Régulièrement évoqué, très attendu de la profession, le décret autorisant les adjoints à acquérir jusqu’à 10 % de participations au capital social des officines dans lesquelles ils sont salariés vient d'être publié. Cette disposition de la loi de Santé de 2016, permet aux adjoints d'accéder à la première marche d'une carrière d'entrepreneur.
Difficile de savoir combien d’entre eux se saisiront de l'opportunité. « Tous les titulaires ne proposeront pas à leurs adjoints d’entrer dans le capital de leur officine mais cela peut permettre de mettre le pied à l’étrier et de passer de façon plus progressive du statut de salarié à celui de titulaire ou de co-titulaire », estime Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Ce décret signe une victoire pour Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, qui s’est battu treize ans durant pour obtenir ce droit. L’entrée des adjoints au capital, qui répond selon lui aux aspirations de plus de la moitié d'entre eux, va permettre « à des jeunes, notamment des femmes, puisque notre profession se féminise, de franchir un premier pas dans l’entreprise et surtout de s’y impliquer différemment », analyse-t-il.
Certes, le capital de l’officine est ouvert de facto aux adjoints depuis 2013 par le biais des SPFPL (sociétés de participations financières de professions libérales), mais peu d'entre eux, tout au plus une centaine selon les observateurs, se sont emparés de cette possibilité. Aussi, le décret publié a-t-il le mérite d’ouvrir de nouvelles perspectives. Les étudiants l'ont bien compris. Car même si cette option reste éloignée de leurs préoccupations du moment, ils se félicitent de la parution du texte.
Un booster de carrière
Le décret entérine le rapprochement entre le titulaire et son, ou ses adjoints, puisque ce dernier cas est également prévu par la loi. L’occasion pour les uns comme pour les autres de se déclarer une confiance mutuelle. Et la chance, pour les plus âgés, d’entrevoir une perspective de transmission.
Vue sous cet angle, cette nouvelle option peut être considérée comme un booster de carrière pour l’adjoint. Pourquoi pas ? répond Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral en charge de la branche officine du syndicat FO. « Pourvu, précise-t-il, que l’adjoint préserve son statut de salarié tel qu’il est stipulé dans le texte de loi, et qu’il conserve impérativement les bénéfices qui y sont associés, garantie d’emploi, congés payés, horaires… » Il recommande la plus grande vigilance afin que ce nouveau statut de salarié associé ne donne pas lieu à certaines dérives. Le nouvel associé ne sera-t-il pas invité à consacrer plus de temps et d’énergie dans l’entreprise ? Comment s'articulera le management entre un titulaire et son adjoint-associé ?
Jérôme Parésys-Barbier se veut résolument positif. « Les relations entre titulaires et adjoints sont bonnes, en témoignent la rareté des chambres disciplinaires et des procédures prud'homales qui les opposent chaque année », souligne-t-il. L’entrée au capital de l’adjoint est aussi, selon lui, une chance pour le maillage officinal, et la garantie que la pharmacie reste aux mains des pharmaciens. Pour peu, cependant, que les jeunes – et moins jeunes adjoints — disposent d’un capital suffisant. C’est en tout cas une nouvelle donne managériale, « un moyen de fidéliser l’équipe », comme l’estime Emmanuel Leroy, expert-comptable, responsable Ile-de-France du réseau santé auprès du cabinet KPMG. Il remarque que cette pratique d’associer des salariés est courante dans bon nombre d'activités.
Anticiper la sortie
Reste que cette prise de participation ne doit pas se refermer comme un piège sur le salarié. Car si l'adjoint investisseur peut tirer des subsides intéressants sous forme de dividendes, il doit pouvoir aussi récupérer aisément sa mise de départ, en cas de démission, de rupture conventionnelle ou encore de licenciement.
Le législateur a prévu ces cas de figure : « lorsqu’un pharmacien adjoint associé de la SEL cesse son activité (...) au plus tard dans un délai d’un an, les actions ou parts sociales qu’il détient dans la société sont vendues à des associés subsistants ou à des personnes agréées par ceux-ci ». Seule exception faite par la loi, l’adjoint peut rester associé dans le cas où il deviendrait titulaire d’une autre officine. Une éventualité que ne recommande pas Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) : « s’il quitte l’entreprise, l’adjoint devra céder ses parts afin d’éviter les conflits avec son ex-employeur ».
En tout état de cause, les experts conseillent aux titulaires et à leurs adjoints d’anticiper en concluant un « pacte d’associés ». Comme l'analyse Emmanuel Leroy, « il faut à tout prix éviter les situations de blocage et il y a lieu de mettre en place une méthode de valorisation de l’officine, un prix d’entrée et un prix de sortie en situation de conflit ».
Le conflit est justement ce que redoute du point de vue du titulaire, Laurent Filoche, président de l’Union des groupements d’officine (UDGPO). « Dans ce cas, avoir un salarié actionnaire risque de poser des problèmes bien plus importants que ceux gérés par les prud'hommes et la valorisation du fonds s’en trouvera très affectée. En effet, quel acquéreur prendra le risque d’acheter une officine sans en être pleinement propriétaire, avec un salarié qu’il ne connaît pas comme actionnaire ? » s’interroge le président de l’UDGPO.
Une fausse bonne nouvelle pour l’officine donc ? Sans vouloir jouer les Cassandre, certains observateurs s’interrogent même sur l’intérêt de cette participation financière, tout au moins, dans cette limite de 10 %, trop peu motivante.
C’est le cas d’Antoine Garnier, gérant de Pharexcel, société de conseil pour l'officine, qui s’interroge sur les motivations du titulaire : « S’il n’y a pas d’objectif de transmission, je n’y vois aucune utilité. Si, au contraire, le titulaire veut faire entrer son adjoint dans une association à terme, pourquoi pas. Mais il faut en fixer les contreparties et en tout cas dégager de la visibilité », affirme-t-il.
Au-delà, la participation de l'adjoint au capital de l'officine pourrait aussi devenir un outil managérial, voire un levier de rémunération, la distribution de dividendes pouvant s’avérer plus avantageuse que le versement de primes. Voire qu'une augmentation de salaire. Aussi séduisants que ces scénarios puissent paraître, les partenaires sociaux n'en appellent pas moins à la plus grande vigilance.
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