À l’étranger, les concepts de « full » et de « short liner » désignent deux types de grossistes-répartiteurs. En droit français, cette distinction n’existe pas, les grossistes-répartiteurs sont forcément des « full liners » de par les obligations de service public qui leur sont imposées à travers le code de la santé publique et les autorisations que leur délivre l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour qu’ils puissent exercer leurs activités. Mais les inspections menées par l’Agence mettent en évidence des entreprises ayant le statut de grossiste-répartiteur qui ne répondent aucunement à ces obligations. Ce qu’on désigne hors frontière par le terme de « short liner ».
Face aux risques de santé publique engendrés par ces acteurs, l’ANSM durcit sa position et multiplie les actions. L’offensive était déjà perceptible dans un document de novembre dernier présentant un bilan des inspections des grossistes-répartiteurs de 2010 à 2017. Elle se précise ce lundi 6 mai avec la publication d’un point d’information intitulé « Grossistes-répartiteurs : l’ANSM prend des mesures à l’encontre des short liners ». Car au-delà des enjeux économiques pour les grossistes-répartiteurs, concurrencés de manière inéquitable, les conséquences peuvent être lourdes en termes de ruptures de stock, de complication de la traçabilité et de risques d’introduction de médicaments falsifiés dans le circuit légal (voir « Le Quotidien du pharmacien » n° 3482 du 12 décembre 2018).
Suspicion
Les inspections que mènent les agences régionales de santé concernent les 340 établissements de distribution en gros répartis sur le territoire, dont 230 grossistes-répartiteurs, parmi lesquels on distingue sept acteurs majeurs : OCP, Alliance Healthcare, CERP Rouen, CERP Rhin Rhône Méditerranée, CERP Bretagne Atlantique, Phoenix Pharma et Sogiphar. S’y ajoute une cinquantaine d’autres acteurs possédant une à deux agences. « On peut suspecter que ce sont des short liners. Les obligations de service public pèsent sur la société et non sur chaque établissement, il semble donc plus simple de les respecter pour un acteur qui a 30 ou 70 agences plutôt que pour celui qui en a une ou deux. Mais on ne peut a priori pas dire que ce sont des short liners, seule une inspection le permet », explique Mélanie Cachet, cheffe de pôle Inspection des produits pharmaceutiques et lutte contre les fraudes de l’ANSM.
Une suspicion qui conduit néanmoins les ARS à cibler leurs inspections. En 2018, comme les années précédentes, une trentaine d’établissements ont été inspectés, « dont dix que nous pouvions suspecter d’être des short liners », précise Mélanie Cachet. Au final, l’ANSM a prononcé cinq injonctions à l’issue d’une procédure contradictoire en vue d’une régularisation dans un délai déterminé. « Le plus souvent, les entreprises parviennent à se mettre en conformité. Dans de rares cas, elles ferment. Enfin, certaines demandent un changement de statut de grossiste-répartiteur pour celui de distributeur en gros à l’exportation », détaille la cheffe de pôle. Dans ce dernier cas, ces entreprises perdent un atout essentiel : les laboratoires ont l'obligation d'honorer les commandes des grossistes-répartiteurs, et non celles des distributeurs en gros à l'exportation.
480 000 euros d'amendes
En 2018, l’ANSM a aussi prononcé 5 sanctions financières qui ont fait suite à des injonctions de 2017, pour un montant total de 480 500 euros. Ces amendes sont versées au Trésor public et sont mentionnées pour une durée d’un mois sur le site de l’ANSM. L’injonction et la sanction financière sont des mesures administratives récentes que l’agence peut mettre en œuvre depuis février 2014. Dans les faits, la mise en application a demandé davantage de temps, la toute première amende a ainsi été prononcée en août 2016. « L’injonction est un levier très efficace pour amener les entreprises à se mettre en conformité, nous maîtrisons désormais les deux outils », note Mélanie Cachet.
L’ANSM a également la possibilité d’appliquer des mesures de police sanitaire comme la suspension d’activité pendant un an, très peu mise en œuvre car elle est susceptible de créer d’autres problèmes (gestion des stocks de médicaments de l’entreprise qui voit son autorisation suspendue, risque de non-approvisionnement des officines sur le territoire de l’entreprise). Comme en 2018, les inspections se poursuivent en 2019 chez les grossistes-répartiteurs et le focus des « short liners suspectés » est toujours d’actualité. « Il est primordial que les officines puissent avoir confiance dans les médicaments qu’elles reçoivent de leur grossiste-répartiteur, insiste Mélanie Cachet. La problématique est européenne mais elle peut impacter les officines et les patients français car les pratiques des short liners favorisent les ruptures d’approvisionnement et l’introduction de médicaments falsifiés. »
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