Tout est affaire d’interprétation. Fin février, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié de nouvelles recommandations à l’intention des industriels concernant l’étiquetage des médicaments sous forme orale solide, hors homéopathie. Une démarche qui s’inscrit dans le « défi mondial pour la sécurité des patients » initié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) il y a un an et dont le but est de réduire les erreurs médicamenteuses en améliorant « la façon dont les médicaments sont prescrits, distribués et consommés ». L’OMS estime à 42 milliards de dollars le coût annuel des erreurs médicamenteuses dans le monde, soit 1 % de l’ensemble des dépenses de santé de la planète.
À peine publiées, les recommandations de l’ANSM sont pointées du doigt par l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA), qui dépose un recours devant le Conseil d’État. Son référé en urgence n’est pas retenu, mais le tribunal va juger sa demande sur le fond. En cause ? L’application de ces recommandations mènerait, selon les industriels, à un « paquet neutre ». La marque serait reléguée au second plan avec, à la clé, un risque de confusion pour le patient. Pascal Brossard, vice-président de l’AFIPA, affirme que cette mesure est « contre-productive », comme le prouvent les résultats d'une étude OpinionWay réalisée pour l'association (voir encadré).
Selon leurs simulations d'étiquetage, le respect de ces nouvelles recommandations oblige à augmenter la taille des packagings pour y faire figurer toutes les mentions légales sur les différentes faces des boîtes dans les styles et tailles de police recommandées. Résultat : non seulement la mise en avant de la dénomination commune des substances actives et l’aspect général des boîtes ne permettent pas d’assurer une bonne lisibilité et compréhension pour les patients, mais l’agrandissement des packagings a de lourdes conséquences. Et de citer les problèmes de stockage à tout niveau (fabricant, grossiste, pharmacien), l’augmentation du poids et du volume de transport, l’utilisation de davantage de carton pour fabriquer les emballages… Ce qui n'est pas sans conséquence sur l'empreinte carbone.
Signes distinctifs
Pour apaiser la polémique, cinq jours après la prise de parole de l’AFIPA, l’ANSM a tenu à affirmer que le but recherché n’est pas d’obtenir un « paquet neutre » puisque « les chartes graphiques et signes distinctifs (couleurs, visuels), qui sont des éléments nécessaires à l’identification et au bon usage, ne disparaîtront pas des étiquetages ». Et pour enfoncer le clou, l'agence présente, elle aussi, une simulation d’étiquetage pour deux spécialités, notamment pour Imodium lingual (lopéramide) qui a aussi fait l’objet d’une simulation par son fabricant. Et le résultat obtenu n’est par le même. L’ANSM conserve non seulement toutes les couleurs de la boîte d’origine, mais aussi sa taille, répondant ainsi aux critiques des industriels.
L’ANSM insiste sur le fait que « les recommandations n’incitent pas à la suppression du nom de marque » mais visent à ce qu’il ne soit pas prédominant. Son but est de « faciliter l’identification du médicament et d’améliorer la visibilité, la lisibilité et la compréhension de son étiquetage ». Elle précise que ses recommandations « n’ajoutent pas d’informations par rapport aux mentions existantes » mais portent sur « le choix de la police et de la taille d’écriture, les couleurs et l’apposition de pictogrammes ». Enfin, elle rappelle que ces recommandations n’ont pas valeur d’obligation.
À l’inverse, l’AFIPA affirme qu'aucun laboratoire n'y dérogera, d’où sa démarche auprès du Conseil d’État et sa proposition de travailler avec l’ANSM à l’amélioration de la lisibilité des boîtes de médicaments. Une proposition déjà formulée lors des auditions préalables à la décision de l’ANSM, mais qui, selon Pascal Brossard, n'avait pas été entendue. L’association de fabricants mise désormais sur le Conseil d’État.
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