Tout bon pharmacien garde en mémoire les classiques du cours d’histoire de la chimie décrivant la découverte de l’aspirine à partir du saule ou des molécules morphiniques issues du pavot. En effet, l’usage thérapeutique des plantes est connu depuis bien longtemps. Pour exemples : le Papyrus Ebers, qui daterait du XVIe siècle avant JC, regorge de préparations à base de plantes pour traiter des affections ou encore le Corpus hippocratique exposant des informations sur les remèdes végétaux. Avec l’essor de la chimie au XIXe siècle, les plantes et essences ont été relayées au second plan mais elles reviennent en force depuis quelques années dans les pharmacies. Les raisons ? Peur des effets secondaires des médicaments conventionnels, vertus attribuées au naturel, respect de la planète et de l’écologie.
5 à 10 % des intoxications sont liées à l’ingestion de plantes toxiques
Pourtant, tout ce qui provient de la nature n’est pas sans risque et peut être à l’origine d’intoxications. Les Centres Antipoison en France estiment qu’entre 5 à 10 % des intoxications sont liées à l’ingestion de plantes toxiques. En tête : l’aconit, surnommée l’arsenic végétal, suivi du datura et de la belladone aux propriétés atropiniques, sans oublier l’if cytotoxique. Les conséquences peuvent être létales. D’autres plantes sont aussi détournées pour leurs actions narcotiques ou stupéfiantes comme le peyotl, le chanvre indien ou les feuilles de l’arbuste coca dont est extraite la cocaïne.
Concernant les plantes médicinales, elles sont inscrites à la Pharmacopée française dont la première édition date de 1818. Si les plantes à usage médicinal non exclusif et dépourvues de toxicité peuvent être vendues en dehors de l’officine, les plantes dites à risques et la plupart des mélanges de plantes restent intégrés au monopole pharmaceutique. Les pharmaciens sont d’ailleurs autorisés à effectuer à nouveau des mélanges pour tisanes, depuis août 2013, selon un cadre strict rappelé dans la monographie « Mélanges pour tisanes pour préparations officinales » de la Pharmacopée française XIe édition. Les plantes autorisées, leur association et les données de production et de conservation des tisanes y sont listées.
Le bon usage des huiles essentielles
Entre les plantes en vrac et les compléments alimentaires à base de plantes, les huiles essentielles (HE) gagnent du terrain dans les rayons des officines. Il s’agit de produits odorants, généralement de composition complexe, obtenus à partir d’une matière première végétale botaniquement définie, soit par entraînement par la vapeur d’eau, soit par distillation sèche, ou par un procédé mécanique approprié sans chauffage, d’après l’ANSM.
À partir des années 1930, les huiles essentielles ont été remises au goût du jour, notamment grâce à René-Maurice Gattefossé qui a remarqué une cicatrisation rapide et indolore de ses mains brûlées grâce à l’huile essentielle de lavande. Plus tard, dans les années 1960 le docteur Jean Valnet prédira la future place des huiles essentielles dans l’arsenal thérapeutique grâce à leurs nombreuses propriétés, notamment, antiseptiques, antivirales, cicatrisantes et énergétiques.
Aujourd’hui, l’aromathérapie est utilisée dans de nombreuses indications : ORL, bucco-dentaire, digestif, uro-gynécologique, dermatologique… Au pharmacien de connaître le mode d’emploi et la posologie afin de les conseiller au mieux. Elles peuvent s’administrer par voie orale, mais toujours diluées, soit dans une cuillère à café d’huile alimentaire, de miel ou sur un comprimé neutre. Appliquées sur la peau, elles sont aussi diluées dans une portion de crème ou d’huile végétale, pour un massage au niveau du plexus solaire, des tempes, des poignets, des pieds ou de la nuque. Il existe des suppositoires à base d’huiles essentielles mais qui peuvent irriter la muqueuse en cas de non-respect de la posologie. Pour les affections ORL, les huiles essentielles sont ajoutées dans de l’eau frémissante et non bouillante pour une inhalation. Quelques gouttes peuvent aussi être déposées sur un mouchoir ou un oreiller pour un effet décongestionnant. Enfin, la diffusion atmosphérique des huiles essentielles est courante pour une action désinfectante (exemple des HE de ravintsara, niaouli, eucalyptus radié, romarin à cinéole…), assainissante (géranium, citron) ou apaisante (lavande vraie, orange douce, mandarine, ylang-ylang…). Les voies injectables ou oculaires sont en revanche contre-indiquées.
Les huiles essentielles se conservent à l’abri de la lumière
Attention, l’aromathérapie n’est pas à conseiller à tous. Les huiles essentielles sont contre-indiquées chez les femmes enceintes et allaitantes, les nourrissons, les épileptiques, les asthmatiques et, non recommandées, sans avis médical, chez les enfants de moins de 6 ans, les personnes ayant des antécédents de cancer hormonodépendant, d’hypo- ou hyperthyroïdie, d’ulcère à l’estomac ou encore les patients sous anticoagulants (selon certaines HE).
Afin de garantir leur efficacité et leur innocuité, les huiles essentielles se conservent à l’abri de la lumière, de l’humidité et de la chaleur, dans des flacons en verre teinté fermés hermétiquement. L’emballage précise aussi le nom complet de l’HE en français et en latin, la partie de plante utilisée, le chémotype, sa qualité biologique ou non, le numéro de lot, la date de péremption, la mention « 100 % pure et naturelle », qui précise que l’HE n’a été ni mélangée ni diluée ni rectifiée ni modifiée sans oublier « Ne pas tenir à portée de main des enfants » et « À conserver à l’abri de la lumière et de la chaleur ».
Enfin, le bulletin de contrôle de produit doit être à la disposition du patient. Si les magasins bio proposent la vente des huiles essentielles, il est opportun de rappeler que leur dispensation en pharmacie garantit leur qualité et le conseil avisé de l’équipe officinale formée.
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