Évoquer les plantes médicinales et les médicaments « naturels » revient souvent à penser aux tisanes ou aux vins médicinaux jadis incontournables. Mais la phytothérapie a bénéficié de progrès considérables en quelques dizaines d’années, qui ont fait des formulations à base de plantes de véritables médicaments de grande qualité, stables, dont la quantité en principes actifs est parfaitement déterminée, d’un usage pratique et adaptés à un grand nombre de patients.
Procédés d’extraction
Ces médicaments sont produits à partir de plantes fraîches ou sèches, parfois stabilisées. Les végétaux sont tout d’abord broyés, parfois dégraissés ; leurs enzymes peuvent aussi être inactivés. Lorsqu’ils ne sont pas utilisés directement sous forme d’une poudre, leurs constituants actifs en sont soustraits par action d’un ou de plusieurs solvant(s) ayant une polarité différente, certains étant quasiment apolaires (éther de pétrole, hexane, etc.), d’autres ayant une polarité intermédiaire (alcools divers) et d’autres étant très polaires (eau, froide ou chaude). La méthode la plus ancienne et la plus directe, la macération, consiste à mettre les plantes en contact avec le solvant (en général de l’eau froide), plusieurs jours : ce macérat permet de produire, après purification et distillation, un extrait dont le solvant est éliminé plus ou moins complètement. Il est aussi possible d’épuiser les végétaux par infusion, digestion, décoction, lixiviation ou percolation. L’industrie fait appel à des appareils performants, conçus pour beaucoup dès le XIXe siècle, à une période où la chimie extractive permit de découvrir des dizaines de principes actifs végétaux, parmi les plus « célèbres » : le dispositif le plus connu du pharmacien - souvenir des travaux pratiques à la faculté - fut mis au point par le chimiste allemand Franz von Soxhlet (1848-1926) qui laissa son nom au… « soxhlet » qui permet d’extraire en continu les principes actifs végétaux dans un solvant dont les vapeurs, condensées, passent en continu sur la drogue pour en entraîner les principes actifs ; le biochimiste japonais Muneo Kumagawa (1859-1918) a de la même façon laissé son nom à l’extracteur dit de Kumagawa. Des techniques d’extraction bien plus sophistiquées permettent désormais d’extraire les composés actifs en utilisant comme solvant du gaz carbonique à l’état supercritique (phase intermédiaire entre gaz et liquide).
Principales préparations d’origine végétale
Si la préparation d’une tisane, la plus populaire des préparations phytothérapeutiques, permet d’extraire de façon satisfaisante les principes actifs hydrosolubles des plantes au simple contact de l’eau chaude, il existe de nombreuses autres façons d’exploiter les végétaux à des fins médicinales : quelques-unes des préparations les plus représentatives sont présentées ici de façon très schématique.
Poudres végétales
L’une des plus simples des préparations, la poudre, est une forme pulvérulente obtenue après séchage ou cryodessiccation des végétaux ou de certains de leurs organes, qui sont réduits à des particules fines (leur micronisation livre des particules de taille comprise entre 100 et 300 µm). Le cryobroyage (broyage dans de l’azote liquide) permet d’obtenir une poudre parfaitement homogène, apte à libérer la totalité (totum) des constituants du végétal. Les poudres, généralement présentées en gélules, ne doivent pas être confondues avec les extraits secs plus concentrés.
Les extraits sont obtenus en traitant le végétal pulvérisé par un solvant généralement hydro-alcoolique, selon un procédé d’extraction classique (macération, ingestion, digestion, etc.). Le solvant est ensuite éliminé plus ou moins totalement, ce qui donne une consistance variable à l’extrait. Qu’ils soient fluides, mous (semi-solides) ou secs (après élimination totale du solvant par nébulisation ou par cryodessiccation), les extraits pharmaceutiques contiennent désormais une quantité de constituants actifs comprise dans une fourchette précise : ils sont titrés ou quantifiés, c’est-à-dire ajustés au moyen d’une substance inerte ou par mélange de lots différents. Des techniques de purification particulières permettent d’augmenter la teneur en principes actifs des extraits dits « purifiés ». Bénéficiant d’une bonne stabilité (notamment sous forme fluide), les extraits se caractérisent aussi par une concentration élevée en principes actifs. Ils sont souvent présentés en gélules. Les intraits ne sont autres que des extraits produits à partir de végétaux préalablement stabilisés (pour prévenir la dégradation enzymatique des principes actifs) puis traités selon les techniques usuelles : les intraits les plus communs sont ceux de marron d’Inde ou de valériane. Une teinture est obtenue par macération (parfois par percolation) de poudre végétale (de plusieurs s’il s’agit d’une teinture composée) dans un solvant, généralement un mélange d’eau et d’alcool.
Alcoolats et alcoolatures
Ces formes sont proches des teintures. Un alcoolat est obtenu par la macération du végétal dans l'alcool qui est ensuite distillé ; l’alcoolature est obtenue par macération dans l'alcool de plantes fraîches, sans distillation. Proche d’une alcoolature, une teinture-mère, à usage homéopathique, s’obtient par une macération très prolongée d’une plante fraîche dans de l’alcool.
Suspensions intégrales de plantes fraîches (SIPF)
Garantissant la conservation de l’intégralité des constituants de la plante, les SIPF respectent les végétaux fragiles (ex : artichaut, bardane, cassis, prêle, valériane, etc.) car la plante est cryobroyée immédiatement après sa récolte et préparée selon un procédé rigoureux et breveté.
Huiles essentielles
Elles sont obtenues à partir de végétaux secs ou frais, par entraînement à la vapeur d’eau suivi d’une rectification ou par un moyen mécanique (ex : extraction des essences d’agrumes à partir du péricarpe des fruits).
La mise en œuvre des végétaux revêt une grande importance car elle conditionne à la fois la qualité, la quantité et la biodisponibilité des principes actifs et le type d’usage qui sera fait de la préparation : ainsi, une alcoolature facilite la conservation de certaines substances, mais son emploi sera plus délicat dans certaines situations (pédiatrie par exemple).
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