNOP.
Le rôle clé de l'officinal
Ouverte sur une large amplitude horaire, y compris en période de confinement, l'officine est un lieu d'accueil adéquat pour les personnes en détresse, devant être protégées de leur agresseur. Professionnel de santé de premier recours, disponible sans rendez-vous, le pharmacien est amené à rencontrer de potentielles victimes ou des témoins de violences conjugales. Face à une personne se présentant en pharmacie et relatant les violences subies ou observées au sein de son foyer, le pharmacien doit se montrer rassurant, bienveillant, à l'écoute. Il doit installer la victime dans un espace de confidentialité et recueillir, avec son accord, les informations la concernant (identité, adresse, coordonnées téléphoniques).
Toujours avec le consentement de la victime, il peut composer le 17 afin de la mettre en relation avec les forces de l'ordre. Si la victime ne souhaite pas l'intervention de ces derniers, l'officinal peut lui remettre un flyer** au format de carte bleue comprenant toutes les informations utiles pour être protégé en cas d'urgence. Il peut également lui conseiller d'appeler, pour une aide, un professionnel de santé : médecin traitant, infirmière ou sage-femme pour une femme enceinte… Ou encore, de contacter le 15, un avocat ou une association s'occupant des personnes victimes de violences. L'officinal doit aussi rappeler les coordonnées des forces de l'ordre (17) ou leur accessibilité par le biais de la plateforme des violences sexuelles ou sexistes ainsi que les numéros d'appels 3919 (pour les victimes adultes ) et 119 (pour les enfants en danger).
Un signalement possible sans l'accord de la victime
Face à la recrudescence des signalements observés dès le premier confinement, une loi a été mise en œuvre en juillet dernier pour permettre aux professionnels de santé, dont les pharmaciens, de déroger au respect du secret professionnel en cas de suspicion de violence conjugale. En effet, ces derniers peuvent désormais signaler la situation au procureur de la République sans l’accord obligatoire de la victime. « Pour cela, il faut que le pharmacien ait estimé, en conscience, que les violences subies mettent la vie de la victime en danger immédiate et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger (contrainte morale, emprise de l'agresseur…) », précise Alain Delgutte. Quoi qu'il en soit, l'officinal doit d'abord tenter d'obtenir l'accord de la victime. Ce n'est qu'en cas de refus, lorsque le danger semble imminent et que l'intégrité de la victime est en question, qu'il peut informer le procureur sans le consentement de la personne. Ce dispositif de signalement en officine est encouragé par l'Ordre national des pharmaciens. « Nous n'avons pas de résultat chiffré sur l'implication des officinaux car ceux-ci n'ont aucune obligation de nous faire un retour sur les victimes qu'ils ont accompagnées. Mais, globalement, le dispositif, a été bien accueilli par les pharmaciens, conscients de leur rôle d'écoute et de protection des personnes en danger », conclut Alain Delgutte.
* www.signalement-violences-sexuelles-sexistes.gouv.fr.
** Ce flyer est disponible sur le site du CESPHARM, à la fin du document A4 mentionnant les modalités de saisine des forces de l'ordre.
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