L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a annoncé hier avoir rejeté une demande de recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour l’ivermectine dans le Covid-19. Une décision qui s’ajoute aux injonctions de l’Agence européenne du médicament (EMA), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de ne pas utiliser cette molécule dans le Covid-19 hors essais cliniques.
C’est décidément non. Malgré le battage sur les réseaux sociaux autour de l’ivermectine, cette molécule ne doit pas être utilisée dans le Covid-19. À ce jour, rappelle l’ANSM, aucune donnée publiée ne permet « d’étayer un bénéfice clinique de l’ivermectine quel que soit son contexte d’utilisation, en traitement curatif ou en prévention de la maladie COVID-19 ». Dans un long courrier adressé à Me Jean-Charles Teissedre, qui avait saisi l’ANSM le 28 décembre au nom d’une association et de professionnels de santé, l’agence développe les raisons de son refus d’accorder une RTU à l’antiparasitaire. Elle rappelle en premier lieu qu’une RTU peut être accordée uniquement s’il « résulte de l’évaluation des données disponibles qu’un bénéfice risque favorable puisse être présumé », ce qui n’est en l’état pas le cas.
Si des études in vitro ont suggéré un effet antiviral de l’ivermectine sur le SARS-CoV-2, « avec néanmoins des réserves sur les doses requises en clinique pouvant largement excéder les doses thérapeutiques dans le cadre de l’AMM », les données sur modèle animal sont déjà moins favorables. L’analyse des études cliniques menées dans le monde – souvent de petite taille et/ou observationnelles et/ou monocentriques – n’est pas non plus concluante. Ce n’est donc pas un hasard si le HCSP le 27 février, l’EMA le 22 mars, la FDA le 5 mars et l’OMS le 31 mars ont tous recommandé de ne pas utiliser l’ivermectine dans le Covid-19 « quel que soit le niveau de gravité ou de durée des symptômes ». L’ANSM rappelle que des essais sont en cours au niveau international, « dont un essai autorisé en France » et que sa décision pourra être révisée en fonction des résultats obtenus.
Néanmoins, l’agence souligne qu’outre l’efficacité, la sécurité de l’utilisation de l’ivermectine devra aussi faire ses preuves. Ses effets secondaires sont connus dans l’utilisation actuelle de son AMM (des atteintes hépatiques et très rarement des atteintes cutanées de type nécrolyse épidermique toxique et syndrome de Stevens-Johnson) et une toxicité neurologique incluant convulsions et paresthésie a été rapportée en cas de surdosage. Or « le schéma posologique requis pour l’obtention d’un bénéfice clinique » dans le Covid-19 n’est d’une part « pas déterminé » et d’autre part il met en jeu des « doses bien supérieures à celles de l’AMM » dans la littérature disponible.
En conclusion, « en raison des données disponibles à ce jour, nous ne pouvons pas répondre favorablement » à cette demande de RTU, mais, rappelle l’ANSM, cette décision « peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de sa réception ». En outre, « conformément à la liberté de prescription des médecins », toute spécialité peut être prescrite hors AMM « au cas par cas » et « sous la responsabilité des médecins ». Un hors AMM que les pharmaciens subissent depuis un an déjà…
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