LORS DE LA Journée de l’économie de l’officine, le sujet des regroupements était au cœur des débats sur la restructuration du réseau officinal. Selon les statistiques ordinales, il y a eu l’an dernier 240 transferts, en majorité au sein de la même commune. Les regroupements sont peu nombreux, 35 au total. Les « faux regroupements », c’est-à-dire par rachat de clientèle après fermeture, sont au nombre de 45. Pour Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, les regroupements sont une bonne solution, mais surtout un « rêve » qui ne se réalise que lorsque les officinaux le veulent bien. « Un plus un, cela ne fait pas forcément deux. Ce n’est pas si facile de faire fonctionner des équipes ensemble », estime Isabelle Adenot.
Trois freins demeurent au regroupement, qu’il faut lever. Ils sont d’ordre psychologique, administratif et juridique. Au plan des statistiques, Isabelle Adenot se refuse à avancer un nombre d’officines excédentaires (comme l’avait fait son prédécesseur, Jean Parrot, qui pointait 5 000 officines en trop, NDLR). « Derrière les statistiques, il y a des hommes, des femmes et des équipes. Des chiffres lâchés en pâture, cela fait beaucoup de mal », justifie la présidente de l’Ordre. « Et sur quels critères s’appuyer pour les désigner ? », s’interroge t-elle encore. La certitude est que « le réseau doit se restructurer, maintenir un équilibre entre efficience et proximité. » Quelles que soient les options prises, l’Ordre veille et veillera jusqu’au bout à l’indépendance des professionnels. C’est la base de la confiance du public, insiste Isabelle Adenot.
Le gel des licences.
Président de l’Association de pharmacie rurale (APR), Yves Trouillet voit un frein supplémentaire aux regroupements : « La peur d’une sanction des pouvoirs publics. Le regroupement, c’est pour les pharmacies en bonne santé financière », estime t-il.
Du côté de Paris et des grandes villes, « il y a un problème pour trouver des fonds et des locaux », pointe Philippe Liebermann, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Également en cause, le gel des licences pendant cinq ans en cas de regroupement. « L’État ne nous a pas donné tous les moyens de sécuriser les regroupements. Le gel de cinq ans est trop court pour amortir le coût de cet investissement », affirme Philippe Liebermann. Pour Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), la durée du gel des licences n’est pas primordiale. « L’objectif du regroupement est de réduire le nombre de pharmacies là où elles sont en excès. Mais si la population croît, le nombre de pharmacies doit toujours correspondre aux quotas. Que le gel des licences soit de 5 ou de 10 ans, si la population est en surnombre, où est le problème ? Le regroupement n’est plus utile », relativise le représentant de l’USPO. Pour sa part, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), dont Catherine Morel est vice-présidente, milite pour la constitution d’un « fond de restructuration ». « Il doit permettre à ceux qui le souhaitent de partir, quitte à ce que la pharmacie ne fasse plus partie du réseau », précise t-elle.
Débat sur le fonds.
Mais qui va abonder ce fonds ? La profession doit mettre (un peu) la main au portefeuille, estime Catherine Morel, mais l’essentiel doit être financé par l’État, pourquoi pas dans le cadre de l’application de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires). À l’USPO, Gilles Bonnefond trouve « séduisante » l’idée de ce « fond de restructuration » mais pense que l’État ne voudra pas payer. Et si l’État payait, c’est lui, ou l’Assurance-maladie, qui garderait la main sur les budgets. Si ce sont les pharmaciens qui paient, ce ne serait pas juste. « Je ne veux pas qu’on demande une cotisation exceptionnelle pour les regroupements à un pharmacien qui n’est pas concerné et, parfois même, en plus, en difficulté », insiste Gilles Bonnefond. Pour le représentant de l’USPO, c’est à l’agence régionale de santé (ARS) de prendre des dispositions vis-à-vis des quelques pharmacies concernées. Il veut la constitution d’un groupe de travail pour aborder « ce sujet juridique compliqué » et élaborer un guide pratique sur les regroupements. L’USPO demande par ailleurs que la loi change pour favoriser les transferts vers les lieux où l’on a besoin de nouvelles pharmacies. Autre revendication, celle d’un « positionnement clair des services fiscaux. » L’USPO propose ainsi une autre piste « simple et lisible », celle du rachat des officines qui disparaissent. Gilles Bonnefond s’explique : « dans certaines zones, il y a une ou plusieurs licences en trop. Il faudrait que les pharmaciens voisins puissent acheter l’officine et passer leurs frais d’acquisition dans leur bilan. Le paiement des plus values se ferait ensuite au moment de la revente. »
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