« L’Amérique n’a que trois villes : New York, San Francisco et La Nouvelle-Orléans. Tout le reste n’est que Cleveland », disait Tennessee Williams. Fondée en 1718 par Jean-Baptiste Le Moyne, sieur de Bienville, la ville doit son nom, qui évoque la France et le jazz, au régent Philippe d’Orléans. On la sait fantasque, fêtarde, joyeuse et périlleuse, résolument différente.
Et pour cause. Isolée entre un large méandre du Mississippi et l’immense lac Pontchartrain, cernée de marais, « l’île d’Orléans », comme la nommait Napoléon, s’est développée sans que rien ne nuise à sa culture franco-hispano-afro-caribéenne : musique, cuisine créole, Mardi Gras et rites funéraires. Elle échappa même au XXe siècle à l’uniformisation des cités américaines.
Une ville de province cosmopolite
Trois cents ans après sa création, la ville la plus importante de Louisiane n’abrite que 400 000 habitants. Elle n’a pas encore retrouvé sa population d’avant l’ouragan Katrina en 2005. La communauté afro-américaine, notamment, a décliné, mais de jeunes entrepreneurs diplômés et célibataires continuent à affluer, séduits par le coût de la vie attractif et les multiples possibilités professionnelles, et par son rythme paisible et son sens de la fête. Hormis la modeste Skyline hissée en bordure de Mississippi dans les années 1970, la plupart des bâtiments se limitent encore aujourd’hui à quelques niveaux.
À taille humaine et constituée de petits quartiers très typés, la Nouvelle-Orléans a des allures de ville de province cosmopolite. Autour du French Quarter – ainsi nommé par les Espagnols –, centre historique rénové aux rues étroites et aux maisons de briques à large balcon de fer forgé, les faubourgs populaires et musiciens de Treme et de Marigny ont gardé leurs petites habitations de bois aux couleurs plus ou moins rafraîchies. Grâce à sa population fêtarde et métissée, aux orchestres de rue, à la disparité sociale à l’intérieur même d’un quartier, la ville a gardé son authenticité.
Réouverture d'un hôtel mythique
À quelques pâtés de maisons du Vieux Carré, le mythique hôtel Jung, classé monument historique, vient de rouvrir. Témoin d’un siècle d’histoire, de concerts, de fastes et de fêtes, il avait eu la bonne idée de naître avec le jazz.
Lieu de bouillonnement artistique et musical, « the Jewel of the South » attire les philosophes et les écrivains comme les businessmen aimantés par le très florissant commerce maritime. La bourgeoisie voyage aux États-Unis et en Europe, fait ronfler Ford et Chrysler dans Canal Street, où s’alignent grands magasins, théâtres et restaurants. Et le Jung ne désemplit pas, multipliant les concerts et les bals.
À ses pieds, dans Canal Street, entre les rangées de palmiers et de réverbères des années Trente, la célèbre ligne de tramway ouverte en 1835 ronfle jusqu’au « Bio District » et ses nouveaux hôpitaux, le centre de recherche sur le cancer et l’incubateur dédié à la santé.
En amont du fleuve, au-delà du Warehouse District, où les entrepôts borgnes ont été recyclés en ateliers d’artistes et en galeries, Garden City aligne toujours ses riches manoirs post-coloniaux de style Renaissance grecque, les anciennes demeures des planteurs américains bâties après la vente de la Louisiane par Napoléon aux jeunes États-Unis (1803).
Incontournable pays cajun
Le territoire de La Nouvelle-Orléans borde une vaste étendue marécageuse, les bayous, refuges des alligators et de 300 espèces d’oiseaux. C’est dans ces étonnantes forêts noyées du sud de la Louisiane que se réfugièrent les Acadiens déportés de Nouvelle-Angleterre par les Anglais en 1755. Métissés avec les Créoles et les Amérindiens, les Cajuns (anglicisme dérivé du très péjoratif « Cadiens ») cultiveront en catimini leurs traditions linguistiques, musicales (à base d’accordéon et de violon) et gastronomiques, savoureux mélange d’influences française, espagnole, africaine et créole. La preuve par le traditionnel gumbo, ragoût au bouillon pimenté composé d’okra, de poulet, de saucisse ou de crustacés et de légumes, le tout lié par un roux.
À la vente de la Louisiane par Napoléon en 1803, l’identité créole est revendiquée avec force. Interdit à l’école en 1921, l’usage du français chute. Ils ne sont plus que 150 000 à le parler. Grâce à l’enseignement dispensé depuis 1968 dans les écoles publiques par le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), le déclin est enrayé et la langue française est devenue signe d’ouverture sur le monde et d’occasions professionnelles.
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