RHINITE, conjonctivite, toux… les principaux symptômes allergiques sont bien connus et pourtant, leur prévention et leur prise en charge restent souvent insuffisantes. « La prévalence de l’asthme et des rhinites saisonnières a pratiquement doublé ces 20 dernières années dans les pays industrialisés », rapportent les auteurs d’un rapport publié par l’Anses en 2014 (État des connaissances sur l’impact sanitaire lié à l’exposition de la population générale aux pollens présents dans l’air ambiant). En France, près d’un quart de la population présenterait une allergie. On estime par ailleurs que plus de 10 % des Français seraient allergiques aux pollens. Les chiffres varient selon les régions, sous l’influence de la végétation et du climat. Ce constat épidémiologique, que certains qualifient d’épidémie allergique, alerte les allergologues comme Pierrick Hordé. Directement confronté à ce phénomène, il a voulu sensibiliser l’opinion publique et a coécrit le documentaire « Allergies planétaires : à qui la faute ? », diffusé sur France 5 en mai 2014.
Un phénomène multifactoriel.
Cette augmentation galopante des cas d’allergies résulte d’un ensemble de facteurs, liés notamment à notre mode de vie moderne. « Nous passons une grande partie de notre temps en intérieur, exposés à des polluants domestiques comme les désodorisants, les composés volatiles, les solvants des colles et des vernis, mais aussi les moisissures ou les acariens. À cette pollution domestique s’ajoute le tabagisme. À l’extérieur, la pollution est causée par les particules en suspension (trafic routier, feux de cheminées…), et par les pollens », explique Pierrick Hordé qui précise que la pollution intérieure est aujourd’hui bien supérieure à la pollution atmosphérique.
Des hommes et des plantes.
En France, le RNSA (Réseau national de surveillance aérobiologique) est en charge de la surveillance des pollens présents dans l’air, grâce à plus de 70 capteurs répartis sur l’ensemble du territoire national. Le réseau émet un bulletin d’information hebdomadaire, ville par ville. Cette pollution liée aux pollens est appelée « pollution verte ». « Dans le Sud de la France, certaines espèces comme le cyprès ont été plantées en masse pour leur bon rapport prix/croissance et constituent aujourd’hui une source importante de pollution biologique de février à avril. Autre exemple, des bouleaux sont encore plantés en région parisienne alors que cette espèce est connue comme très allergisante », note l’allergologue. Outre des plantations non responsables ou insuffisamment maîtrisées, on observe des expositions aux pollens plus longue en durée et plus étendues géographiquement. Ce phénomène résulte des conditions climatiques plus clémentes, mais aussi de l’intervention humaine.
Un cocktail explosif.
Les données scientifiques montrent une interaction entre la pollution atmosphérique et les pollens, amplifiant la réaction inflammatoire. Plusieurs phénomènes sont observés, comme le décrit Pierrick Hordé : « Les polluants atmosphériques se greffent sur les grains de pollen, modifient leur paroi et entraînent leur rupture, libérant plus facilement les protéines allergisantes. Ces protéines de taille réduite par rapport aux grains de pollen pénètrent plus profondément dans l’appareil respiratoire, et atteignent plus facilement les petites bronches ». En outre, l’ozone provoquerait l’abaissement du seuil de réactivité allergique. Les experts de l’Anses notent en effet que « l’ozone altère les muqueuses respiratoires et augmente leur perméabilité, ce qui engendre une réaction allergique à des concentrations de pollen plus faibles ». Enfin, certaines plantes sont plus allergisantes (augmentation de la quantité d’allergènes) à des températures élevées, induisant des risques accrus d’allergie lors des pics de chaleur. C’est le cas des bouleaux et de l’ambroisie. « Les pics polliniques ajoutés à la pollution atmosphérique forment ce que l’on appelle un « cocktail explosif », ce qui contribue à amplifier la réaction allergique », souligne Pierrick Hordé.
L’allergie au comptoir : la menace asthmatique.
L’allergologue compte sur les pharmaciens pour orienter efficacement les patients souffrant de rhinites allergiques. « Aujourd’hui, du fait de l’accès simplifié aux spécialités antihistaminiques, on assiste à un comportement d’automédication. Il faut savoir qu’une allergie se manifestant par une rhinite risque de s’intensifier d’année en année et dans un cas sur deux, elle peut évoluer vers de l’asthme. Cette notion est essentielle à connaître et le pharmacien doit y être sensible, en particulier en présence d’une toux d’irritation associée. En outre, l’allergie insuffisamment prise en charge altère la qualité de vie et est source de fatigue. Le pharmacien est donc un relais essentiel entre les patients présentant une rhinite aiguë et les médecins, généralistes ou allergologues », insiste l’allergologue. Des solutions existent comme la désensibilisation. Cette dernière doit être envisagée au cas par cas, en tenant compte du type d’allergie et de la capacité du patient à mener correctement ce traitement de fond. « L’intervention du pharmacien est également importante pour rappeler les conseils simples comme limiter la pratique sportive à l’extérieur pendant la saison des pollens, ou ne pas ouvrir ses fenêtres de voiture », ajoute Pierrick Hordé.
Malgré les alertes lancées par les allergologues et les rapports successifs de l’Anses, les mesures efficaces peinent à émerger. « Une mobilisation générale est nécessaire, car tout le monde est concerné : les professionnels de santé, mais aussi les chargés d’urbanisme, les horticulteurs, les paysagistes et les collectivités ». Une mesure très attendue est par exemple l’identification, par un étiquetage clair, des plantes allergisantes afin de prévenir les consommateurs : « C’est déjà fait pour les allergies alimentaires, avec le signalement des traces d’arachides ou de fruits à coque », relève l’allergologue. En mars 2015, il sort un nouvel ouvrage intitulé « Le livre noir des allergies » dans lequel il expose notamment différents moyens qui pourraient permettre de combattre le phénomène allergique.
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