NOUS SOMMES à Tokyo, il est 17 heures. Alors que la nuit est déjà tombée sur la capitale aux 13 millions d’habitants, le quartier « électronique » d’Akihabara explose de mille feux. Immeubles couverts d’enseignes publicitaires géantes, écrans à la gloire des dernières héroïnes mangas, myriade de boutiques high-tech, de jeux vidéo et de sitcoms pour jeunes otaku (« rebelles » de la société post-moderne)… : la ville bruisse, mais en silence, dans le flot apaisé des voitures électriques et sous les masques blancs de protection des passants. Seules les salles de pachinko crachent le chaos infernal de leurs machines à sous, véritable drogue japonaise.
Il est 22 heures, à Shibuya. Le carrefour mythique de Tokyo est fidèle à sa réputation. La diagonale des fous pour piétons, le temps d’un feu rouge, dame le point au trafic automobile. Les clients des fast-foods se délectent du spectacle de ce flot alterné et parfaitement huilé. Dans les rues adjacentes, bars à saké et salles de karaoké débrident la pudeur maladive japonaise, jusqu’à l’excès. Cadres sup en plein délire alcoolisé, fashionitas désenchantées aux codes vestimentaires délirants…, à Tokyo, la pression est telle que la bienséance implose le soir en outrances, mais toujours avec ce petit fond de self-control enkysté par des générations de bonne éducation nippone.
La montagne sacrée.
Heureusement, le Fuji Yama garde le cap. À ceux qui perdraient totalement pied dans la nuit tokyoïte, entre love hôtels et mangas pour adultes, la montagne sacrée rappelle les fondamentaux du pays : respect, politesse, travail, famille, nationalisme. Il faut de la chance pour apercevoir le sommet mythique. On quitte Tokyo sous le soleil, plein d’espoir face aux pentes blanches qui scintillent dans le lointain. Mais on arrive sous la brume, volcan évanoui au-dessus du lac Ashi. On se console comme on peut dans les vapeurs des fumerolles de la montagne Owakuda-ni. Les Japonais y viennent en rangs serrés déguster des œufs noirs cuits à la chaleur d’eaux phréatiques sulfurées.
Les traditions ne sont pas prêtes de disparaître au pied du mont vénéré. Elles perdurent aussi dans cette curieuse campagne qui relie Tokyo à Kyoto. Déroutante, car la densité de population est telle qu’elle renvoie au feuilletage des livres d’avant-guerre pour retrouver les images rurales du pays des shoguns. Lignes électriques et banlieues infinies détricotent les rares portions de paysages, quand ce ne sont pas des entrepôts et des usines, témoins du big bang économique du pays, qui perdure depuis quarante ans.
Dans la province de Mie, au sud-est de Nagoya, les vieilles habitudes ont pourtant la vie dure. Sur l’île Mikimoto, on cultive l’huître perlière comme aux temps anciens. De vieilles plongeuses Ama remontent encore en apnée les coquillages des profondeurs. Plus au nord, à Iga Ueno, c’est la culture ninja qui est entretenue. C’est une grande surprise de découvrir dans la ville d’Iga Ueno les descendants de cette société secrète, leurs armes, techniques de combat et maisons chausse-trappes.
L’ancien et le moderne.
C’est bien le charme de ce pays, capable de tutoyer les sommets d’innovation high-tech tout en conservant un attachement farouche à sa culture ancestrale. Le théâtre no et le kabuki, la cérémonie du thé, les bains onsen, la gastronomie délicieuse en forme d’aventure artistique… révèlent la profonde culture d’une civilisation policée, conservatrice et d’une politesse exquise. Kyoto, l’ex-capitale impériale, carrefour des arts et de l’esprit, est à cette image. La ville est moderne mais ponctuée de 1 600 temples bouddhistes et de 400 sanctuaires shintos, dont le splendide Pavillon d’or. Avec les femmes habillées en kimono dans les rues, les quartiers Gion et Ponto-Cho aux petites maisons en bois à geishas, les vénérables taxis et leurs banquettes arrières couvertes de tissu blanc en dentelle…, il flotte dans cette ville un parfum intemporel et insaisissable, figé et contemporain à la fois.
Contemporaine, Osaka l’est, assurément. Son côté big city est presque plus impressionnant qu’à Tokyo. La skyline, les boutiques de luxe et la technomania effrénée affolent les compteurs de la mégapole. De quoi vite donner envie de revenir pour approfondir le « mystère »
nippon.
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