LE QUOTIDIEN : Le prix Galien, salué et repris dans le monde entier, a été créé en 1970 par Roland Mehl, pharmacien comme vous. Dans quel état d'esprit êtes-vous après avoir présidé le jury cette année ?
JEAN-LOUIS PRUGNAUD : C'était déjà un très grand honneur d'être membre du jury ces trois dernières années. Le Galien est devenu un équivalent du prix Nobel pour le médicament. C'est ce qu'a voulu Roland Mehl qui disait lors de la création du Galien : « Le prix Nobel récompense des personnalités, et rien n'existe pour le médicament ».
Le prix s'est élargi à un panel de nouveaux volets ces dernières années. Alors que j'ai été élu au titre de mes activités spécifiques sur les produits de biotechnologies et les thérapies géniques, je soutiens l'idée de créer à l'avenir une nouvelle catégorie pour les médicaments de thérapie innovante. Il s'agit de thérapie génique pure, de thérapie cellulaire somatique ou de thérapie issue d'ingénierie cellulaire et tissulaire. Pour l'instant, aucun n'a encore l'AMM mais les médicaments sont à des phases très avancées.
L'immunothérapie, dont la découverte a été récompensée cette année par le prix Nobel de médecine, est prégnante en 2018 en cancérologie. Pour le prix Galien ne lui a-t-il pas encore fait de place ?
Le concours était étonnamment ouvert cette année. Les industriels qui ont déposé un dossier de candidature au prix Galien venaient d'horizons très divers. C'est une très bonne chose, la recherche et l'innovation ne sont pas cantonnées au domaine de la cancérologie. C'était un choix très difficile à faire, même pour un jury expert rompu à l'exercice.
De plus, l'immunothérapie est un domaine complexe, qu'on connaît de mieux en mieux et que l'on découvre de plus en plus. Le problème qui se pose aujourd'hui est qu'il est encore difficile de cibler très précisément, ce qui entraîne un risque d'effets indésirables.
Y a-t-il dans le palmarès 2018 un volet qui vous tient spécialement à cœur ?
L'émicizumab dans l'hémophilie A est très intéressant. J'y suis particulièrement sensible car j'ai œuvré à donner le statut de médicaments aux dérivés produits du sang. C'est extrêmement difficile et contraignant de traiter les épisodes hémorragiques avec les médicaments disponibles jusqu'alors. Cet anticorps monoclonal permet de traiter beaucoup plus facilement les enfants et les adultes ayant développé des inhibiteurs anti-facteur VIII, soit près de 40% de la population ayant une hémophilie A.
Les travaux de recherche sont remarquables et innovants. Dans la DMLA sèche, l'ambition de Pixium n'est rien de moins que de faire revoir les aveugles. Quant aux travaux sur le remplacement des voies aériennes du Pr Emmanuel Martinod, ils mettent un éclairage à la fois sur la greffe et l'ingénierie tissulaire.