Le Quotidien du pharmacien.- Quel bilan peut-on tirer de cette rentrée 2023 ?
Vincent Lisowski.- Il y a plus de 470 places vacantes en deuxième année de pharmacie, c'est donc moins catastrophique que l'an dernier mais ce n'est pas une bonne nouvelle pour autant. Le déficit se creuse alors que la profession fait déjà face à un problème démographique important. Le nombre insuffisant d'étudiants en pharmacie ces deux dernières années aura des répercussions très négatives. De plus, nous voyons encore beaucoup d'étudiants qui choisissent la filière par défaut. Nous sommes peut-être un peu moins inquiets que l'an dernier parce que les bancs sont un peu plus remplis, mais les problèmes de fond sont toujours les mêmes.
Le nombre de places vacantes en deuxième année est tout de même inférieur à celui de l'an dernier, comment expliquer cette « amélioration » toute relative ?
Nous avons ouvert moins de places que l'an dernier sur l'ensemble des UFR, c'est la première explication. Cela dit, les universités, qui avaient largement sous-recruté l'an dernier, ont également fait un gros travail pour répondre à ce problème, avec des résultats hétérogènes selon les établissements. Grâce au dispositif « Passerelles », nous avons également pu déroger au flux en recrutant des étudiants sur des listes complémentaires.
L'objectif « zéro place vacante en 2024 » vous semble-t-il atteignable ?
Je l'espère mais, pour la pharmacie, nous nous positionnons aujourd’hui sur une perspective de sous-recrutement pour l'année prochaine. Peut-être que des dispositifs supplémentaires seront mis en place d'ici là pour nous aider à contrer ce problème de recrutement. Nous espérons notamment pouvoir accueillir de nouveaux profils d'étudiants via les dispositifs « Passerelles ». Ce qui est positif c'est qu'une vraie dynamique s'est enclenchée autour de la question de l'attractivité de la filière. Une prise de conscience s'est opérée au niveau de l'ensemble des acteurs de la pharmacie.
De nombreux étudiants partent à l'étranger pour suivre des études de pharmacie, ce phénomène s'est-il encore amplifié cette année ?
Nous savons que les universités belges s'en plaignent, qu'il y a un flux important d'étudiants qui vont en Espagne… Le phénomène est réel et nous préoccupe, mais il est impossible à quantifier. Personne n'a de chiffres, ni moi, ni le ministère.
La réforme de l'entrée dans les études de santé est toujours aussi critiquée, faut-il s'attendre à des changements ?
Un rapport a été commandé à la Cour des comptes pour évaluer la réforme. Il ne sera pas rendu avant fin 2024. Le ministère de l'Enseignement supérieur attend de connaître les préconisations de ce rapport avant d'envisager toute modification. Quoi qu'il arrive, ce ne sera donc pas avant la rentrée 2025.
Le président de la conférence nationale des doyens des facultés de médecine (le Pr Veber) a récemment fait plusieurs propositions : limiter le nombre de L.AS, revoir le système de notation… Êtes-vous en phase avec ces préconisations ?
La réforme est très complexe et c'est sans doute en partie pour cela qu'elle est toujours difficilement acceptée par les étudiants. Ils ont par exemple du mal à comprendre que la L.AS est une vraie solution pour aller ensuite vers des études de pharmacie. Je ne suis pas pour ou contre les propositions du Pr Veber. Ce que je peux dire c'est que supprimer des L.AS non scientifiques c'est aller à l'encontre de l'esprit de la réforme et de la volonté de diversification des profils. Dans mon université, nous recrutons des étudiants qui ont fait une L.AS avec une majeure en droit ou en psychologie et qui réussissent ensuite. La réforme au aussi permis de mettre fin aux redoublements que l'on connaissait au temps de la PACES ; sur ce dernier point c'est plutôt une réussite.
Où en est l'idée de permettre aux étudiants de choisir la filière pharmacie dès l'inscription sur Parcoursup ?
Le ministère nous a confirmé que cet ajustement n'était pas possible, sauf à sortir du cadre de la réforme. Sur ce point également rien ne pourra éventuellement changer tant que nous ne connaîtrons pas les conclusions du rapport de la Cour des comptes.
Quelles sont vos priorités pour l'année universitaire qui vient de s'ouvrir ?
Pour la conférence des doyens de pharmacie, la réforme du 3e cycle court des études de pharmacie (R3C) est notre priorité. Il faut enfin que nous réussissions à la faire aboutir avec les ministères pour la rentrée de septembre 2024. Au côté de l'ANEPF et des syndicats, nous avons été conviés à une réunion à ce sujet à l'Élysée en juillet. Depuis, le dossier est au point mort. Cette réforme est pourtant essentielle. Elle doit mettre en place les DES courts officine et industrie avec une amélioration de la rémunération et du statut des étudiants. Les questions de l'indemnité d'hébergement, du 2e DES et du statut MSU (maître de stage des universités) sont aussi sur la table. Ces futurs professionnels méritent une meilleure reconnaissance à l'heure où leurs missions de prise en charge des patients se déploient sur le plan territorial.
Notre deuxième priorité, c'est l'universitarisation du diplôme de préparateur, avec la création d'une troisième année qui viendra compléter le DEUST, mais avec un niveau d'exercice différent en officine ainsi que la réingénierie des préparateurs hospitaliers. Nous travaillons activement sur ce sujet avec les syndicats.
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