« Est-ce que je pourrais avoir une dédicace ? » Voilà une demande peu banale dans une pharmacie. Sauf chez Véronique Lesimple. En effet, la titulaire de la Pharmacie La Fayette* à Rochefort (Charente-Maritime) est une auteure reconnue depuis qu’elle a reçu, des mains d’Amélie Nothomb, le prix des lecteurs France Loisirs 2017, pour son roman « Les Beaux lendemains de Saint-Chanas » (voir encadré). Elle a même enchaîné les séances de signatures : « J’aurais connu ça une fois dans ma vie… dit-elle. Depuis, mes clients ne me regardent plus tout à fait de la même façon et ce n’est pas désagréable. »
Pour cette Lyonnaise discrète de 59 ans, ce prix littéraire est la reconnaissance du travail d’une vie, car Véronique Lesimple écrit depuis l’adolescence. Une passion qu’elle n’a délaissée que le temps de la fac de Pharmacie à Lyon : « Je voulais faire médecine, explique-t-elle, mais une étudiante en pharmacie m’a tellement vanté sa filière que j’y suis allée. J’ai beaucoup aimé les études. Je les ai même préférées au travail… »
Officine ou librairie
Diplômée en 1983, ses débuts d’assistante en Rhône-Alpes ne sont guère enthousiasmants. La paye est chiche, l’accueil pas toujours chaleureux. Elle peine même à trouver des postes : « Si vous acceptez d’être payée comme une préparatrice, vous trouverez du travail, m’a dit une titulaire. J’ai envisagé de changer de métier. Devenir libraire… »
Mais elle demeure pharmacienne. Et faute de vendre des livres, elle continue d’en écrire. Une façon d’évacuer ses frustrations professionnelles ?
Son mari, pharmacien biologiste, est alors muté à Nantes. Et tandis qu’il s’investit dans l’équipe qui mettra au point l’usage des empreintes génétiques pour la traque des criminels, Véronique Lesimple se met au roman… policier.
Assistante, remplaçante, elle élève deux enfants, puis, suite à son divorce, décide de s’installer. En 2003, elle opte pour une petite pharmacie de Rochefort (24 000 habitants), près de l’île d’Oléron où ses parents possèdent une maison : « J’ai été confrontée pour la première fois au poids des responsabilités d’une officine, être mon propre patron… Et j’ai aimé ça ! », souligne-t-elle.
Installée dans un quartier populaire du centre-ville, elle exerce seule avec une préparatrice, dispensant surtout des médicaments sur ordonnance et des conseils : « En 15 ans, j’ai tissé des liens avec mes patients, indique-t-elle. D’anciens usagers de Subutex viennent me présenter leurs enfants… »
Quinze romans dans ses tiroirs
Entre deux clients, elle se réserve des moments de création : « J’écris entre 14 et 15 heures, à l’heure calme, explique-t-elle. Mais je pense tout le temps à mes personnages. » Admiratrice de Dumas et Stendhal, elle a une quinzaine de romans achevés dans ses tiroirs, mais tous ses envois aux maisons d’édition se sont soldés par des échecs… Jusqu’au prix France Loisirs et ses 38 000 exemplaires vendus ! Elle s’étonne d’ailleurs de n’avoir encore perçu aucun droit d’auteur. Le monde de l’édition lui semble opaque et compliqué…
Celui de l’officine ne la rassure pas davantage. Si elle suit la plupart des formations aux nouvelles missions (vaccination, bilan de médication…) elle n’ose pas se lancer : « Je suis timide, avoue-t-elle. Parler aux gens, discuter n’est pas trop dans ma nature… Sans oublier que ces missions demandent du temps et de l’espace. » Son seul projet : « Tenir le coup jusqu’à la relève. C’est-à-dire 67 ans, car je n’ai pas assez de trimestres cotisés. Vous voyez, je ne suis pas aventureuse. » Sauf en littérature où elle travaille déjà à son prochain roman.
Quant à son officine, elle a sa propre notoriété pour avoir servi de décor au tournage d’un film** avec Antoine Duléry et Bernard Campan. Décidément, voilà une petite pharmacie bien souvent sous les projecteurs !
* Rien à voir avec le réseau du même nom. « Je l’ai baptisée ainsi car elle se situe rue La-Fayette, explique Véronique Lesimple. À l’époque, je ne connaissais même pas le réseau. »
** « La Boule noire » de Denis Malleval, 2014. D’après Simenon.
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