Installée à Espezel, village de 200 habitants du plateau de Sault, au cœur des Pyrénées audoises, Gaëlle le Run n’a aucune envie d’en partir pour exercer en ville. Mais elle redoute le proche départ à la retraite de son associé, tout en s’interrogeant sur l’avenir du seul cabinet médical de son secteur, déjà repris deux fois par des médecins qui ne restent pas longtemps. Pour les professionnels de santé du plateau, la réponse passe par la création d’une « équipe de santé primaire » (ESP), première étape vers une future maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) susceptible de pérenniser l’offre de soins sur le territoire. Les démarches en vue de la création de l’ESP ont d’ailleurs porté leurs fruits, puisque l’ARS d’Occitanie soutient désormais ce projet. Si les pharmaciens s’interrogent sur ses contraintes administratives, ils n’oublient pas que les ARS ne peuvent, statutairement, verser de l’argent qu’à des structures constituées, d’où l’intérêt de leur mise en place.
Donner envie de venir… et de rester
Mais il faut aussi donner envie aux professionnels, dont les pharmaciens, de venir et de rester dans ce territoire qui ne manque pas d’atouts en termes de qualité de vie. « Nous devons trouver la martingale pour vivre et exercer en milieu rural », estime le président de la FSPF pour qui l’ESP représente certes la première réponse aux défis de la désertification, mais ne suffit pas à elle seule.
L’adaptation des horaires de travail à la qualité de vie est un point important pour attirer des jeunes, affirme Philippe Besset, d’autant que plusieurs pharmaciens ruraux ont constaté que l’extension des horaires, rejetée par beaucoup de jeunes confrères, n'apporte aucun bénéfice économique à la campagne. En effet, les patients, majoritairement chroniques, s’adaptent très bien à des horaires plus réduits et à des fermetures estivales. En outre, ont témoigné d’autres officinaux dans la salle, la découverte des activités des pharmaciens ruraux peut donner aux jeunes l’envie de se tourner vers ce mode d’exercice, où ils deviendront les professionnels de premier recours que beaucoup appellent de leurs vœux. De plus, l’offre de soins étant relativement limitée, ils ont des perspectives d’avenir attrayantes, mais doivent pouvoir être soutenus lors de leur installation.
Des modes de financement multiples
Le soutien aux pharmacies rurales implique des aides bien adaptées aux situations de terrain. La FSPF souhaite cartographier les besoins des officines au niveau communal, pour identifier un millier de pharmacies stratégiquement nécessaires mais ayant besoin d’être maintenues à flot. Il importe de prendre en compte non seulement la « fragilité » des officines et des structures de soins, mais aussi celle des patients (lire ci-dessous). Les modes de financement peuvent être multiples : à côté des dispositifs existants liés aux ESP et MSP, le syndicat avance l’idée d’une « permanence de jour » rémunérée, comparable à ce qui existe pour les permanences de nuit, et rappelle que les aides doivent être équitables pour profiter aux officines qui en ont réellement besoin.
« C’est à nous de donner envie aux jeunes pharmaciens de se tourner vers les pharmacies rurales », ajoute Marc Alandry, installé à Couiza, sur le même plateau, et vice-président de l’Association de pharmacie rurale (APR). Il insiste sur la variété des missions en milieu rural et plaide pour une formation à ce cadre d’exercice en faculté, avant de conclure : « Si nous n’attirons pas les jeunes vers la pharmacie rurale, il y aura dans dix ans de vastes déserts pharmaceutiques comme il existe aujourd’hui des déserts médicaux, car la démographie des pharmaciens suit celle des médecins avec dix ans de retard. »