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Que faire face aux baisses de prix ?

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Publié le 02/10/2017
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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit de nouvelles baisses de prix sur les médicaments. Comment sortir de cette spirale infernale qui met à mal l'économie des officines ? Industriels, syndicats d'officinaux et représentants de l'État et de l'assurance-maladie ont planché sur la question à l'occasion de la 18e Journée de l'économie de l'officine organisée par « le Quotidien ».
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Crédit photo : S. Toubon

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Crédit photo : Caroline Victor-Ullern

Le prix du médicament peut-il encore baisser ? « Le prix baissera toujours, cela fait partie du cycle de la vie d’un médicament », répond Patrick Errard, président du LEEM.

Toutefois, s’il considère que la politique des génériques et biosimilaires doit être un élément de la convergence des prix, il met en garde contre des pressions trop fortes. « En dessous d’une certaine marge, vous incitez à la délocalisation de la fabrication de ces produits, ce qui n’est bon pour personne, y compris pour les patients », explique Patrick Errard. Le président du LEEM juge également nécessaire de réformer le mécanisme d’évaluation des tarifs, estimant, par exemple, que la fixation des prix des médicaments en fonction de leur ASMR est obsolète. Aussi, pour lui, le vrai sujet n’est pas jusqu’à quand peut-on baisser les prix, mais comment le faire.

Pour Maurice-Pierre Planel, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), le critère de l’ASMR possède certaines qualités : « il est solide et tout le monde sait comment il fonctionne ». En revanche, admet-il, on commence à penser qu’il ne serait pas adapté aux produits innovants. Quoi qu’il en soit, les systèmes de régulation des prix actuels sont extrêmement efficaces, relève, avec une pointe d’ironie, Patrick Errard. « Aujourd’hui, le chiffre d’affaires fabricant HT est à peu près équivalent à celui d’il y a 8 ans », fait remarquer le président du LEEM.

Rémunérer davantage l'acte de dispensation

Le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond, ne le contredit pas, rappelant que l’économie des officines s’en trouve fortement pénalisée depuis plusieurs années. « En 2015, le réseau a perdu 118 millions d'euros de marge, 52 millions en 2016, et 111 millions sur les 8 premiers mois de 2017 », indique-t-il. À ses yeux, le principe selon lequel on réduit le prix des médicaments matures pour financer les produits innovants est un jeu de dupe pour les pharmaciens. « Il n’existe pas de mécanisme de compensation pour l’officine », les médicaments innovants étant dispensés essentiellement à l’hôpital, explique Gilles Bonnefond. D’où l’intérêt, selon lui, d’avoir signé l’avenant n° 11 à la convention prévoyant l’introduction de nouveaux honoraires, qui permettent aux officinaux d’être davantage rémunérés pour leur acte de dispensation.

Non-signataire de l’avenant n° 11, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) conteste avant tout son volet économique, estimant notamment que l’enveloppe allouée à la réforme de la rémunération est insuffisante pour compenser les baisses de prix à venir. Son vice-président, Philippe Besset, explique : « L’impact des baisses de prix sur la rémunération réglementée des officines sera à peu près équivalent en 2018 à celui de 2017, c’est-à-dire que nous allons perdre environ 130 millions d’euros. Or l’avenant ne prévoit qu’un apport de 70 millions d’euros l’année prochaine pour le réseau. » En clair, le compte n’y est pas. Le vice-président de la FSPF se dit défavorable aux modifications des tranches de la marge envisagées. En particulier, la création, à partir de 2018, d’un taux de 11 % pour les médicaments dont le prix est compris entre 0 et 1,91 euro (1re tranche), ce qui, selon lui, va « resensibiliser » la rémunération aux baisses de prix et augmenter le reste à charge pour les patients. Il est également opposé au passage, en 2020, à un taux de 5 % pour les tranches 3 et 4 (prix compris entre 22,90 et 150 euros, et de 150 à 1 500 euros). Selon lui, cette baisse de taux va réduire mécaniquement la rémunération pour les médicaments de plus de 1 500 euros à 75,43 euros, contre 97,16 euros aujourd’hui. « Nous demandons le retour au 6 % », lance Philippe Besset.

Des garanties

Le vice-président de la FSPF affirme, par ailleurs, que le contrat pour développer les génériques n’est plus respecté. Avec le temps, les prix ont baissé et la rémunération s’est réduite comme peau de chagrin. Par exemple pour l’oméprazole, les officinaux touchaient, au départ, 8,58 euros par boîte. Aujourd’hui, la dispensation du générique ne leur rapporte plus que 4,58 euros. Dans ce contexte, « nous n’accompagnerons pas le développement des biosimilaires sans garanties économiques », prévient d’ores et déjà Philippe Besset.

Le directeur général de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, en est convaincu, « il faut désensibiliser la rémunération des pharmaciens des prix et des volumes », car il y aura durablement des baisses de prix. Fin 2020, rappelle-t-il, la part de la marge réglementée ne représentera plus que de 30 % de la rémunération. Pour lui, la profession est bel et bien engagée dans un mécanisme qui va permettre de sortir d’un système qui a conduit à la situation économique actuelle. Quant à la modification des tranches de la marge critiquée par la FSPF, Nicolas Revel explique qu’il s’agissait d’apporter une réponse économique dès l’année prochaine, les nouveaux honoraires ne pouvant être mis en place qu’en 2019, pour des raisons techniques. « Nous avons fait le choix d’un scénario ambitieux » pour faire évoluer la rémunération des pharmaciens, insiste le directeur général de l’assurance-maladie. Il ajoute : « C’est moi qui souhaitais que la désensibilisation aux prix soit forte. » Aussi, pour lui, cet avenant représente « une étape significative ». Nicolas Revel se veut aussi rassurant : « Il y a un engagement : si l’évolution de la rémunération globale était négative à la fin de la période, en 2021, l’avenant prévoit que l’on se remette autour de la table. C’est sans précédent. » Inédit également, selon lui, l’enveloppe allouée à cette évolution de la rémunération : « En 2015, il n’y avait pas 280 millions d’euros sur la table ! ».

Christophe Micas

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3376