L’ANNÉE 2010 n’est pas encore terminée et six molécules ont déjà été délistées, contre quatre sur l’ensemble de l’année passée. Le délistage, ou switch, est le fait d’accorder une exception à une molécule normalement non accessible sans ordonnance. Cette exception est accompagnée de précisions telles que la voie d’administration, la forme pharmaceutique, la dose par unité de prise et la durée du traitement.
Comme l’explique Alain Baumelou, coauteur avec Alain Coulomb du rapport sur l’automédication, l’inscription d’un médicament sur la liste I ou II avait pour but de définir le risque inhérent au produit, et donc de « contrôler les nouveaux principes actifs qui, du fait de leur nouveauté, étaient mal connus ». Aujourd’hui, la majeure partie d’entre eux est toujours listée, « malgré des données de pharmacovigilance suffisantes les concernant »*.
Le rapport sur l’automédication appelle à une véritable politique de délistage qui impliquerait le patient dans sa prise en charge personnelle de la maladie. À condition néanmoins qu’il s’agisse d’un switch total : la molécule passe du statut de prescription médicale obligatoire à celui de prescription médicale facultative, comme c’est le cas de la nicotine. Mais ce type de délistage est rare.
Un travail de longue haleine.
L’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) milite depuis des années pour faciliter les délistages, en les associant à un renforcement de la protection des données. Le switch nécessite souvent de nouvelles études cliniques pour démontrer l’efficacité et la sécurité d’emploi du médicament dans une nouvelle indication et trouver la posologie la mieux adaptée pour un usage en automédication. Tout cela a un coût que les industriels hésitent à assumer car le résultat de leurs études peut être utilisé par un concurrent. En effet, en France le switch se fait à la demande d’un laboratoire mais, une fois accordé, il bénéficie à l’ensemble des groupes pharmaceutiques qui développent un médicament ayant le même principe actif. Cette exonération prend du temps. « Entre le dépôt de la demande de délistage et son obtention, il faut compter environ un an. Mais cela peut être plus court ou beaucoup plus long. Le délistage de l’ibuprofène, par exemple, a pris quatre ans », souligne Marie-Laure Lacoste, responsable des affaires réglementaires à l’AFIPA. Daphné Lecomte-Sommagio, déléguée générale de l’AFIPA, confirme : « La procédure de délistage reste longue et difficile, c’est un travail de longue haleine pour le laboratoire qui s’y engage. Néanmoins, le marché de l’automédication commence à se développer, ce qui influe positivement pour que certains grands acteurs du secteur amorcent la démarche. »
Innovation.
C’est aussi le constat fait par le laboratoire Bayer Santé Familiale, qui vient de procéder au lancement de Mopralpro, seul oméprazole disponible en automédication. Leader mondial du marché de l’automédication, le groupe pharmaceutique se fait fort de gagner de nouvelles parts de marché en France. Le switch a fait l’objet d’un accord de licence préalable avec AstraZeneca, qui a lancé le médicament initial, Mopral, en 1989. « Bayer Santé Familiale est une société définitivement tournée vers l’innovation, avec pour objectif de devenir le leader du marché de l’automédication en France. Ce type de partenariats fait partie de sa stratégie pour être à la pointe de l’innovation. Nous avons obtenu l’AMM de Mopralpro le 20 mai dernier, le produit a été lancé fin juin et, à fin août, il passait devant ses deux concurrents sur le marché des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en automédication (Pantozol Control de Nycomed et Pantoloc Control de Novartis Santé Familiale - NDLR) », explique Gauthier Caron, directeur des affaires médicales et pharmaceutiques. Un succès qui repose en partie sur l’oméprazole, qui reste la molécule d’IPP la plus vendue, alors même qu’elle est la moins récente. C’est aussi le seul IPP qui peut être utilisé chez la femme enceinte. Contrairement au choix de Nycomed, Mopralpro a obtenu une AMM française, et non européenne. « Nous souhaitions travailler ce délistage avec les autorités françaises. Pour autant, ce produit sera prochainement disponible dans la plupart des pays européens, ainsi qu’en Nouvelle-Zélande, sous le nom de Mopralpro ou sous un autre. Avant le lancement en France, il était déjà disponible en Allemagne et en Finlande », précise Gauthier Caron. Le fait qu’un IPP plus récent soit déjà disponible en automédication sur le marché français n’a pas effrayé le laboratoire, qui souligne l’importance pour le pharmacien et le patient d’avoir le choix entre plusieurs molécules. « Mopralpro est le relais de Mopral à l’officine. Pour autant les deux références ont un positionnement différent et Mopral bénéficie d’indications plus nombreuses, nous ne pensons donc pas qu’il y aura cannibalisation. » Il s’agit typiquement d’un switch hybride puisque les statuts de prescription obligatoire (Mopral) et d’automédication (Mopralpro) coexistent. C’est d’ailleurs le switch le plus courant.
