Mis en place au mois de mars, le dispositif de distribution par l'État des masques et de certains équipements de protection individuelle (EPI) aux acteurs des secteurs sanitaire et médico-social a pris fin lundi 5 octobre, comme l'avait annoncé le ministère de la Santé au cœur de l'été. Dès lors, « tous les professionnels de santé du secteur ambulatoire doivent s’organiser pour être en capacité de s’approvisionner de manière autonome ». Ils sont, depuis plusieurs semaines, invités « à constituer un stock de sécurité de masques chirurgicaux et FFP2 et autres EPI nécessaires à la prise en charge de patients Covid (gants, blouses, charlottes, tabliers, lunettes) correspondant à 3 semaines de consommation en temps de crise épidémique ».
C'en est donc fini de la distribution du stock géré par Santé publique France et par les grossistes-répartiteurs. Mais les pharmaciens peuvent toujours écouler, jusqu'au 30 octobre, les masques issus de ce stock en appliquant la tarification en vigueur ces derniers mois, soit 2 euros l’acte et 1 centime par masque pour le traçage.
Des tensions localisées et (quelques) retards de livraison
Il n'y a pas à l'heure actuelle de réelle inquiétude quant au niveau des stocks, malgré l'existence, il est vrai, de quelques tensions localisées et retards de livraisons ces derniers jours, comme le relèvent certains grossistes-répartiteurs. Président de Phoenix Pharma, Jean Fabre le confirme : « Comme la plupart de nos concurrents, nous enregistrons des retards de 15 jours environ des prestataires qui livrent pour le compte de l'État. Ce qui s'explique par les volumes énormes qu'ils doivent gérer et des "tensions ponctuelles" mais pas de réelles ruptures, dans certaines régions de l'Ouest et du Sud-Ouest, certainement dues à la reprise de l'activité Covid et aux craintes qui peuvent conduire à stocker davantage par mesure de précaution ». Des situations que les grossistes-répartiteurs peuvent résoudre, en cas d'aggravation localisée, par des transferts entre leurs différents établissements. Avec les retards de livraison des stocks d'État, deux arrivages de masques de Santé Publique France sont encore attendus, dont un dans le courant de la semaine ; livraisons qui auront donc lieu alors que le dispositif d'approvisionnement par l'État a pris officiellement fin le 5 octobre.
L'OCP, dont la moitié des établissements était en difficulté d'approvisionnement sur les masques du stock État aux premiers jours d'octobre, souligne néanmoins que ces difficultés étaient prévisibles. « Il y a des tensions localisées en PACA, en Rhône-Alpes, un peu en Ile-de-France, mais la situation est globalement bonne si on l'évalue au niveau national, précise Clotilde Larrose, directrice des affaires publiques et de la communication institutionnelle de l'OCP. Les tensions sont de toute façon à relativiser, nous sommes en pleine transition entre deux systèmes, il fallait s'y attendre. Certaines zones sont plus ou moins bien loties, la demande est aussi plus élevée dans quelques régions. Il suffit qu'un pharmacien anticipe moins, commande 2-3 jours après ses confrères et il peut être contraint d'attendre un peu avant d'être livré », analyse-t-elle. L'OCP ne redoute pas de difficultés majeures pour s'approvisionner dans les semaines à venir. Clotilde Larrose estime simplement que le stock État, dont l'écoulement est possible jusqu'au 30 octobre, ne tiendra pas jusque-là.
Prêts pour la bascule
Les grossistes sont d'ailleurs prêts pour la bascule vers un approvisionnement classique. « Les masques n'étaient pas, jusqu'alors, un marché qui passait par la répartition pharmaceutique. Mais nous en avons en stock prêts à être livrés grâce à de nouveaux fournisseurs sérieux et aux reins solides, répondant à des règles strictes de qualité, comme nous l'exigeons de tous nos fournisseurs », précise Jean Fabre. Reste à savoir si les besoins des pharmaciens seront de même niveau maintenant que les professionnels de santé doivent s'approvisionner de manière autonome et peuvent donc choisir leur circuit d'achat. En tout état de cause, la chambre syndicale des groupements et enseignes FEDERGY, qui avait ouvert en mai dernier la « route de la pharmacie » et avait ainsi importé 40 millions de masques commandés par plus de 2 000 officines, se tient prête à relancer la machine. « Avec 17 millions de patients éligibles aux masques remboursables, la pharmacie doit s'organiser. On s'y prépare afin d'être capable de proposer une solution d'ici à huit jours », indique Alain Grollaud, président de FEDERGY.
Une situation de rupture sur les masques chirurgicaux semble donc assez improbable dans un avenir proche. S'il ne se fait pas trop de souci sur ce point, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), s'interroge plutôt sur la question du prix, pour la délivrance de masques à certaines catégories de patients à risque. Les masques commandés par les officines depuis le 5 octobre font en effet l'objet d'une nouvelle tarification, précisée par arrêté. Ils resteront pris en charge à 100 % par l'assurance-maladie afin d'assurer la gratuité pour les personnes positives au Covid-19, les cas contacts et les patients à haut risque médical. Sur prescription, ces derniers pourront bénéficier d'une boîte de 50 masques pour une durée d'un mois.
Quid du prix du masque à long terme ?
Selon Philippe Besset, « pour la période du 4 octobre au 1er décembre, le prix coûtant par masque sera de 0,32 euro. Puis un arrêté prévoira que ce prix soit dégressif au fil du temps pour atteindre in fine le niveau de 2019. » Soit environ 10 centimes. Le président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) n'a pas non plus de doutes quant à l'approvisionnement qui « paraît assez régulier », selon ses mots, même si des tensions peuvent parfois être observées. Pour Gilles Bonnefond, c'est davantage sur la qualité des masques qu'ils achèteront désormais que les officinaux vont devoir se montrer vigilants. « Les pharmaciens vont être confrontés à des prix très compétitifs. Nous vendons des masques à des patients qui souffrent de certaines pathologies, qui sont vulnérables… donc il faudra s'assurer qu'il n'y a pas de tromperie sur les normes et faire très attention avec les achats sur Internet. On ne peut pas faire comme la grande distribution et proposer des "masques faciaux" qui ont des coefficients de filtration insuffisants. »
Qualité et prix, associés au respect des délais de livraison, seront donc les principaux points de vigilance de l'approvisionnement en masques des pharmacies, en particulier si elles choisissent des circuits directs ou des plateformes d'achat sans spécialisation dans la logistique propre aux produits de santé.
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