CES DERNIÈRES semaines, le médicament s’est retrouvé au centre de dramatiques affaires. Sans pourtant en être le coupable. Il y a d’abord eu le décès d’un enfant de trois ans, Yliès, la vieille de Noël, à la suite d’une invraisemblable succession de négligences humaines. Le modèle bien connu du fromage suisse pour éviter le risque iatrogène a ici complètement explosé (voir encadré). En effet, selon les derniers éléments de l’enquête, l’injection fatale de chlorure de magnésium, au lieu d’un sérum glucosé (B46), est la conséquence d’abord d’une erreur de livraison du produit à la pharmacie de l’hôpital, puis d’un défaut de contrôle à la réception de la commande ; ensuite, une seconde erreur de livraison, dans le service cette fois-ci, intervient, avant qu’une infirmière commette à son tour une erreur en omettant de vérifier l’étiquette du flacon. Un flacon qui, d’ailleurs, n’avait rien à faire dans un service de pédiatrie. Incroyables bévues.
Quelques jours plus tard, le 1er janvier, c’est une autre erreur humaine qui coûte la vie de Louis-Joseph, un nourrisson de six mois. Hospitalisé dans un établissement des Yvelines dans l’attente d’une greffe de l’intestin, il devait régulièrement être perfusé. Lors d’un changement de poche de substitut alimentaire, l’auxiliaire puéricultrice programme un débit de perfusion 100 fois supérieur à la normale. L’infirmière, très grippée ce jour-là, valide l’opération par mégarde. Lorsque l’autre équipe s’aperçoit du surdosage, il est déjà trop tard. Le nourrisson décède le lendemain. Là encore, le produit n’y est, en tant que tel, pour rien.
Jeux interdits.
Ce n’est pas le cas dans l’affaire des herboristes chinois qui viennent d’écoper de peines de prison allant de six mois avec sursis à huit mois ferme et à des amendes de 2 000 à 15 000 euros pour « exercice illégal de la profession de pharmacien » et « détention de marchandises importées en contrebande ».
Les individus, qui possédaient quatre boutiques réparties dans les IIIe, XIe et XXe arrondissements de Paris, revendaient des « traitements amaigrissants » interdits en France à base d’éphédra. Déjà, en novembre dernier, plusieurs gérants d’une autre boutique du même genre, eux aussi d’origine chinoise, avaient été mis en examen pour « administration de substances nuisibles ayant entraîné la mort sans intention de la donner », après le décès à Sevran (Seine-Saint-Denis) d’une femme qui avait ingéré des gélules amaigrissantes achetées chez eux.
Cette affaire, aussi triste soit-elle, montre encore une fois l’intérêt de la chaîne de distribution sécurisée que constituent les officines françaises. Si cette chaîne protège les citoyens de la dispensation de produits dangereux, elle leur évite également l’absorption de produits contrefaits. En 2007, on recensait pas moins de 4 millions de faux médicaments en Europe. Pas un seul ne s’est retrouvé dans les tiroirs des pharmacies françaises. Pourtant, les spécialités contrefaites transitent bien par l’Hexagone : 800 000 boîtes de faux médicaments ont été saisies par les douanes françaises en 2007.
L’arme DP.
La contrefaçon est aussi la hantise des laboratoires pharmaceutiques. Le groupe sanofi-aventis est bien décidé à endiguer ce phénomène qui prend de l’ampleur. Il vient ainsi de se doter d’un laboratoire central anticontrefaçon (LCAC) à Tours, le premier du genre en Europe.
Cependant, malgré les systèmes mis en place, les risques liés à l’utilisation des médicaments peuvent encore provenir, comme on l’a vu dans les récents drames survenus à l’hôpital, d’une erreur humaine. Ils rappellent au pharmacien que la délivrance d’une ordonnance mérite une vigilance de tous les instants. Personne n’est à l’abri d’une confusion dans la lecture d’un nom de médicament ou d’une mauvaise interprétation d’une association médicamenteuse malheureuse. Mais la profession a des ressources, et cherche toujours à sécuriser davantage la dispensation. Le dossier pharmaceutique (DP), dont la généralisation à l’ensemble de l’Hexagone vient d’être autorisée par la CNIL*, en est le parfait exemple. Outil de lutte contre l’iatrogénie, les redondances de prescription et les interactions médicamenteuses, le DP est aussi une formidable arme contre la contrefaçon. Grâce à lui et aux nouveaux codes-barres DataMatrix incluant le numéro de lot, il sera en effet prochainement possible de suivre une boîte de médicaments depuis le fabricant jusqu’au domicile des patients. Qu’on se le dise.
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