Unanimité.
Le switch est accompagné d’un programme de formation des pharmaciens qui a débuté à la mi-juin. « Un réseau dédié passe dans les officines qui achètent Mopralpro en direct et délivre une formation in situ, non seulement sur le produit, mais aussi sur la pathologie, les traitements, leur action, leur délai d’action, leurs contre-indications. Ils fournissent également un arbre décisionnel que nous avons créé en suivant les recommandations de l’AFSSAPS et terminent la formation par des cas de comptoir », souligne Stéphanie Marchand, chef de marque senior Mopralpro. Ce programme sera complété à la fin du mois par l’ouverture d’un site internet qui permettra à tout pharmacien de se former en ligne. Bayer Santé Familiale admet avoir d’autres projets de délistage dans ses cartons, mais ne souhaite pas communiquer sur le sujet pour le moment.
Chez Nycomed, qui a lancé le 1er IPP en automédication, en novembre 2009, la formation de l’équipe officinale est aussi un élément primordial de la stratégie du laboratoire. « Ce programme a été validé par la société nationale française de gastro-entérologie, présente lors de nos soirées de formation pour expliquer la pathologie, tandis que nous abordons le traitement », indique Karl Parance, directeur de la division OTC de Nycomed. L’arrivée de nouveaux concurrents n’effraie pas le laboratoire, au contraire. « Le marché est plus difficile que nous le pensions. Même si nous constatons un accueil très enthousiaste des pharmaciens, ils n’ont pas encore le réflexe IPP, ils délivrent encore des antiacides là où un IPP serait plus adapté. Mais nous ne sommes plus seuls sur ce marché, ce qui le dynamise. En juillet, les IPP représentaient 11 % du marché du reflux gastro-œsophagien (RGO) en automédication. » Là encore, il s’agit d’un switch hybride puisque Pantozol Control cohabite avec la version prescrite Eupantol, également commercialisé par Nycomed. Mais ce switch est passé par la procédure centralisée et Pantozol Control a donc obtenu une AMM européenne qui a fait l’unanimité des 27 pays membres. Une première ! Utilisée depuis plus de 15 ans, la molécule est jugée complètement sûre et efficace et les IPP sont déjà disponibles sans ordonnance dans plusieurs pays européens.
Doublement des ventes.
Le délistage le plus emblématique reste celui des produits nicotiniques, qui remonte à décembre 1999. Il s’agit d’un switch total, c’est-à-dire que l’ensemble des patchs, gommes et autres comprimés à la nicotine est passé en automédication. Il ne reste aucune référence à prescription obligatoire. L’effet a été immédiat : doublement des ventes, avec un effet très marqué sur les formes transdermiques. Les pharmaciens ont joué le jeu, endossant avec naturel un rôle de prévention et d’information, voire même d’accompagnement. Pour autant, ce délistage massif ne s’est pas accompagné d’une désaffection des consultations spécialisées, au contraire. Selon les séries statistiques de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), si le nombre de patients sous traitement est légèrement inférieur aux 500 000 en 1998, il oscille entre 1,5 et 2 millions depuis 2003. Les laboratoires ont su saisir leur chance, en particulier GSK SGP qui a lancé NiQuitin en décembre 1999…
D’une année sur l’autre, le nombre de délistages est très variable : 1 seul en 2000, en 2001, en 2003, en 2004, en 2006, en 2008… mais des pics notables en 1997 et 1998 (8) et une reprise intéressante depuis l’an dernier (4) qui se poursuit aujourd’hui. Les déremboursements de médicaments se succèdent, les groupes pharmaceutiques savent qu’il est essentiel d’orienter leur marketing pour que leurs références commencent une seconde vie. ils comptent sur la promotion vers les pharmaciens mais aussi vers le grand public. Au-delà de l’accès facilité à des médicaments adaptés à un usage en automédication, les switchs peuvent être une technique pour préserver des parts de marché, se protéger contre la concurrence et toucher plus directement le grand public.
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